COMMUNIQUÉ DE PRESSE
(En version PDF)
Paris, le 17 janvier 2021.
À la suite de la publication d’une nouvelle instruction interministérielle sur le secret défense, l’Association des archivistes français, l’Association des historiens contemporanéistes de l’enseignement supérieur et de la recherche et l’Association Josette et Maurice Audin, ainsi qu’un collectif d’archivistes, de juristes, d’historiennes et d’historiens dont Robert O. Paxton, Antoine Prost et Annette Wieviorka, vice-présidente du Conseil supérieur des Archives, saisissent le Conseil d’État pour obtenir son annulation. Loin de se conformer à la loi sur les archives de 2008, ce texte réglementaire entrave toujours plus l’accès aux archives contemporaines de la Nation.
Des archivistes, des juristes, des historiennes et des historiens, relayés par une pétition signée par plus de 18 000 personnes, dénoncent une restriction inadmissible dans l’accès aux archives contemporaines de la Nation. Depuis plus d’un an, l’application systématique de l’instruction générale interministérielle n°1300 (IGI 1300), un texte de valeur réglementaire, conduit à subordonner toute communication de documents antérieurs à 1970 et portant un tampon « secret » à une procédure administrative dite de « déclassification ». Se trouve ainsi bloqué pendant des mois, et parfois des années, l’accès à ces documents et entravés des travaux portant sur certains des épisodes les plus sensibles de notre passé récent, qu’il s’agisse des périodes de l’Occupation, des guerres coloniales, ou de l’histoire de la Quatrième République et des débuts de la Cinquième République. Cette procédure est contestable dans son principe même, car la loi prévoit que les archives publiques dont la communication porte atteinte au secret de la défense nationale deviennent « communicables de plein droit » à l’expiration d’un délai de cinquante ans, sans qu’aucune autre condition particulière ne puisse être exigée. Tous les documents de ce type antérieurs à 1971 devraient donc être librement accessibles aux citoyennes et aux citoyens en 2021.
C’est pourquoi, un recours a été formé une première fois devant le Conseil d’État le 23 septembre 2020 pour voir constatée l’illégalité de de l’IGI 1300. Mi-novembre, une nouvelle version de cette IGI 1300 est parue : loin de résoudre le problème identifié dans le recours du 23 septembre, elle réduit davantage encore la communication des archives publiques antérieures à 1971 et fait peser de sourdes menaces sur l’accès à l’ensemble des documents classifiés secret défense à l’avenir. Depuis cette date, de nombreux parlementaires ont été saisis de cette question ainsi que la ministre de la Culture, en charge des archives. Le président de la République et le Premier ministre ont également été alertés.
Cette nouvelle version de l’IGI fixe de manière arbitraire le périmètre du secret-défense en imposant la date de mars 1934 : tout document postérieur à cette date portant un quelconque tampon « secret » doit faire l’objet d’une demande de déclassification auprès des services émetteurs.
Les critères de déclassification (ou de refus de déclassification) ne sont pas précisés, ouvrant la porte à une gestion arbitraire de l’accès aux archives de la Nation.
Plus grave encore, cette nouvelle version de l’IGI produit une catégorie d’archives non communicables, au mépris de la loi. En effet, faute d’une réponse de l’administration émettrice à une demande de déclassification, les archives – dont on rappelle encore qu’elles sont de plein droit communicables au regard de la loi puisqu’ayant plus de 50 ans – ne peuvent être communiquées : elles deviennent de fait non communicables.
Enfin, de manière inédite dans l’histoire des archives en France, la nouvelle version de l’IGI 1300 prévoit la possibilité que des archives soient classifiées « secret défense » a postériori sans aucune limite temporelle et justification d’aucune sorte, privant le Parlement de sa compétence exclusive quant à la fixation des délais au terme desquels les archives publiques deviennent librement communicables.
Face à cette situation, l’Association des archivistes français (AAF), l’Association des historiens contemporanéistes de l’enseignement supérieur et de la recherche (AHCESR) et l’Association Josette et Maurice Audin, ainsi qu’un nombre croissant de personnalités du monde des archives, de l’histoire et du droit ont saisi le Conseil d’État le 15 janvier 2021 pour voir constatée l’illégalité de la nouvelle version de l’IGI n°1300.
Elles rappellent à nouveau que seul l’accès aux archives, dans le respect de la loi, peut garantir un examen informé et contradictoire de notre histoire contemporaine. C’est aussi une condition indispensable pour répondre à l’appel du président de la République, répété à plusieurs reprises, d’un débat sur le passé colonial de notre pays.
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CONTACTS
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– Raphaëlle Branche : rbranche@parisnanterre.fr
– Association des archivistes français : l’AAF regroupe près de 2500 membres, professionnels des archives du secteur public comme du secteur privé. Elle est un organe permanent de réflexions, de formations et d’initiatives mis au service des sources de notre histoire, celles d’hier comme celles de demain.
– Contact : Anne Clerc, déléguée générale / delegation_generale@archivistes.org / 01 46 06 40 12
Association des historiens contemporanéistes de l’enseignement Supérieur et de la recherche : créée en 1969, l’AHCESR est une association professionnelle qui regroupe les enseignants-chercheurs et les chercheurs en histoire contemporaine en poste dans les institutions de recherche et d’enseignement supérieur français. Elle défend leurs intérêts collectifs et constitue un lieu de réflexion et d’échanges sur les mutations du métier d’historien et la formation des étudiants. En tant que société savante, l’AHCESR anime la discussion scientifique sur l’évolution des manières d’écrire l’histoire contemporaine (1789 à nos jours).
– Contact : Clément Thibaud, président / clement.thibaud@ehess.fr / 06 83 66 05 45 ; Nicolas Patin, secrétaire général de l’AHCESR / nicolas.patin@u-bordeaux-montaigne.fr
– Association Josette et Maurice Audin : L’Association Josette et Maurice Audin (AJMA) a pour objet d’agir pour faire la clarté sur les circonstances de la mort de Maurice Audin, assassiné par l’armée française dans le cadre d’un système de tortures et de disparitions forcées ; d’agir pour l’ouverture des archives ayant trait à la guerre d’Algérie et pour la vérité sur les disparus de la guerre d’Algérie du fait des forces de l’ordre françaises ; de faire vivre la mémoire de Josette et Maurice Audin et de leurs combats.
Contact : Pierre Mansat, président / pierremansat@gmail.com / 06 76 86 08 63
Comptes Twitter : @ArchiCaDebloque ; @Archivistes_AAF, @ahcesr
Pétition « Nous dénonçons une restriction sans précédent de l’accès aux archives contemporaines de la nation » : http://chng.it/qGrqBBbZ
– INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES
• PJ n°1. Texte du recours du 15 janvier 2021
• PJ n°2. Tribune au journal Le Monde du 14 février 2020
• PJ n°3. Tribune de l’Association des archivistes français du 19 février 2020
• PJ n°4. Tribune au Journal du Dimanche du 21 juin 2020
Liste des signataires :
Association des archivistes français
Association des historiens contemporanéistes de l’enseignement Supérieur et de la recherche
Association Josette et Maurice Audin
Marc Olivier Baruch
Jean-Marc Berlière
Emmanuel Blanchard
Helga E. Bories-Sawala
Frédéric Bozo
Raphaëlle Branche
Perrine Canavaggio
Laurent Cesari
Marie Cornu
Olivier Dard
Hanna Diamond
Olivier Forcade
Elisabeth Fortis
Valeria Galimi
Robert Gildea
Arlette Heymann-Doat
James House
Julian Jackson
Eric Jennings
Sébastien Laurent
Harry Roderick Kedward
Julie Le Gac
Gilles Manceron
Chantal Metzger
Claire Miot
Gilles Morin
Isabelle Neuschwander
Robert O. Paxton
Denis Peschanski
Caroline Piketty
Antoine Prost
Frédéric Rolin
Anne Simonin
Catherine Teitgen-Colly
Martin Thomas
Maurice Vaïsse
Thomas Vaisset
Fabrice Virgili
Noé Wagener
Bertrand Warusfel
Annette Wieviorka
Olivier Wieviorka