Communiqué de presse - 9 mars 2021

Réaction des associations à l’origine du recours devant le Conseil d’État au communiqué du 9 mars 2021 du président de la République relatif à l’accès aux archives « secrètes »

Paris, le 9 mars - Les associations ayant attaqué devant le Conseil d’État les instructions générales interministérielles n° 1300 de 2011 et de 2020 prennent note du communiqué du président de la République de ce jour, 9 mars 2021, sur l’accès aux archives publiques antérieures à 1971 qui portent un tampon « Secret ».

mardi 9 mars 2021
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Derrière les effets d’annonce, ce com­mu­ni­qué appelle la plus grande vigi­lance quant à l’ampleur exacte de « l’avan­cée » obte­nue.

En pre­mier lieu, nous notons que le Président de la République annonce, « dès demain », la pos­si­bi­lité pour les ser­vi­ces d’archi­ves de pro­cé­der aux déclas­si­fi­ca­tions des docu­ments cou­verts par le secret de la Défense natio­nale par le pro­cédé dit de « démar­quage au carton ». Cette mesure semble certes de nature à écourter sen­si­ble­ment les délais d’attente pour les cher­cheurs qui se ren­dront au Service his­to­ri­que de la Défense et aux Archives diplo­ma­ti­ques. Mais elle appelle trois pré­ci­sions :
• En pre­mier lieu, il existe de nom­breux autres ser­vi­ces d’archi­ves que le Service his­to­ri­que de la Défense et les Archives diplo­ma­ti­ques qui conser­vent des docu­ments clas­si­fiés, par­fois en très grand nombre. C’est le cas, en par­ti­cu­lier, des Archives natio­na­les. Or, faut-il le rap­pe­ler, les archi­vis­tes qui appar­tien­nent au réseau des Archives qui relè­vent du Ministère de la Culture ne sont pas auto­ri­sés, à la dif­fé­rence de leurs col­lè­gues du minis­tère des Armées par exem­ple, à déclas­si­fier les docu­ments ? Ils conti­nue­ront donc à sol­li­ci­ter les auto­ri­tés émettrices et à atten­dre de longs mois une réponse.
• Ensuite, elle ne signi­fie en aucun cas que les recher­ches arrê­tées depuis trop long­temps pour­ront repren­dre dès demain : elles ne le pour­ront qu’à la condi­tion que ces « démar­qua­ges », même au carton, soient effec­ti­ve­ment for­mel­le­ment réa­li­sés, ce que rien ne garan­tit. La mise en œuvre effec­tive, même au carton, de la pro­cé­dure de déclas­si­fi­ca­tion pren­dra de nom­breux mois, car il s’agit de dizai­nes de mil­liers de car­tons d’archi­ves qui sont concer­nés.
• Enfin, nous rap­pe­lons que les mesu­res de « démar­quage au carton » annon­cées aujourd’hui ne per­met­tent pas de pho­to­gra­phier les docu­ments, ce qui alour­dit le tra­vail en une période où les places dans les cen­tres d’archi­ves sont limi­tées du fait des contrain­tes sani­tai­res, et péna­lise for­te­ment les citoyen­nes et citoyens qui habi­tent en pro­vince.

Mais là n’est pas l’essen­tiel : le vrai pro­blème est que le com­mu­ni­qué de presse du pré­si­dent de la République ne change mal­heu­reu­se­ment rien au fond du pro­blème. Bien au contraire, il confirme qu’il est tou­jours néces­saire de déclas­si­fier des docu­ments d’archi­ves publi­ques que la loi déclare pour­tant com­mu­ni­ca­bles « de plein droit ». C’est pré­ci­sé­ment cette vio­la­tion du code du patri­moine qui a jus­ti­fié les deux recours que nous avons enga­gés devant le Conseil d’État en sep­tem­bre 2020 et en jan­vier 2021.
Le pré­si­dent de la République en est bien cons­cient, et c’est la raison pour laquelle il annonce, en second lieu, « un tra­vail légis­la­tif d’ajus­te­ment du point de cohé­rence entre le code du patri­moine et le code pénal pour faci­li­ter l’action des cher­cheurs ». Nous devrions sans doute nous réjouir de cette reconnais­sance impli­cite de l’illé­ga­lité de la pro­cé­dure admi­nis­tra­tive de déclas­si­fi­ca­tion lorsqu’elle est appli­quée à des docu­ments que la loi déclare « com­mu­ni­ca­bles de plein droit ». Mais nous ne pou­vons que cons­ta­ter qu’aucune infor­ma­tion n’a été donnée quant à la nature exacte de la modi­fi­ca­tion du code du patri­moine qui est prévue. On peut crain­dre que les délais d’accès aux archi­ves soient allon­gés pour cer­tains types de docu­ments, en régres­sion par rap­port aux choix que le Parlement avait faits en 2008. Pour notre part, nous consi­dé­rons qu’ouvrir un chan­tier légis­la­tif sur la révi­sion des délais de libre accès aux archi­ves c’est pren­dre un risque... le risque que l’économie géné­rale de la loi sur les archi­ves soit revue.

Dès lors, nos trois asso­cia­tions conti­nue­ront à être très vigi­lan­tes quant au res­pect des prin­ci­pes fon­da­men­taux qui sous-ten­dent le droit d’accès aux archi­ves. Elles conti­nue­ront leur action.


CONTACTS

Raphaëlle Branche : rbran­che@­pa­ris­nan­terre.fr

Association des his­to­riens contem­po­ra­néis­tes de l’ensei­gne­ment Supérieur et de la recher­che : créée en 1969, l’AHCESR est une asso­cia­tion pro­fes­sion­nelle qui regroupe les ensei­gnants-cher­cheurs et les cher­cheurs en his­toire contem­po­raine en poste dans les ins­ti­tu­tions de recher­che et d’ensei­gne­ment supé­rieur fran­çais. Elle défend leurs inté­rêts col­lec­tifs et cons­ti­tue un lieu de réflexion et d’échanges sur les muta­tions du métier d’his­to­rien et la for­ma­tion des étudiants. En tant que société savante, l’AHCESR anime la dis­cus­sion scien­ti­fi­que sur l’évolution des maniè­res d’écrire l’his­toire contem­po­raine (1789 à nos jours).
Contact : Raphaëlle Branche, pré­si­dente, rbran­che@­pa­ris­nan­terre.fr ; Thomas Vaisset, secré­taire géné­ral de l’AHCESR / thomas.vais­set@u­niv-leha­vre.fr

Association des archi­vis­tes fran­çais : l’AAF regroupe près de 2500 mem­bres, pro­fes­sion­nels des archi­ves du sec­teur public comme du sec­teur privé. Elle est un organe per­ma­nent de réflexions, de for­ma­tions et d’ini­tia­ti­ves mis au ser­vice des sour­ces de notre his­toire, celles d’hier comme celles de demain.
Contact : Anne Clerc, délé­guée géné­rale / Delegation_gene­ra­le@ar­chi­vis­tes.org / 01 46 06 40 12
Céline Guyon, pré­si­dente, celine.guyon@ar­chi­vis­tes.org

Association Josette et Maurice Audin : L’Association Josette et Maurice Audin (AJMA) a pour objet d’agir pour faire la clarté sur les cir­cons­tan­ces de la mort de Maurice Audin, assas­siné par l’armée fran­çaise dans le cadre d’un sys­tème de tor­tu­res et de dis­pa­ri­tions for­cées ; d’agir pour l’ouver­ture des archi­ves ayant trait à la guerre d’Algérie et pour la vérité sur les dis­pa­rus de la guerre d’Algérie du fait des forces de l’ordre fran­çai­ses ; de faire vivre la mémoire de Josette et Maurice Audin et de leurs com­bats.
Contact : Pierre Mansat, pré­si­dent / pier­re­man­sat@g­mail.com / 06 76 86 08 63


INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

1. Pétition « Nous dénon­çons une res­tric­tion sans pré­cé­dent de l’accès aux archi­ves contem­po­rai­nes de la nation » (18 800 signa­tu­res) : http://chng.it/qGr­qBBbZ
2. Comptes Twitter : @Ar­chi­Ca­De­blo­que ; @Ar­chi­vis­tes_AAF



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