Si l’article 25, selon le Conseil constitutionnel, ne viole donc pas la Constitution, il n’en représente pas moins une rupture historique : c’est la première fois en France qu’une loi revient en arrière dans l’accès à différentes catégories d’archives publiques – si l’on excepte le cas très particulier des armes de destruction massive réglé en 2008 du fait d’obligations internationales.
L’article 25 construit, en particulier, un régime d’intercommunicabilité des archives des services de renseignement qui ne dit pas son nom. Avec ce texte, en effet, la grande majorité des archives de ces services est susceptible de devenir inaccessible, et ce, sans aucune limite de durée autre que celle que ces mêmes services décideront et selon des modalités de contrôle incompatibles avec les conditions de la recherche historique.
Le Conseil constitutionnel a néanmoins formulé deux réserves d’interprétation, dont l’une est particulièrement importante : l’allongement des délais prévu à l’article 25 est inapplicable aux documents d’archives publiques « dont la communication n’a pas pour effet la révélation d’une information jusqu’alors inaccessible au public ». En d’autres termes, et contrairement à ce que prétend l’alinéa 21 de l’article 25, une information qui était déjà accessible doit le rester, qu’elle ait fait ou non l’objet d’une mesure de classification au titre de la défense nationale. Cela signifie concrètement qu’aucune des archives « secret défense » de la Seconde Guerre mondiale, de la IVe République ou encore de la guerre d’Algérie, qui étaient communicables au sens du Code du patrimoine, ne pourra faire l’objet d’un refus de communication, quand bien même elles entreraient dans les catégories nouvelles d’archives dont la communication est reportée pour une durée indéterminée.
Cette réserve représente, pour le collectif « Accès aux archives publiques », une vraie victoire. Elle ne résout rien, en revanche, de la situation des archives inaccessibles en 2021 et dont la date de libre communicabilité est reportée sans aucune limite de temps : l’histoire des services de renseignements de 1971 à nos jours sombre, en particulier, dans un grand trou noir dont nulle date de sortie n’est fixée.
Le collectif regrette ce choix politique gouverné par la défiance et la peur, qui décharge certaines administrations de contraintes de transparence et de responsabilité qui devraient être les leurs et entre en contradiction directe avec les différentes annonces du Président de la République sur l’ouverture des archives.
Le collectif n’oublie pas que la mobilisation exemplaire des historiens, des archivistes, des juristes et des usagers des services publics d’archives en général aura permis de mettre en échec une première version de l’article 25 qui organisait une fermeture bien pire encore, tout comme il n’oublie pas que cette première version, en date du 30 mars 2021, avait reçu l’aval unanime des différents ministères et notamment des ministères spécialement en charge de la conservation et de l’accès aux archives publiques.
Devant cette rupture du lien de confiance, il en tire la conclusion qu’il est désormais urgent que la société civile et les associations professionnelles s’organisent de manière pérenne pour suivre les questions d’archives publiques. Il entend en particulier travailler à la mise en place d’un Observatoire des archives publiques. Il appelle, à ce propos, toutes les personnes intéressées par ces questions à participer à la rencontre-débat qui se tiendra le 13 septembre prochain à la maison de l’Ile-de-France de la Cité internationale universitaire de Paris.
Le collectif suivra, en outre, avec la plus grande attention les mesures d’application de l’article 25 de la loi relative à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement. Il rappelle à ce propos que plusieurs engagements, aussi limités soient-ils, ont d’ores et déjà été pris publiquement :
– Dans une lettre du 26 juillet 2021, le Premier ministre s’est engagé à veiller « à ce que l’application du texte par les services concernés soit exemplaire » et à ce que « les volumes de documents concernés [soient] limités » ;
– Lors des débats à l’Assemblée nationale du 2 juin 2021, la Ministre des armées s’est engagée à ce que les services dits « de second cercle » susceptibles de bénéficier de l’allongement des délais d’accès aux archives publiques se réduisent à « deux de ces services, le service central du renseignement territorial et la direction du renseignement de la préfecture de police » ;
– Dans un message à l’ensemble du réseau des Archives de France du 1er juillet 2021, la cheffe du Service interministériel des Archives de France s’est engagée à ce que l’allongement des délais concernant les archives des services de renseignement ne vise pas « les documents faisant état du renseignement recueilli par ces services, mais bien uniquement ceux qui décrivent les méthodes permettant ce recueil ».
Le collectif rappelle enfin que suite à un amendement du sénateur Ouzoulias, les services publics d’archives ont désormais l’obligation d’identifier et d’informer les usagers de l’existence des fonds d’archives qui bénéficieront de l’allongement des délais de communication et ce en amont de toute demande de communication particulière. Par le présent communiqué, le collectif demande donc aux Archives nationales, au Service historique de la Défense et aux Archives diplomatiques de satisfaire à cette obligation positive nouvelle que le Parlement a mise à leur charge, et d’informer en conséquence les usagers, dans un délai de deux mois, de l’ensemble des fonds qui bénéficieront effectivement de la prolongation des délais d’accès institués par l’article 25.
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CONTACTS
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Association des historiens contemporanéistes de l’enseignement Supérieur et de la recherche : créée en 1969, l’AHCESR est une association professionnelle qui regroupe les enseignants-chercheurs et les chercheurs en histoire contemporaine en poste dans les institutions de recherche et d’enseignement supérieur français. Elle défend leurs intérêts collectifs et constitue un lieu de réflexion et d’échanges sur les mutations du métier d’historien et la formation des étudiants. En tant que société savante, l’AHCESR anime la discussion scientifique sur l’évolution des manières d’écrire l’histoire contemporaine (1789 à nos jours).
Contact : Raphaëlle Branche, présidente, rbranche@parisnanterre.fr ; Thomas Vaisset, secrétaire général de l’AHCESR / thomas.vaisset@univ-lehavre.fr
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Association des archivistes français : l’AAF regroupe près de 2500 membres, professionnels des archives du secteur public comme du secteur privé. Elle est un organe permanent de réflexions, de formations et d’initiatives mis au service des sources de notre histoire, celles d’hier comme celles de demain.
Contact : Céline Guyon, présidente / celine.guyon@archivistes.org
Twitter : @Archivistes_AAF
Association Josette et Maurice Audin : L’Association Josette et Maurice Audin (AJMA) a pour objet d’agir pour faire la clarté sur les circonstances de la mort de Maurice Audin, assassiné par l’armée française dans le cadre d’un système de tortures et de disparitions forcées ; d’agir pour l’ouverture des archives ayant trait à la guerre d’Algérie et pour la vérité sur les disparus de la guerre d’Algérie du fait des forces de l’ordre françaises ; de faire vivre la mémoire de Josette et Maurice Audin et de leurs combats.
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