L’association des archivistes français, l’association des historiens contemporanéistes de l’enseignement supérieur et de la recherche et l’association Josette et Maurice Audin, à l’origine des recours et de la mobilisation citoyenne contre l’Instruction générale interministérielle n°1300 se félicitent de voir reconnue l’illégalité des pratiques qui, depuis plus de 18 mois, empêchent l’accès à de très nombreuses archives de la Nation. Le texte adopté par l’Assemblée nationale met en effet explicitement un terme à ces pratiques administratives illégales, avant même que le Conseil d’État, saisi par nos trois associations, n’ait pu se prononcer.
Les associations regrettent en revanche, qu’en contrepoint de cette avancée inévitable, l’article 19 du projet de loi provoque un allongement inédit des délais de communication d’un certain nombre d’archives publiques. Elles tiennent, à ce propos, à remercier vivement les nombreux députés de différents bords politiques qui ont déposé et défendu en séance des amendements destinés à mieux encadrer cet allongement, aujourd’hui bien trop large. Ces amendements n’ont toutefois pas été adoptés, et les associations déplorent que leurs demandes sur les points les plus critiques du texte n’aient pas été entendues.
Ainsi, les inquiétudes exprimées depuis plusieurs semaines par les archivistes, les juristes, les historiennes et les historiens demeurent. En l’état, le texte risque d’entraîner une refermeture massive des archives de renseignement. Contrairement à ce qui a été affirmé mercredi soir sur les bancs du gouvernement, rien ne permet de garantir qu’il soit toujours possible demain de travailler sur les archives de la direction de surveillance du territoire (DST) ayant permis de retrouver et de juger les collaborateurs de la Seconde Guerre mondiale, sur les archives des réseaux de renseignement et les services secrets de la France libre au cours de ce même conflit, les archives des tristement célèbres « détachements opérationnels de protection » chargés au cours de la guerre d’Algérie d’interroger les prisonniers jugés les plus « intéressants », y compris en recourant à la torture. La recherche sur des pans entiers, et essentiels, de notre histoire contemporaine, est gravement menacée. Il s’agit bien d’une question démocratique : comment les citoyennes et les citoyens peuvent-ils demander des comptes à l’administration, que l’article 15 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 garantit, s’il est impossible d’accéder aux informations le leur permettent ?
Les quelques assurances données par la ministre des Armées semblent bien dérisoires. En revanche, l’interprétation que Madame Parly fait de la loi est inquiétante : selon elle, ce n’est pas tant la gravité de la menace attachée aux informations contenues dans les documents qui est problématique, mais le fait que l’accès aux archives pouvait constituer une menace contre la capacité de renseignement du pays ! Que dire, enfin, des inexactitudes destinées à dramatiser inutilement les enjeux et inquiéter à tort nos concitoyens : que l’on se rassure, les plans de la base des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de l’Ile Longue sont protégés, et bien protégés, par la loi de 2008.
Ce vote n’est qu’une étape. Les associations vont poursuivre leur mobilisation et comptent sur les sénateurs pour que la protection des intérêts fondamentaux de la Nation soit identifiée suffisamment clairement et pour qu’elle ne porte pas atteinte de manière disproportionnée, en droit ou en pratique, à l’accès aux archives de la nation.
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CONTACTS
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– Association des historiens contemporanéistes de l’enseignement Supérieur et de la recherche : créée en 1969, l’AHCESR est une association professionnelle qui regroupe les enseignants-chercheurs et les chercheurs en histoire contemporaine en poste dans les institutions de recherche et d’enseignement supérieur français. Elle défend leurs intérêts collectifs et constitue un lieu de réflexion et d’échanges sur les mutations du métier d’historien et la formation des étudiants. En tant que société savante, l’AHCESR anime la discussion scientifique sur l’évolution des manières d’écrire l’histoire contemporaine (1789 à nos jours).
Contact : Raphaëlle Branche, présidente, rbranche@parisnanterre.fr ; Thomas Vaisset, secrétaire général de l’AHCESR / thomas.vaisset@univ-lehavre.fr
Twitter : @ahcesr ; @ArchiCaDebloque
– Association des archivistes français : l’AAF regroupe près de 2500 membres, professionnels des archives du secteur public comme du secteur privé. Elle est un organe permanent de réflexions, de formations et d’initiatives mis au service des sources de notre histoire, celles d’hier comme celles de demain.
Contact : Céline Guyon, présidente / celine.guyon@archivistes.org
Twitter : @Archivistes_AAF
– Association Josette et Maurice Audin : L’Association Josette et Maurice Audin (AJMA) a pour objet d’agir pour faire la clarté sur les circonstances de la mort de Maurice Audin, assassiné par l’armée française dans le cadre d’un système de tortures et de disparitions forcées ; d’agir pour l’ouverture des archives ayant trait à la guerre d’Algérie et pour la vérité sur les disparus de la guerre d’Algérie du fait des forces de l’ordre françaises ; de faire vivre la mémoire de Josette et Maurice Audin et de leurs combats.
Contact : Pierre Mansat, président / pierremansat@gmail.com / 06 76 86 08 63
@Mansat