Communiqué de presse : Réaction du collectif « Accès aux archives publiques » à l’annulation de l’Instruction générale interministérielle n°1300 par le Conseil d’État

mardi 6 juillet 2021
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Paris, le 2 juillet 2021. Ce ven­dredi 2 juillet 2021, le Conseil d’État a déclaré illé­ga­les et annulé les dis­po­si­tions de l’ins­truc­tion géné­rale inter­mi­nis­té­rielle n° 1300 (IGI 1300) sur la pro­tec­tion du secret de la défense natio­nale qui, depuis plu­sieurs années, blo­quaient l’accès aux archi­ves publi­ques « secret défense » de plus de cin­quante ans.
L’arrêt rendu cet après-midi est lapi­daire : l’illé­ga­lité com­mise est si gros­sière que le Conseil d’État n’a pas jugé néces­saire de déployer une longue argu­men­ta­tion juri­di­que au sou­tien de son annu­la­tion. Pour le gou­ver­ne­ment, pour le Secrétariat géné­ral de la défense et de la sécu­rité natio­nale, ainsi que pour toutes les admi­nis­tra­tions qui ont mis en œuvre cette ins­truc­tion illé­gale – au pre­mier rang des­quels le minis­tère des Armées et le minis­tère de la Culture –, le désa­veu est cin­glant.
Le scan­dale que repré­sen­tent les dis­po­si­tions de l’IGI 1300 concer­nant l’accès aux archi­ves publi­ques est désor­mais indis­cu­ta­ble. Nul ne pourra plus nier que les his­to­riens et les his­to­rien­nes ont été illé­ga­le­ment empê­chés de mener leurs recher­ches sur la Seconde Guerre mon­diale, la IVe République ou la guerre d’Algérie. Nul ne pourra plus nier que les archi­vis­tes ont été détour­nés de manière absurde de leurs tâches scien­ti­fi­ques, pour pro­cé­der à l’ins­truc­tion de deman­des de déclas­si­fi­ca­tion d’archi­ves publi­ques qui n’avaient pas besoin d’être déclas­si­fiées : que de temps et d’argent public perdus ! Nul ne pourra plus nier que des cen­tai­nes de mil­liers de docu­ments – dont des pièces patri­mo­nia­les de tout pre­mier ordre – ont été dégra­dés de manière irré­ver­si­ble par l’appo­si­tion de tam­pons de déclas­si­fi­ca­tion qui ne répon­daient à aucune néces­sité légale.
Surtout, nul ne pourra plus contes­ter que l’actuel débat au Parlement sur l’arti­cle 19 du projet de loi rela­tif à la pré­ven­tion des actes de ter­ro­risme et au ren­sei­gne­ment est faussé. Contrairement à ce que mar­tè­lent l’exposé des motifs, l’étude d’impact, les dis­cours de la minis­tre des armées et des rap­por­teurs, ce projet de loi n’est pas une « loi d’ouver­ture ». Le Conseil d’État vient de le confir­mer sèche­ment. La pré­ten­due « ouver­ture » qu’orga­nise ce projet de loi n’est que le rappel du droit d’ores et déjà appli­ca­ble et mal­mené par les admi­nis­tra­tions, tandis que la fer­me­ture, elle, est réelle et iné­dite. C’est, autre­ment dit, au nom d’une argu­men­ta­tion men­son­gère que le gou­ver­ne­ment a choisi d’orga­ni­ser la fer­me­ture, sans limite de durée, de l’accès aux archi­ves des ser­vi­ces de ren­sei­gne­ment. Ce pro­cédé est inac­cep­ta­ble. Le gou­ver­ne­ment et le par­le­ment doi­vent tirer toutes les consé­quen­ces de cette déci­sion du Conseil d’Etat et repren­dre inté­gra­le­ment l’arti­cle 19 du projet de loi rela­tif à la pré­ven­tion d’actes de ter­ro­risme et au ren­sei­gne­ment.
Quoi qu’il se passe, après cette déci­sion du Conseil d’État, le col­lec­tif « Accès aux archi­ves publi­ques » à l’ori­gine des recours aura de toute façon gagné sur un point. Cet arrêt n’est pas seu­le­ment un succès au nom du droit ou de l’air enfin retrouvé pour les archi­vis­tes, les his­to­rien­nes et les his­to­riens qu’une ins­truc­tion absurde empê­chait de tra­vailler. La ques­tion des archi­ves publi­ques et de leur néces­saire accès pour qu’on puisse parler d’un régime démo­cra­ti­que sain est deve­nue une ques­tion publi­que et visi­ble. Au Parlement comme dans les médias, l’écho que cette cause a trouvé donne aussi des rai­sons d’espé­rer.
Ni les archi­ves, ni l’écriture de l’his­toire contem­po­raine ne sont des ques­tions tech­ni­ques. Après un tel succès sans appel au Conseil d’État, il importe de le faire savoir net­te­ment : tou­cher à l’accès aux archi­ves, c’est tou­cher à la démo­cra­tie.


CONTACTS

Association des his­to­riens contem­po­ra­néis­tes de l’ensei­gne­ment Supérieur et de la recher­che : créée en 1969, l’AHCESR est une asso­cia­tion pro­fes­sion­nelle qui regroupe les ensei­gnants-cher­cheurs et les cher­cheurs en his­toire contem­po­raine en poste dans les ins­ti­tu­tions de recher­che et d’ensei­gne­ment supé­rieur fran­çais. Elle défend leurs inté­rêts col­lec­tifs et cons­ti­tue un lieu de réflexion et d’échanges sur les muta­tions du métier d’his­to­rien et la for­ma­tion des étudiants. En tant que société savante, l’AHCESR anime la dis­cus­sion scien­ti­fi­que sur l’évolution des maniè­res d’écrire l’his­toire contem­po­raine (1789 à nos jours).
Contact : Raphaëlle Branche, pré­si­dente, rbran­che@­pa­ris­nan­terre.fr ; Thomas Vaisset, secré­taire géné­ral de l’AHCESR / thomas.vais­set@u­niv-leha­vre.fr
Twitter : @ah­cesr ; @Ar­chi­Ca­De­blo­que

Association des archi­vis­tes fran­çais : l’AAF regroupe près de 2500 mem­bres, pro­fes­sion­nels des archi­ves du sec­teur public comme du sec­teur privé. Elle est un organe per­ma­nent de réflexions, de for­ma­tions et d’ini­tia­ti­ves mis au ser­vice des sour­ces de notre his­toire, celles d’hier comme celles de demain.
Contact : Céline Guyon, pré­si­dente / celine.guyon@ar­chi­vis­tes.org
Twitter : @Ar­chi­vis­tes_AAF

Association Josette et Maurice Audin : L’Association Josette et Maurice Audin (AJMA) a pour objet d’agir pour faire la clarté sur les cir­cons­tan­ces de la mort de Maurice Audin, assas­siné par l’armée fran­çaise dans le cadre d’un sys­tème de tor­tu­res et de dis­pa­ri­tions for­cées ; d’agir pour l’ouver­ture des archi­ves ayant trait à la guerre d’Algérie et pour la vérité sur les dis­pa­rus de la guerre d’Algérie du fait des forces de l’ordre fran­çai­ses ; de faire vivre la mémoire de Josette et Maurice Audin et de leurs com­bats.
Contact : Pierre Mansat, pré­si­dent / pier­re­man­sat@g­mail.com / 06 76 86 08 63
@Man­sat

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