Paris, le 2 juillet 2021. Ce vendredi 2 juillet 2021, le Conseil d’État a déclaré illégales et annulé les dispositions de l’instruction générale interministérielle n° 1300 (IGI 1300) sur la protection du secret de la défense nationale qui, depuis plusieurs années, bloquaient l’accès aux archives publiques « secret défense » de plus de cinquante ans.
L’arrêt rendu cet après-midi est lapidaire : l’illégalité commise est si grossière que le Conseil d’État n’a pas jugé nécessaire de déployer une longue argumentation juridique au soutien de son annulation. Pour le gouvernement, pour le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, ainsi que pour toutes les administrations qui ont mis en œuvre cette instruction illégale – au premier rang desquels le ministère des Armées et le ministère de la Culture –, le désaveu est cinglant.
Le scandale que représentent les dispositions de l’IGI 1300 concernant l’accès aux archives publiques est désormais indiscutable. Nul ne pourra plus nier que les historiens et les historiennes ont été illégalement empêchés de mener leurs recherches sur la Seconde Guerre mondiale, la IVe République ou la guerre d’Algérie. Nul ne pourra plus nier que les archivistes ont été détournés de manière absurde de leurs tâches scientifiques, pour procéder à l’instruction de demandes de déclassification d’archives publiques qui n’avaient pas besoin d’être déclassifiées : que de temps et d’argent public perdus ! Nul ne pourra plus nier que des centaines de milliers de documents – dont des pièces patrimoniales de tout premier ordre – ont été dégradés de manière irréversible par l’apposition de tampons de déclassification qui ne répondaient à aucune nécessité légale.
Surtout, nul ne pourra plus contester que l’actuel débat au Parlement sur l’article 19 du projet de loi relatif à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement est faussé. Contrairement à ce que martèlent l’exposé des motifs, l’étude d’impact, les discours de la ministre des armées et des rapporteurs, ce projet de loi n’est pas une « loi d’ouverture ». Le Conseil d’État vient de le confirmer sèchement. La prétendue « ouverture » qu’organise ce projet de loi n’est que le rappel du droit d’ores et déjà applicable et malmené par les administrations, tandis que la fermeture, elle, est réelle et inédite. C’est, autrement dit, au nom d’une argumentation mensongère que le gouvernement a choisi d’organiser la fermeture, sans limite de durée, de l’accès aux archives des services de renseignement. Ce procédé est inacceptable. Le gouvernement et le parlement doivent tirer toutes les conséquences de cette décision du Conseil d’Etat et reprendre intégralement l’article 19 du projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement.
Quoi qu’il se passe, après cette décision du Conseil d’État, le collectif « Accès aux archives publiques » à l’origine des recours aura de toute façon gagné sur un point. Cet arrêt n’est pas seulement un succès au nom du droit ou de l’air enfin retrouvé pour les archivistes, les historiennes et les historiens qu’une instruction absurde empêchait de travailler. La question des archives publiques et de leur nécessaire accès pour qu’on puisse parler d’un régime démocratique sain est devenue une question publique et visible. Au Parlement comme dans les médias, l’écho que cette cause a trouvé donne aussi des raisons d’espérer.
Ni les archives, ni l’écriture de l’histoire contemporaine ne sont des questions techniques. Après un tel succès sans appel au Conseil d’État, il importe de le faire savoir nettement : toucher à l’accès aux archives, c’est toucher à la démocratie.
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CONTACTS
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