Depuis de longs mois, des archivistes, des juristes, des historiennes et des historiens, relayés par une pétition signée par plus de 15 000 personnes, dénoncent une restriction inadmissible dans l’accès aux archives contemporaines de la Nation.
L’application systématique d’un texte de valeur réglementaire, l’article 63 de l’instruction générale interministérielle n°1300 (IGI 1300), conduit en effet à subordonner à une procédure administrative dite de « déclassification » toute communication de documents antérieurs à 1970 qui portent un tampon « secret ».
L’application d’une telle procédure à des archives publiques de plus de cinquante ans est doublement critiquée.
Elle est critiquée dans ses modalités, d’abord, car sa mise en œuvre se révèle extrêmement lourde : elle conduit à bloquer pendant des mois, et parfois des années, l’accès aux documents, entravant des travaux qui portent sur certains des épisodes les plus controversés de notre passé récent, qu’il s’agisse des périodes de l’Occupation, des guerres coloniales, ou de l’histoire de la Quatrième République et des débuts de la Cinquième République. Elle crée, en outre, des situations ubuesques, puisque des historiennes et des historiens se voient refuser l’accès à des documents qu’ils avaient déjà consultés il y a quelques années, et dont certains ont même été reproduits et publiés
Mais cette procédure est aussi critiquée dans son principe même, car la loi prévoit, au contraire, que les archives publiques dont la communication porte atteinte au secret de la défense nationale deviennent « communicables de plein droit » à l’expiration d’un délai de cinquante ans, sans qu’aucune autre condition particulière ne puisse être exigée.
Face à cette situation intenable, l’Association des archivistes français (AAF), l’Association des historiens contemporanéistes de l’enseignement supérieur et de la recherche (AHCESR) et l’Association Josette et Maurice Audin, accompagnées d’un collectif de personnalités du monde des archives, de l’histoire et du droit, ont écrit le 21 juin dernier au Premier ministre pour obtenir l’abrogation de l’article 63 de l’IGI 1300.
Aucune réponse ne leur ayant été apportée, ces trois associations et vingt-huit archivistes, juristes, historiennes et historiens ont saisi, le 23 septembre 2020, le Conseil d’État, pour voir constater l’illégalité de cette disposition réglementaire.
Elles rappellent à cette occasion que seul l’accès aux archives, dans le respect de la loi, peut garantir un examen informé et contradictoire de notre histoire récente. C’est aussi une condition indispensable pour répondre à l’appel du président de la République, répété à plusieurs reprises, d’un débat sur le passé colonial de notre pays.
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CONTACTS
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Raphaëlle Branche : rbranche@parisnanterre.fr
Association des archivistes français : l’AAF regroupe près de 2500 membres, professionnels des archives du secteur public comme du secteur privé. Elle est un organe permanent de réflexions, de formations et d’initiatives mis au service des sources de notre histoire, celles d’hier comme celles de demain.
Contact : Anne Clerc, déléguée générale / delegation_generale@archivistes.org / 01 46 06 40 12
Association des historiens contemporanéistes de l’enseignement Supérieur et de la recherche : créée en 1969, l’AHCESR est une association professionnelle qui regroupe les enseignants-chercheurs et les chercheurs en histoire contemporaine en poste dans les institutions de recherche et d’enseignement supérieur français. Elle défend leurs intérêts collectifs et constitue un lieu de réflexion et d’échanges sur les mutations du métier d’historien et la formation des étudiants. En tant que société savante, l’AHCESR anime la discussion scientifique sur l’évolution des manières d’écrire l’histoire contemporaine (1789 à nos jours).
Contact : Clément Thibaud, président / clement.thibaud@ehess.fr / 06 83 66 05 45 ; Nicolas Patin, secrétaire général de l’AHCESR / nicolas.patin@u-bordeaux-montaigne.fr
Association Josette et Maurice Audin : L’Association Josette et Maurice Audin (AJMA) a pour objet d’agir pour faire la clarté sur les circonstances de la mort de Maurice Audin, assassiné par l’armée française dans le cadre d’un système de tortures et de disparitions forcées ; d’agir pour l’ouverture des archives ayant trait à la guerre d’Algérie et pour la vérité sur les disparus de la guerre d’Algérie du fait des forces de l’ordre françaises ; de faire vivre la mémoire de Josette et Maurice Audin et de leurs combats.
Contact : Pierre Mansat, président / pierremansat@gmail.com / 06 76 86 08 63
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INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES
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1. Tribune au journal Le Monde du 14 février 2020 (pièce jointe)
2. Tribune de l’Association des archivistes français du 19 février 2020 (pièce jointe)
3. Tribune au Journal du Dimanche du 21 juin 2020 (pièce jointe)
4. Pétition « Nous dénonçons une restriction sans précédent de l’accès aux archives contemporaines de la nation » (14 150 signatures) : http://chng.it/qGrqBBbZ
5. Comptes Twitter : @ArchiCaDebloque ; @Archivistes_AAF
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SIGNATAIRES DE LA REQUETE
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Association des archivistes français
Association des historiens contemporanéistes de l’enseignement Supérieur et de la recherche
Association Josette et Maurice Audin
Marc Olivier Baruch
Jean-Marc Berlière
Emmanuel Blanchard
Helga E. Bories-Sawala
Raphaëlle Branche
Marie Cornu
Hanna Diamond
Valeria Galimi
Robert Gildea
Arlette Heymann-Doat
James House
Julian Jackson
Eric Jennings
Harry Roderick Kedward
Julie Le Gac
Chantal Metzger
Gilles Morin
Isabelle Neuschwander
Denis Peschanski
Frédéric Rolin
Anne Simonin
Catherine Teitgen-Colly
Martin Thomas
Fabrice Virgili
Noé Wagener
Bertrand Warusfel
Annette Wieviorka
Olivier Wieviorka