Présentation issue de l’ECHO n° 34 (avril 2002)
1. Oradour-sur-Glane : un lieu de mémoire
Le village martyr d’Oradour-sur-Glane est un lieu de mémoire, symbole des exactions nazies pendant la seconde guerre mondiale. 642 hommes, femmes et enfants y furent tués dans l’après-midi du 10 juin 1944 par la division SS « Das Reich » et le village fut incendié. Devant l’émotion provoquée par ce massacre, il fut décidé, dès la Libération, de conserver les ruines d’Oradour comme un lieu de souvenir et de pèlerinage. Une décision de novembre 1944 du Gouvernement provisoire de la République française prend les principales dispositions pour conserver les ruines du village martyr et construire un nouveau village à l’écart de l’ancien.
Une loi de 1946 confirme ces dispositions. Depuis cette date, le village martyr, propriété de l’État, est un monument historique.
2. Pourquoi un Centre de la Mémoire d’Oradour-sur-Glane ?
« Le Centre de la mémoire s’est imposé comme une nécessité en raison du nombre important de visiteurs qui chaque année se pressent devant les ruines du village. Le pouvoir d’évocation de ces décombres calcinés est intact, l’émotion est vive mais regarder sans comprendre, c’est un peu être aveugle et sourd. C’est essentiellement pour cette raison que le Centre de la mémoire a vu le jour ». Inauguré le 16 juillet 1999 par le Président de la République Jacques Chirac, ce centre a pour vocation de conserver la mémoire de cet événement, tout en le restituant dans son contexte historique. Il s’agit de lutter à la fois contre l’oubli et le révisionnisme.
Le Centre de la mémoire d’Oradour-sur-Glane est aujourd’hui dirigé par Anne-Dominique Barrère. Il emploie dix neuf permanents pour les visites guidées, l’accueil, la librairie, les services administratifs, la communication, la documentation et le service entretien maintenance. Des saisonniers sont embauchés tous les étés pour répondre à une fréquentation plus importante.
Le Centre présente une exposition permanente et dispose d’un espace réservé à une exposition temporaire, d’une librairie, d’un service éducatif et d’un centre de documentation.
3. Le centre de documentation et ses ressources
Le centre de documentation regroupe les documents utilisés pour l’écriture du récit du massacre et la réalisation de l’exposition permanente. Ces documents ont été réunis dès 1994 par Jean-Jacques Fouché (dons divers faits par des particuliers, acquisition d’ouvrages sur la seconde guerre mondiale, photographies et vidéos).
Ce fonds est varié et spécifique à un lieu. Il est composé de documents liés à l’histoire d’Oradour-sur-Glane. Mais l’étude de la micro-histoire d’Oradour fait référence à une histoire plus générale celle de la seconde guerre mondiale, ce qui explique que le fonds peut paraître à la fois concis mais aussi très général.
Les archives sont classées de manière thématique et composées de documents originaux ou photocopiés.
– Oradour, histoire d’un massacre
Sous ce thème sont rassemblées des brochures diverses sur Oradour depuis 1945. Des dossiers documentaires ont été réalisés sur l’information des services de police à Limoges avant la Libération, les enquêtes de police entre 1944 et 1946, les témoignages des rescapés (procès-verbaux des auditions effectuées par le commissaire Arnet le 20 septembre 1944), les premières réactions au drame du 10 juin 1944 (celles de la presse et de la Résistance, des autorités religieuses et préfectorales, du gouvernement de Vichy), les récits des acteurs du drame (condamnés et amnistiés), un « livre objet » réalisé par les élèves du collège André-Maurois (Limoges) dans le cadre du projet « chemins de traverse » et la préparation d’un film : « Oradour-sur-Glane, 10 juin 1944 ».
– Procès de Bordeaux
Sont rassemblés sur ce procès l’acte d’accusation (extraits du dossier d’enquête avec le rapport Arnet), des procès-verbaux, des extraits de la procédure, les audiences, le répertoire des jugements prononcés par le tribunal militaire de Bordeaux ainsi que des documents sur « les incorporés de force alsaciens » et de nombreux articles de presse française et allemande.
– Conservation et reconstruction du nouveau village
Ce dossier comprend des plans de la nouvelle ville, le mémoire de TPFE d’architecture d’Elisabeth Essaïan (1997) sur la reconstruction d’Oradour ainsi que des documents sur la vie municipale d’Oradour après 1945 (élections municipales).
– Administration du Centre et aménagement du site
Différents documents constituant la création, l’organisation et la gestion du Centre de la mémoire : la genèse du projet, l’aménagement du site, le circuit visiteur, les comités de pilotage ainsi que les comptes rendus des séances des conseils scientifiques entre 1994 et 1999, l’inauguration du Centre, les documents de l’exposition permanente et des expositions temporaires comme « Le livre d’or d’Oradour : l’engagement des intellectuels, un épisode en 1949 » et « Mémoires d’enfants ».
– Propagande vichyste et allemande
– Brochures originales de propagande.
– Propagande de la Résistance
– Brochures sur les maquis et la Résistance en Haute-Vienne ainsi que de nombreux journaux clandestins.
– Armées allemande et alliée
Les dossiers documentaires réalisés à partir de photocopies d’archives allemandes dites « archives d’Alexandria » concernant la division « Das Reich » (de mai à juillet 1944) et des archives allemandes des services d’occupation à Limoges, permettent de reconstituer les journaux de marche pour deux périodes (la campagne de la division au Pays -Bas et en France en 1940 et celle du premier semestre de 1944). À signaler également un dossier sur le parcours de la division « Das Reich » en Haute-Garonne.
Des informations (rapports et cartes) ont été regroupées sur les missions alliées SOE de 1941 à 1944 et les missions Jedburgh/ OSS entre juin et novembre 1944.
– Révisionnisme
Sont conservés les courriers, écrits et ouvrages révisionnistes sur Oradour.
– Déportation, travail de mémoire et guerres contemporaines
Sont rassemblés des articles et coupures de presse sur les fascismes d’hier et d’aujourd’hui, les génocides et camps de concentration, la paix et droits de l’homme ainsi que les commémorations, des articles et documents sur les procès Papon et Touvier ainsi que des dossiers documentaires sur les guerres contemporaines (par exemple : la guerre en Afghanistan et le conflit israélo-palestinien....).
– Fonds privés :
- Denise Bardet (institutrice à Oradour-sur-Glane, tuée le 10 juin 1944). Il s’agit de son journal (sur microfilm) dans lequel elle a consigné ses réflexions.
- Serge Dobinet (journaliste à Franc-Tireur). Il a rassemblé pour ses articles, parus en 1945, quelques témoignages de survivants (principalement des lettres manuscrites).
- Haim Wajnberg (enfant juif caché pendant la guerre à Mézières-sur-Issoire en Haute-Vienne). Le fonds est composé de cassettes-vidéo intitulées Enfants de la Guette (histoire des enfants juifs cachés en Seine-et-Marne dans le château de la Guette puis à La Bourboule avant leur dispersion et Enfants cachés pendant la seconde guerre mondiale : interview de Haim Wajnberg par Jean-Pierre Boesch. Ce fonds comprend aussi des bulletins de l’Association israélienne des enfants cachés en France pendant la Shoah.
- Michel Taubmann (historien spécialiste de l’histoire de la Résistance en Limousin). Le fonds est constitué de ses dossiers de travail, notamment les courriers de la préfecture régionale du Limousin, les dossiers de la cour de justice de la Haute-Vienne, les rapports des renseignements généraux de Haute-Vienne, les dossiers sur la recherche des criminels de guerre (organigramme et documents divers sur la Gestapo de Limoges) et le dépouillement de liasses provenant du tribunal militaire permanent de Bordeaux.
- Abbé Schneider (prêtre et ex-chef d’équipe d’urgence de la Croix-Rouge française). Témoignage sur ce qu’on put voir les premiers secours (rapports écrits, photos, liste des personnes ayant participé aux secours). Il a également versé ses correspondances et écrits (réactions face aux thèses révisionnistes).
- Marguerite Simon (jeune fille de 14 ans, victime du massacre). Correspondances, photographies, bulletin de notes, petit missel illustré, diplômes de fin d’année.
À signaler également quelques titres de journaux :
– Presse 1940-1944 (locale et nationale) : Le Courrier du Centre, L’Appel du Centre, Le Figaro, L’Aurore, L’Aube, France-Soir, Franc-Tireur, Front national, Le Populaire...
– Journaux clandestins de la Résistance 1944 : Combat, Défense de la France, Les Lettres françaises, Témoignage chrétien, L’Humanité...
– Journaux de la Libération 1944-1945 : Le Combat des patriotes, Le Centre Libre, La Liberté du Centre...
– Presse illustrée : Paris-Match, L’Illustration, Le Crapouillot...
– Journal officiel : « Procès du maréchal Pétain : Haute cour de justice ». Comptes rendus in extenso des audiences : 23 juillet-14 août 1945.
Sandra Gibouin, 2002