Présentation issue de l’ECHO N°23 (février 2000)
L’Institut d’histoire du temps présent (IHTP), unité propre du Centre national de la recherche scientifique, est situé depuis 1988 sur le campus de l’École normale supérieure de Cachan. Il est dirigé actuellement par Henry Rousso et comprend une vingtaine de personnes. Son activité est double : laboratoire de recherche en histoire très contemporaine et centre de documentation ouvert au public étudiant et chercheur.
1. Présentation de la bibliothèque
Elle possède :
– 20 000 ouvrages : 16 000 portent sur l’histoire de la seconde guerre mondiale et 4 000 sur l’histoire plus récente (guerre d’Algérie et décolonisations, histoire urbaine, culturelle, des entreprises, de la justice pour ne citer que quelques thèmes) ;
– 1 250 titres de périodiques répartis ainsi : environ 250 titres vivants couvrent des champs généraux (histoire, sciences humaines et sociales, justice...) ainsi qu’un large panel de la presse des associations crées après la guerre (France Libre, résistants, anciens déportés et prisonniers...) et 1000 titres morts sont majoritairement relatifs à la période 1939-1945 ;
– 619 rouleaux de microfilms qui concernent principalement la seconde guerre mondiale (entre autres les archives dites « d’Alexandria » et celles de la BBC (voir infra), ainsi que certains quotidiens et hebdomadaires de la période 1940-1945) ;
– 100 cartes départementales françaises : sur la Résistance (41 départements couverts) et la déportation (72 départements couverts), réalisées par les correspondants du Comité d’histoire de la seconde guerre mondiale puis de l’IHTP ;
– 55 cartons de dossiers documentaires élaborés à partir de faits d’actualité entres autres : les procès Barbie, Touvier et Papon, la mission Mattéoli et la spoliation des biens juifs pendant l’Occupation, la guerre du Golfe, les débats récents sur la guerre d’Algérie, etc. Quelques dossiers concernent également les polémiques soulevées à la sortie de certains ouvrages (exemples : Daniel Goldhagen, Les bourreaux volontaires d’Hitler ; Pierre Péan, Une jeunesse française ; Le livre noir du communisme ; les différents livres parus sur Jean Moulin, etc.) ;
– environ 1000 cassettes ou bandes audio regroupant une série d’entretiens avec des acteurs et témoins de l’histoire, des enregistrements de colloques et de séminaires organisés par l’IHTP ;
– 532 cartons d’archives, avec la répartition suivante : 196 sur la seconde guerre mondiale (148 cotes), 51 sur la période de la décolonisation (11 cotes) et 285 sur le monde contemporain (16 cotes). C’est cette catégorie de documents qui sera le plus amplement détaillée ci-après, illustrée par des exemples significatifs.
2. Historique de l’institution
Bien qu’elle n’ait pas pour vocation première d’être un conservatoire d’archives, ni d’exercer une fonction patrimoniale stricto sensu, la bibliothèque de l’IHTP occupe une place plutôt originale au sein des centres d’archives : elle est souvent sollicitée pour recueillir des fonds, essentiellement d’origine privée. Cela tient aux conditions même de sa création.
L’IHTP a été fondé en 1978, avec à sa tête Francois Bédarida. Il succédait au Comité d’histoire de la deuxième guerre mondiale (CHDGM) créé en 1951, issu lui-même de la fusion de la Commission d’histoire de l’Occupation et de la Libération de la France (CHOLF), née en 1944, et du Comité d’histoire de la guerre, apparu en 1945. L’une des missions du CHDGM était de recueillir et de préserver des fonds documentaires datant de l’Occupation de nature publique et privée, française ou allemande.
En 1980, en vertu d’une décision du Secrétaire général du gouvernement, les ressources documentaires du Comité ont été réparties entre plusieurs partenaires : la presse et les tracts clandestins à la Bibliothèque nationale, la photothèque au Secrétariat d’État aux Anciens combattants, les archives aux Archives nationales (dans la série 72 AJ), les ouvrages et périodiques à l’IHTP.
3. Archives, témoignages et documents écrits déposés à l’IHTP
Les archives sont classées suivant une répartition thématique : seconde guerre mondiale, décolonisations, monde contemporain.
3. 1. La seconde guerre mondiale
Ces archives ont une double origine.
A/ Les unes proviennent du CHDGM, en particulier :
– des copies des archives du Comité, « doubles partiels » de la série 72 AJ, conservées en accord avec les Archives nationales ; elles concernent surtout les mouvements et réseaux de résistance ainsi que des témoignages sur la déportation et la captivité ;
– des collections de microfilms notamment les microfilms des archives « d’Alexandria » (archives allemandes capturées par l’armée américaine en France et en Belgique et microfilmées - avant d’être rendues à l’Allemagne - par le National Archives and Records à Alexandria aux États-Unis) et de la BBC (BBC French Scripts : synopsis et textes des émissions françaises de la BBC, sauf messages personnels) ;
– un fonds de documents concernant dans une majeure partie la propagande élaborée par le gouvernement de Vichy (70 dossiers environ).
B/ Les autres ont été versées à l’IHTP depuis sa création
Après la dissolution du Comité, l’IHTP a paradoxalement continué à assurer la préservation de la mémoire de la guerre. En effet, s’est maintenue, dans le sillage du CHDGM, la tradition de déposer dans un centre de recherche des papiers personnels, des archives privées et des témoignages sur la période 1939-1945. C’était alors pour certains acteurs et témoins, la garantie d’une exploitation rapide de leurs documents par des chercheurs.
Parmi les différents legs, on peut citer :
– le fonds Closon (délégué du CFLN en France occupée en 1943 puis commissaire de la République à Lille, 3 septembre 1944-30 mars 1946) : ses rapports de mission en France occupée, les projets d’organisation et d’administration de la France à la Libération ;
– le fonds Crouzet (directeur de cabinet du ministre de l’Information en 1944) : documents sur la collaboration, sur la presse et l’information ;
– le fonds du général Cochet (général d’aviation ayant appartenu au 2e bureau avant guerre) : entre autres ses mémoires Londres-Alger. Fragments de mémoires ;
– le fonds Delavanay (directeur adjoint de l’European Intelligence department de la BBC de 1940 à 1945) : comptes rendus des interviews (environ 500) menées par les services de la BBC auprès des personnes arrivant de France.
Depuis quelques années l’IHTP reçoit plus précisément, et en nombre croissant (environ une trentaine depuis 1990) des mémoires, témoignages, journaux (originaux ou réécrits), carnets de route, correspondance de personnes voulant témoigner de leur vécu durant la guerre ou désirant confier des documents inédits. Ce fonds constitue un bel ensemble et fait écho, 50 ans plus tard, à la mission originelle du Comité qui était de recueillir les témoignages sur la guerre. Ces documents abordent différents thèmes : la vie quotidienne sous l’Occupation, les souffrances de la déportation et la difficile réintégration après la guerre, les évasions des camps, les actes de résistance, le service du travail obligatoire (STO), etc. Dans cette catégorie, peuvent être signalés à titre d’exemple : les carnets (1914-1918) et agendas (1939-1948) de Victor Guillermin, ingénieur lorrain ; les dix-neuf cahiers de Hyacinthe Chobaut (directeur des Archives départementales du Vaucluse), tenus entre 1939 et 1946 ; les lettres de Salomon Juptzer (prisonnier de guerre de 1941 à 1943) ; les carnets d’Alfred Balachowsky, notes prises en 1944 au camp de Buchenwald), etc.
3. 2. Les décolonisations
Les fonds concernant cette thématique constituent un corpus homogène de documents et de papiers sur le Maroc, la Tunisie, et particulièrement l’Algérie :
– le fonds Charles-André Julien (historien, spécialiste de l’histoire de l’Afrique du Nord, militant et homme politique) : dossiers sur les protectorats français du Maroc (couvrant les années 1938 à 1955) et de la Tunisie (principalement les années 1936 et 1937) ;
– les archives Roger Paret (intellectuel engagé au moment des décolonisations, secrétaire du Comité France-Maghreb) : documents sur le Maroc (1934-1966) et plus particulièrement sur les événements de 1952 à 1955, ainsi que sur le Comité France-Maghreb (1954) ;
– le fonds documentaire sur le Plan de Constantine (1959-1963), où sont rassemblés des dossiers (enquêtes, rapports et bulletins) sur l’aménagement du territoire algérien ;
– des documents et des témoignages sur la guerre d’Algérie.
3. 3. Le monde contemporain
Si l’histoire de la seconde guerre mondiale fait toujours partie des recherches de l’IHTP, elle n’occupe plus la place centrale qu’elle avait dans les années 1980. Depuis l’origine, l’Institut se consacre à l’histoire très contemporaine et des thèmes diversifiés d’histoire politique, économique ou culturelle se sont développés. D’où un nouveau type de versements, liés le plus souvent à l’activité des chercheurs.
Parmi les dons les plus significatifs :
– les documents sur le Plan de modernisation et d’équipement (1947-1982) ;
– le fonds Jean Pronteau (1919-1984), jeune résistant communiste, membre du Comité central du PCF en 1956 et exclu en 1970, il adhère au PS en 1973, élu au comité directeur il joue alors un rôle important dans la campagne présidentielle de Mitterrand : 70 cartons couvrant une grande partie de son itinéraire politique ;
– les archives du « Comité pour sauver Sarah » (comité créé en octobre 1995, pour sauver Sarah Balabagan, jeune Philipinne, employée dans les Émirats arabes unis et condamnée à mort pour avoir tué son employeur qui l’avait violée) : fonds légué en 1996 par l’avocate Gisèle Halimi et l’historienne Michèle Perrot, il est constitué d’environ 27 000 lettres de soutien (dont 1500 cartes postales) et de plus de 600 pétitions ;
– le fonds Jean Saint-Geours (conseiller auprès du Premier ministre, Pierre Mauroy, de 1981 à 1987) : comptes rendus des travaux du « Groupe Matignon » portant sur la politique économique du premier gouvernement Mauroy de 1981 à 1984 ;
– les archives de Joë Nordmann (adhère au PCF en 1933, participe à la Résistance et crée le Front national des juristes, en 1946 il fonde l’Association internationale des juristes démocrates, il devient par la suite l’un des grands avocats du Parti communiste) : dossiers sur les affaires qui jalonnent son parcours professionnel, notamment les procès Kravchenko (1949) et David Rousset (1949-1951), les « complots » Duclos (1952), les procès tenus pendant la période de décolonisation ou le procès Paul Touvier (1992-1994).
4. Communication et instrument de recherche
L’IHTP applique la législation en vigueur en ce qui concerne la communication des pièces et documents. Le fonds « doubles partiels » de la série 72 AJ suit la loi du 3 janvier 1979. La consultation des archives privées, donc pratiquement l’ensemble des fonds, est soumise à un régime fixé d’un commun accord par le donateur et l’IHTP. D’une manière générale, la totalité des fonds détenus par l’IHP est libre à la consultation, exception faite pour un petit nombre d’entre eux et pour lesquels, une autorisation du directeur de l’IHTP ou du donateur et des ayants droits est nécessaire.
Le « Répertoire des archives de l’IHTP » a été publié dans le n° 77 du Bulletin de l’IHTP, 1er semestre 2001 (il peut être envoyé gratuitement sur demande). Il est également consultable sur le site internetde l’IHTP à la rubrique « Bibliothèque ». Les mises à jour, semestrielles, sont publiées dans « Bulletin » et mises en ligne sur le site Internet.
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