1. Histoire et organisation de la Mission
La Mission des archives auprès des services du Premier ministre a été créée en 1978. Cette décision est à replacer dans un double contexte : celui de la révolution législative de la fin des années 1970, qui voit le vote de la loi du 17 juillet 1978 sur l’accès aux documents administratifs puis de la loi du 3 janvier 1979 relative aux archives ; et celui de la prise de conscience de l’importance de la collecte des archives politiques. Quelques années plus tôt, en effet, en 1974, avait été créé le service des archives de la présidence de la République, à l’initiative du président Giscard d’Estaing.
La création de la Mission Premier ministre est donc bien postérieure aux services du Premier ministre eux-mêmes, qui datent de 1935 (il s’agissait alors des services de la présidence du Conseil, nom qu’ils conservèrent jusqu’en 1958). Ces services administratifs, dirigés par un Secrétaire général, qui prit le nom de Secrétaire général du gouvernement en 1946, devaient permettre au président du Conseil d’améliorer la coordination et le contrôle de l’activité gouvernementale. S’y trouvaient rattachés des organismes divers, parmi lesquels la Direction générale des services d’Alsace-Lorraine, le Secrétariat général du Conseil supérieur de la Défense nationale ou le Conseil national économique, auxquels vinrent s’adjoindre, au fil des années, des directions à vocation interministérielle (Direction des journaux officiels, Documentation française, ENA, Commissariat général au Plan...).
Les premiers versements de la présidence du Conseil aux Archives nationales interviennent en 1951-1952. Il s’agit alors de plusieurs tonnes de papier collectées en vrac, portant essentiellement sur la période 1935-1947, qui seront peu à peu classées au sein de la sous-série F60 des Archives nationales (Secrétariat général du gouvernement). Celle-ci s’enrichit ensuite de versements plus homogènes, dont la réorganisation et le classement sont assurés par la section contemporaine des Archives nationales (archives du Service législatif ou de la Délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés).
L’année 1978 marque un tournant important avec la création de la Mission, placée auprès du Secrétaire général du gouvernement, dotée d’un conservateur des Archives nationales et située 56 rue de Varenne, en face de l’Hôtel Matignon. La Mission des archives auprès des services du Premier ministre fait aujourd’hui partie du réseau des missions installées au sein des administrations centrales, dont l’activité est coordonnée par le Bureau des missions, placé sous l’autorité du Service interministériel des archives de France (SIAF). Cette tutelle des Archives de France s’est substituée à celle des Archives nationales en 2007 (arrêté du 24 décembre 2006). La Mission Premier ministre est actuellement constituée d’un conservateur du patrimoine mis à disposition par le ministère de la Culture et de 6 agents issus des services du Premier ministre.
La compétence de la Mission s’étend à l’ensemble des services du Premier ministre, vaste nébuleuse qui comprend aussi bien des services proprement administratifs que des services politiques (cabinet du Premier ministre, cabinets des ministres et secrétaires d’Etat rattachés au Premier ministre) et rassemble aujourd’hui environ 2 000 agents. Ces services se répartissent en 7 secteurs d’activité principaux : coordination du travail gouvernemental (SGG, SIG), coordination de la sécurité et de la défense (SGDSN), coordination de la politique européenne (SGAE), stratégie et prospective (organismes de conseil au Premier ministre), information administrative (DILA), coordination sectorielle et enfin soutien.
A côté des services pérennes dans le temps, on notera aussi la présence de nombreux comités, missions interministérielles ou commissions dont la durée de vie est en général limitée. Seul parmi les services du Premier ministre, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) ne relève pas de la compétence de la Mission, mais de celle du Service historique de la Défense.
2. Activités
2.1. La collecte
La Mission travaille depuis de nombreuses années à l’organisation et à l’amélioration des relations avec les services versants. Leur nombre, leur variété et l’histoire particulière de chacun de ces organismes constituent toutefois un obstacle à une gestion centralisée de la fonction archives. L’éclatement des différents services du Premier ministre en de multiples implantations dans Paris, par exemple, empêche toute centralisation des archives intermédiaires. Chaque service dispose de son local d’archives intermédiaires, le rôle de la Mission étant d’aider à la mise en place de procédures d’archivage régulières et à la fixation des durées de conservation des documents. Cette mission de conseil s’accompagne bien sûr d’une mission de contrôle (organisation des locaux de préarchivage, visa des éliminations, organisation des versements).
Parmi ces services, plusieurs se sont dotés d’archivistes permanents, rendant ainsi possible une résorption durable des arriérés et la mise en place de procédures sur le long terme. C’est le cas en particulier de l’ENA, de la DATAR et du Centre d’analyse stratégique (ex-Plan), dont la Mission suit le travail sur le plan méthodologique. D’autres services, à l’incitation de la Mission, ont ponctuellement recours à des vacations par des archivistes professionnels, afin de désengorger les locaux ou, de façon plus profonde, de former les agents à la mise en place de procédures d’archivage (tableaux de gestion, éliminations...).
La Mission prend en charge dans ses propres locaux de stockage les archives présentant un intérêt historique, destinées à être versées aux Archives nationales (site de Fontainebleau). A titre exceptionnel, elle assure également le préarchivage des dossiers pour les organismes supprimés ou dissous.
On notera enfin qu’à la différence de la collecte des archives des services administratifs, organisée de façon plus ou moins régulière selon des critères connus de tous (saturation, déménagement, restructurations...), la collecte des archives de cabinet obéit à des règles spécifiques, à la fois sur le plan juridique (pratique des protocoles de remise depuis le début des années 1980) et pratique. Si des versements de dossiers clos sont effectués régulièrement par certains conseillers, notamment au sein du cabinet du Premier ministre, pour des raisons de commodité, l’essentiel de la collecte des archives de cabinet se caractérise par sa soudaineté, à l’occasion d’un remaniement ministériel ou d’un changement de gouvernement. Ces périodes se traduisent donc par un très gros effort de la Mission, seul à même d’assurer la collecte de ces archives dans de bonnes conditions.
2.2. Le classement des archives historiques
Depuis sa création, la Mission a toujours mis l’accent sur la qualité du traitement scientifique des fonds d’archives, qu’ils proviennent des services administratifs ou des cabinets ministériels. Les versements sont classés de façon détaillée (voire très détaillée dans le cas des archives du cabinet du Premier ministre), fusionnés si nécessaire pour permettre une meilleure compréhension des fonds. Des états des fonds par grand thème et par service producteur sont élaborés et enrichis régulièrement. Le tout est organisée par le biais d’un progiciel archives qui permet désormais la gestion de l’ensemble de la chaîne archivistique (saisie des bordereaux par les services versants, entrées, magasins, communications administratives, aide au classement).
Chaque année, ce sont plus de 400 mètres linéaires d’archives historiques qui sont ainsi classés et transférés aux Archives nationales (site de Fontainebleau). Le traitement scientifique des archives du cabinet du Premier ministre représente à lui seul une part importante du travail de la Mission : 40% des archives classées en 2009, contre 60% pour les services « administratifs ».
Au total, depuis 1978, la Mission a transféré aux Archives nationales près de 15 km linéaires d’archives produites par les services du Premier ministre, et en particulier 1,5 km d’archives de cabinet, dont la collecte a véritablement débuté avec le cabinet de Pierre Mauroy, Premier ministre de 1981 à 1984.
Une fois les archives transférées à Fontainebleau, la Mission assure les communications aux services versants, les recherches administratives ou historiques ainsi que l’instruction des demandes de dérogation auprès du Secrétaire général du gouvernement.
De façon plus générale, la Mission contribue à la connaissance et à la valorisation de ces fonds d’archives d’une grande richesse historique, qui se caractérisent avant tout par la diversité des thématiques abordées : quel que soit son sujet de recherche (histoire politique, histoire économique et sociale, histoire de l’environnement, histoire militaire, histoire diplomatique...), un historien ou un citoyen aura tout intérêt à se tourner vers les archives des services du Premier ministre.