Présentation issue de l’ECHO N°26 (octobre 2000)
Créée en 1949, la section des archives privées regroupe des archives de personnes, de familles, de partis politiques, d’associations et de presse, d’intérêt national. Elle en acquiert ou en suscite l’entrée par don, dépôt, legs, dation, achat ou prêt pour microfilmage. Elle en assure le traitement juridique, la conservation, le classement et l’inventaire, et elle joue un rôle de conseil et d’aide auprès des propriétaires d’archives privées.
1. Historique
Dès leur création, parallèlement aux versements officiels des administrations centrales, les Archives nationales reçurent des archives privées. La Révolution procéda à des séquestres sur des papiers de suspects et d’émigrés qui furent intégrés aux séries K, M, T, U et Z2. Dans la première moitié du XIXe siècle, les documents entrés par voies extraordinaires furent répartis entre les différentes séries d’archives publiques. Quelques collections d’autographes furent classées dans la série AA. En 1856, on créa une sous-série AB XIX, pour distinguer les entrées par voie extraordinaire des versements réglementaires. Mais regrouper dans une sous-série unique des pièces isolées et des ensembles parfois considérables aboutit très vite à des cotations fort complexes. 1917 vit donc la création de la série AJ, qui recueillerait les seuls fonds organiques entrés par voie extraordinaire.
Pendant longtemps, une attitude de méfiance domina face aux archives privées, qui ne provenaient pas de versements officiels et réguliers. Pour voir la première marque d’intérêt portée aux archives privées, il faut attendre la publication, en 1891, du manuel de Charles-Victor Langlois et de Henri Stein intitulé Les Archives de l’histoire de France, où étaient en particulier examinées les archives privées sous l’appellation « familles et châteaux ».
Dans l’entre-deux-guerres, la situation évolua sous l’effet de plusieurs textes réglementaires : la formule du dépôt fut créée en 1932 et le décret-loi du 17 juin 1938, complété par le décret du 13 janvier 1940, étendit aux fonds et documents présentant un intérêt historique national les procédures en usage pour l’inscription sur une liste et le classement des monuments et objets d’art.
L’action de Charles Braibant fut décisive. L’arrêté du 14 février 1949 créa auprès de la direction générale des Archives de France un comité chargé d’étudier les mesures propres à assurer la sauvegarde des archives privées et leur mise en valeur dans l’intérêt des études historiques. Une enquête à l’échelon national fut également lancée. Enfin, pour « désencombrer » la série AB XIX et provoquer par des dons, dépôts, achats et aussi par le microfilm un enrichissement des collections, Charles Braibant créa aux Archives nationales la sous-section des archives économiques, privées et du microfilm. Le service du microfilm devait reproduire les archives privées dont les propriétaires accepteraient la reproduction tandis que le service des archives privées serait chargé de la série AB XIX, où on ne laisserait que les documents isolés et les papiers d’érudits, ainsi que de nouvelles séries :
– la série AP : archives personnelles et familiales
– la série AQ : archives d’entreprises
– la série AR : archives de presse
– la série AS : archives de sociétés et d’associations.
En 1970, la sous-section des archives économiques, privées et du microfilm fut scindée en deux services :
– la section des archives d’entreprises, de presse et d’associations (séries AQ, AR et AS) ;
– la section des archives personnelles et familiales (séries AB XIX et AP).
La première fut supprimée deux ans après l’ouverture du Centre des archives du monde du travail, où la plupart de ses fonds, touchant au monde du travail, furent envoyés à Roubaix. La seconde, en revanche, correspond à l’actuelle section des archives privées.
Entre 1950 et 1956, 145 fonds privés entrèrent aux Archives nationales. L’histoire de la section des archives privées est jalonnée par quelques grandes dates :
– en 1952, Charles Braibant obtint des crédits d’achat pour les archives privées ;
– en 1955, les Archives nationales achetèrent les archives de Sully aux Etats-Unis (120 AP) ;
– en 1957 fut organisée une exposition de prestige sur les acquisitions ;
– en 1969, le comte de Paris déposa les archives de la Maison de France (branche d’Orléans : 300 AP) ;
– en 1973 parut le tome I de l’Etat des fonds de la série AP (1 à 315 AP), par Suzanne d’Huart et Chantal de Tourtier-Bonazzi ;
– en 1974 parut le Guide des papiers des ministres et secrétaires d’Etat de 1871 à 1974, résultat de l’enquête de la Commission des archives privées contemporaines.
2. Organigramme et attributions
Section la plus jeune et l’une des plus petites du CHAN, la section des archives privées compte actuellement huit agents :
– Christine Nougaret, conservateur général, chef de service ;
– Claire Sibille et Magali Lacousse, conservateurs, adjointes ;
– Françoise Aujogue, chargée d’études documentaires ;
– Sandrine Lacombe, secrétaire de documentation ;
– Pascal David et David Desportes, adjoints techniques ;
– Armande Perlot, adjoint administratif.
La section des archives privées a la responsabilité des archives de personnes, de familles et d’associations ayant joué un rôle historique d’importance nationale, du Moyen Age à nos jours, à l’exclusion des fonds d’architectes, qui relèvent de la section des cartes et plans, et des fonds privés de la seconde guerre mondiale, classés dans la sous-série 72 AJ et qui dépendent de la section du XXe siècle. Les fonds d’écrivains, d’artistes et de créateurs, de diplomates, de militaires et d’éditeurs sont a priori exclus de la collecte, puisqu’ils relèvent d’autres institutions patrimoniales (Bibliothèque nationale de France, musées, ministères des Affaires étrangères et de la Défense, IMEC, etc.). Au sein du CHAN, la section des archives privées centralise l’enregistrement de toutes les entrées par voie extraordinaire.
Le contrôle des exportations de documents d’archives, le suivi administratif des dations et des acquisitions onéreuses pour les Archives nationales et territoriales, l’instruction administrative des procédures de classement comme archives historiques, le suivi des affaires de vol sont du ressort du service technique ; la section des archives privées n’intervient dans ce domaine que pour le suivi scientifique des affaires dans lesquelles le CHAN est directement concerné. Le dépouillement des catalogues de vente incombe, pour le CHAN, à la section des archives privées qui recueille l’avis des sections concernées et prépare un rapport de proposition d’achat au directeur du centre, mais l’achat proprement dit, en librairie ou en vente publique, est assuré par le service technique.
Actuellement, la section des archives privées gère plus de 600 fonds cotés en série AP correspondant à 3000 mètres linéaires. La série AB XIX fait à peu près 357 mètres linéaires et compte 30 fonds d’érudits, 13 collections d’autographes ainsi que quelques milliers de pièces isolées. La section détient également les thèses des élèves de l’Ecole des chartes (série AB XXVIII) et une collection de catalogues d’autographes passés en vente publique ou vendus chez les libraires (série AB XXXVIII). Enfin, près d’un kilomètre linéaire de fonds cotés dans les séries AQ, AR et AS a rejoint la section depuis novembre 2000.
3. Activités et projets scientifiques
Pour être partie prenante de l’action scientifique du CHAN, la section des archives privées s’efforce de produire et diffuser des instruments de recherche, d’élaborer des manuels pédagogiques et de diversifier ses activités scientifiques.
3. 1. Produire et diffuser des instruments de recherche
Des instruments de recherche généraux sont déjà consultables sur le site web du CHAN ou le seront très prochainement :
La partie consacrée aux archives privées de l’Etat des inventaires, tome IV, mise à jour par Christine Nougaret, est disponible depuis l’été 2000 sur Internet. Sont également consultables en ligne quinze états sommaires thématiques (sur les fonds antérieurs à 1789, sur les fonds de la Révolution et de l’Empire, sur le socialisme, sur les archives d’avocats...) interrogeables en texte intégral.
Le tome 1 de l’Etat sommaire des fonds AP avait paru en 1973. Il concernait les fonds 1 à 315 AP. Depuis 1973, 300 nouveaux fonds sont entrés. La section des archives privées a souhaité faire connaître ces fonds en dressant le tome 2 de l’état des fonds privés, avant d’engager la révision du 1er tome. Ce travail de rédaction du tome 2 et de révision du tome 1, commencé en novembre 1999 par Claire Sibille, est aujourd’hui achevé. Différents travaux ont facilité la rédaction de l’état sommaire, qui a suivi la norme de description ISAD (G) :
– le récolement des magasins de la Section des archives privées, par Pascal David, adjoint technique, et l’informatisation de cet outil de travail en 1999 ;
– l’informatisation du registre des entrées par voie extraordinaire par des élèves en secrétariat en 1999 et 2000 ;
– la mise à jour de l’état des inventaires par Christine Nougaret ;
– la vérification en 2000 et 2001 du statut juridique de l’ensemble des fonds par Natacha Tinteroff, Claire Morin et Marion Bunan, maîtres en droit ;
– la collation et la description des fonds non cotés et des suppléments, soit plus de 2000 cartons, par Claire Sibille, conservateur, Fanny Audous, vacataire, Violaine Le Nénaon, George-André Banguio, Magali Larive et Claudie Belleau stagiaires ;
– de nombreuses recherches bibliographiques sur les producteurs des fonds.
Les notices 316 à 616 AP sont déjà accessibles sur le web du CHAN, en attendant une diffusion de l’ensemble sur Internet ainsi qu’une publication papier début 2003.
L’état des fonds AP est en cours d’encodage conformément à la DTD-EAD pour être diffusé sur le site Internet du CHAN ainsi que sur le réseau américain Research Libraries Group (RLG) qui regroupe 160 établissements d’enseignement supérieur, bibliothèques nationales et publiques, archives, sociétés historiques, musées et collections indépendantes, de différents pays.
Les fonds d’associations et de presse, second volet des fonds privés conservés par la section des archives privées, feront l’objet d’un volume spécifique ultérieur.
La section a entrepris de doter progressivement de répertoires tous les fonds qui en étaient dépourvus, en donnant la priorité aux fonds donnés sous condition de classement (fonds Jean Guiraud, en cours par Françoise Aujogue, fonds Dampierre, par Claire Sibille, fonds de la Société psychanalytique de Paris, par Tatiana Sagatny, DESS Mulhouse, sous la direction de Magali Lacousse) et aux fonds les plus sollicités par les chercheurs (fonds Bertrand par Violaine Le Nénaon, fonds Persigny, par Caroline Wahl, fonds Miromesnil, par Guénola Lévesque, DESS Mulhouse, et fonds Flahaut par Jean-Philippe Chaumont, section du XIXe siècle). Parallèlement, les AB XIX sont inventoriés au fur et à mesure des entrées par Sandrine Lacombe.
La section s’efforce de transmettre au CARAN les instruments de recherche provisoires ou définitifs existants, de saisir tous les instruments de recherche manuscrits, dactylographiés ou en fichiers, et de faire imprimer tous les instruments de recherche qui méritent de l’être (parution, en 2001-2002, des répertoires des fonds Bruant des Carrières, Thierry d’Argenlieu et Emile Ollivier), afin de mieux faire connaître ses richesses. Toute publication est accompagnée d’une journée ou d’une demi-journée de lancement ouverte aux utilisateurs potentiels et aux propriétaires.
Depuis avril 2002, la section dispose, sur l’un de ces postes, du logiciel « X-Metal », ce qui lui permet de faire des tests d’encodage en EAD-DTD (répertoires numériques des fonds Picasso et Dampierre, suite des notices de l’état des fonds).
3. 2. Elaborer des manuels pédagogiques
Le séminaire sur les archives privées animé par la section, en novembre 2000, à l’Ecole nationale du patrimoine, devrait déboucher sur la rédaction d’un manuel professionnel destiné aux archivistes. Parallèlement, Sandrine Lacombe a préparé la rédaction d’une plaquette d’information et de conseils en direction des propriétaires.
3. 3. Diversifier les activités scientifiques
La section intervient dans toutes les activités scientifiques du CHAN :
– permanences scientifiques en salle Labrouste(une toutes les quinze jours) ;
– expositions (lettres de prisonniers) ou prêts à ses manifestations ;
– stages de la direction des Archives de France et séminaires de lInstitut du Patrimoine, enseignements d’archivistique à l’Ecole des chartes, accueil de stagiaires des universités d’Angers, de Mulhouse et de Toulouse ;
– cours de paléographie et de méthodologie de la Société des amis des Archives de France.
Claire Sibille
2002