Présentation issue de l’ECHO N° 37 (janvier 2003)
1. Historique, organisation et effectifs
1.1 Le ministère de l’Intérieur et les débuts de la collecte
L’ancien secrétariat d’État à la Maison du Roi devenu en 1791 le ministère de l’Intérieur, fut longtemps le principal rouage de l’administration civile française. L’intervention croissante des pouvoirs publics, ainsi que l’évolution économique et sociale tout au long des XIXe et XXe siècles ont eu pour conséquence d’essaimer les missions du ministère dans des administrations spécialisées. Actuellement, ses compétences s’articulent autours de deux grands pôles : l’administration du territoire (par le biais du réseau des préfectures et de la définition des libertés et compétences des collectivités locales) ainsi que la sécurité des personnes et des biens.
Après une tentative sans suite en 1802, de se doter d’ « archives générales » indépendantes, le ministère de l’Intérieur entreprend en 1811 et 1813 des versements d’archives aux Archives nationales ou de l’Empire, qui sont alors, et pendant une grande partie du XIXe siècle, dans sa dépendance administrative. Si les versements du ministère obéissent à un rythme relativement régulier entre 1820 et 1840, ils interviennent avec beaucoup moins de cohérence et sans suite chronologique pour la période suivante : c’est ainsi qu’en 1917, l’Intérieur dépose en vrac aux Archives nationales quantité de documents dont certains remontent à 1793.
1.2 La création de la première mission des Archives nationales
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les archives du ministère de l’Intérieur dont une partie a été confisquée par les Allemands sous l’Occupation, sont menacées. [Une partie des archives du ministère de l’Intérieur correspondant principalement au fichier central de la police, ont été saisies par les Allemands pendant l’Occupation, puis, emportées en URSS après 1945. Elles ont été récemment intégralement restituées à la France et sont conservées au Centre des Archives contemporaines. Connues sous le nom d’" archives rapatriées de Moscou « elles comblent en partie les lacunes de la sous-série F7 du Centre historique des Archives nationales]. Afin d’éviter des destructions incontrôlées, et suite au travail de collecte initié dès 1945 par Robert-Henri Bautier, Charles Braibant, directeur des Archives de France, désigna en 1952 un conservateur d’archives » chargé d’une mission permanente au ministère de l’Intérieur « . La première mission des Archives nationales auprès d’un ministère était créée. Dans une note adressée en 1956 au secrétaire général du ministère de l’Intérieur, le directeur des Archives de France se félicite de » cette petite révolution archivistique qui n’a pu démarrer que grâce aux services de l’Intérieur « . Les liens demeurent toutefois difficiles et les conditions de collecte ne sont pas aisées étant donné que le premier archiviste en mission ne dispose que d’un local exigu mis à sa disposition par le ministère d’accueil.
Cette situation change en mars 1976, date à laquelle la mission se constitue en véritable service doté de moyens en locaux et personnels et obtient une reconnaissance officielle en étant rattachée au cabinet du ministre. Ce positionnement dans l’organigramme du ministère lui permet d’assumer sa vocation horizontale au sein de l’administration centrale et de dialoguer avec l’ensemble des directions. Le champ de compétence de la mission s’étend en effet à tous services d’administration centrale du ministère de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales quelle que soit leur localisation. C’est ainsi que la mission est amenée à intervenir sur les sites du ministère installés à Paris, place Beauvau et rue Nélaton, mais également à Lognes, Asnières, Nanterre, Gif-sur-Yvette, Bièvres et même à Écully près de Lyon.
Actuellement, la mission des Archives nationales auprès du ministère de l’Intérieur fait partie du réseau des missions installées au sein des administrations centrales, dont l’activité est coordonnée par la section des missions placée sous l’autorité de Christine Pétillat, conservateur général, directeur du Centre des Archives contemporaines. La mission du ministère de l’Intérieur réunit une équipe de 9 personnes dirigées par un conservateur du patrimoine mis à disposition par les Archives nationales. Il est secondé par une adjointe, archiviste de formation, ainsi que par 7 agents titulaires du ministère dont la majorité ont occupé des postes administratifs dans différentes directions, et font ainsi bénéficier la mission de leur connaissance des structures et des réseaux de relations nouées au fil du temps. Sur ces 7 agents, 4 sont des secrétaires administratifs chargés de l’organisation et du suivi des versements, du classement, des recherches et du suivi des demandes de consultation d’archives en dérogation. Le cinquième agent est un informaticien ; l’équipe est enfin complétée par deux secrétaires. Précisons que la mission est renforcée ponctuellement par les quelques mois de vacations dont elle bénéficie annuellement. Bien qu’étoffés récemment (2 recrutements sont intervenus en 2002 et un troisième est envisagé pour 2003), ces effectifs restent globalement très faibles face à l’ampleur de la tâche et à la taille du ministère qui compte près de 8 000 agents en administration centrale.
2. Activités
2.1 La collecte
L’activité de la mission repose pour l’essentiel sur les relations entretenues avec les services versants. Afin de rationaliser la collecte, un travail considérable d’aide et de conseil aux services dans la gestion de leurs archives courantes et intermédiaires serait à mener. Cela passerait par un contrôle accru des éliminations selon la procédure du visa, par l’élaboration systématique de chartes d’archivage, de plans de classement, ou encore par la participation à la définition des systèmes d’information qui se développent actuellement. Les difficultés rencontrées lors du classement et de la rédaction des instruments de recherche, qui se répercutent ensuite sur la communication, seraient grandement réduites par une gestion plus rigoureuse des archives au sein des services producteurs. Malheureusement, le manque d’archivistes formés ne permet à la Mission que de répondre à une partie de la demande et certainement pas de nouer des contacts avec les services qui ne l’ont pas sollicitée. La collecte s’effectue donc souvent au cas par cas et de façon assez inégale d’une direction à l’autre. Elle est toujours fonction de la sensibilisation de la hiérarchie et du degré d’implication des personnes qui ont préparé l’archivage. Le manque de relais au sein des bureaux constitue un handicap majeur. En effet, malgré des tentatives régulières, la mission a du mal à constituer un véritable réseau de correspondants archives.
Pourtant, le champ d’intervention de la mission n’a cessé de s’étendre ces dernières années. C’est ainsi que le premier versement de la direction de la Surveillance du territoire (DST) a été reçu en 1999. Plus récemment, un premier versement du service de Recherche, Assistance, Intervention et Dissuasion, plus connu sous le nom de RAID, a été collecté avec l’aide d’une stagiaire de l’Institut national du patrimoine. Une fois reçus à la mission, les versements sont traités (le reclassement est loin d’être systématique), reconditionnés et décrits dans des répertoires numériques détaillés, avant d’être envoyés au Centre des Archives contemporaines. Au total, depuis 1952, ce sont plus de 12 km linéaires qui ont été transférés aux Archives nationales par l’intermédiaire de la mission. Une navette hebdomadaire effectuant le trajet entre Fontainebleau et la place Beauvau permet d’assurer les 2 000 communications administratives demandées chaque année par les services versants.
En 1998, le ministère de l’Intérieur a doté la mission d’un dépôt de préarchivage d’une capacité de 2 km linéaires, situé à Pantin. Cet espace de stockage où sont conservées des archives intermédiaires éliminables à l’issue d’une DUA de 5 ou 10 ans, permet de ne transférer au CAC que des archives définitives. La capacité de ce dépôt n’est toutefois pas suffisante au regard des besoins du ministère, et il sera très prochainement saturé.
En complément de l’archivage des dossiers papier, le recrutement récent d’un informaticien chargé à la fois de la maintenance du réseau de la mission et de l’archivage informatique devrait permettre d’inaugurer le transfert au CAC d’archives numériques produites par le ministère de l’Intérieur. En préambule à ces opérations, une enquête visant à recenser les applications existantes au sein du ministère a été récemment lancée. Dans ce domaine comme dans toutes les actions entreprises, l’appui du directeur de cabinet du ministre ne constitue pas le moindre des atouts.
2.2 L’aide à la recherche
Parallèlement aux activités liées à la collecte, la mission intervient dans le domaine de l’aide à la recherche. Elle est régulièrement et de plus en plus fréquemment saisie de demandes de recherches ponctuelles sur des questions administratives ou historiques. Ces requêtes émanent parfois de services administratifs internes ou externes au ministère, mais viennent plus souvent de chercheurs individuels travaillant dans un cadre universitaire ou non, ainsi que de particuliers effectuant des recherches de type généalogique. Le volume de ces courriers a justifié un recrutement en 2002.
Ne conservant pas d’archives en dehors de celles qui sont en attente de classement, la mission n’accueille pas de public, mais peut le cas échéant recevoir des chercheurs lorsque les instruments de recherche qui leur sont utiles ne se trouvent pas dans les salles de lecture des Archives nationales.
Des deux outils généraux mis à leur disposition, l’un est un produit présent dans toutes les missions : il s’agit de l’état des versements. A ce sujet, précisons que l’état actuellement disponible en salle de lecture du CAC ainsi qu’au CARAN est exhaustif. Il se substitue à l’ouvrage publié en 1995 qui ne comportait pas de notices pour les versements dont les inventaires étaient » réservés « . Depuis quelques années, la mission rompt progressivement avec cette pratique et met à disposition du public l’ensemble de ses instruments de recherche.
Le second instrument de recherche général est plus original au sein des missions : il s’agit d’un guide thématique des recherches remis à jour pour la troisième fois en juin dernier après une première édition en 1995, et qui est actuellement disponible sur le site Internet du ministère de l’Intérieur (www.interieur.gouv.fr rubrique aide aux chercheurs / mission des Archives nationales). Il se compose principalement de rubriques thématiques renvoyant à des domaines de recherche sélectionnés en raison de la fréquence des travaux y afférant. On y trouve également quelques rubriques typologiques réunissant les versements d’un même type de document ayant un intérêt transversal. C’est notamment le cas des rapports de préfets et des rapports de l’inspection générale de l’administration. Ce guide sera prochainement complété par un état des versements des cabinets des ministres de l’Intérieur et secrétaires d’État rattachés. Les chercheurs disposent dans un second temps de la collection des répertoires détaillés, qui tout comme les instruments de recherche généraux, sont disponibles en salle de lecture du CAC et au CARAN.
Enfin, bien que n’intervenant pas officiellement dans le circuit d’instruction des demandes de consultation d’archives en dérogation, la Mission assure un suivi de chacune des demandes portant sur des fonds du ministère, en aidant à leur préparation et en fournissant aux services versants concernés des éléments d’information facilitant la prise de décision.
Plus qu’un véritable service d’archives, la mission apparaît ainsi comme un des éléments du réseau de collecte des Archives nationales, pour lesquelles elle assure le contact de » proximité " avec les services producteurs. Ses perspectives ? Outre le défi de l’archivage numérique, elle devra s’atteler à quelques chantiers assez considérables dont le traitement des 12 millions de dossiers individuels que comportent les fichiers centraux de police judiciaire et administrative n’est pas des moindres... Pour y parvenir, nous aurons besoin de toutes vos idées de génie !
François Giustiniani et Aude Guillon, 2003