Présentation issue de l’ECHO N°25 (juin 2000)}
Organisée sous l’Ancien Régime, devenue administration en 1793, La Poste est, depuis le 1er janvier 1991, un établissement public à caractère industriel et commercial. Ce changement de statut a entraîné des modifications sensibles dans l’organisation de ses archives et dans la nature même de celles-ci.
1. Bref historique du service
De 1991 à 1993, la mission des Archives nationales auprès du ministère des P.T.T. a été progressivement dissoute.
En avril 1993, le siège de La Poste a quitté son site historique de l’avenue de Ségur et s’est installé à Boulogne-Billancourt. Il s’est doté d’une petite cellule archives, composée d’une documentaliste de l’ex-mission P.T.T. et d’un commis.
De 1993 à 1997, la fonction archives a subsisté tant bien que mal grâce à l’action de la cellule archives du siège, qui souffrait cependant d’un rattachement fonctionnel peu favorable, d’un niveau hiérarchique faible et ne disposait que d’une compétence limitée au siège.
Dès 1994, la direction des Archives de France avait alerté La Poste sur ses obligations en matière de collecte et de conservation de ses archives. Cette action a abouti au recrutement d’un conservateur et à la création du Service national des archives en septembre 1997, lequel a absorbé la cellule archives quelques mois plus tard. Le service est rattaché au directeur du Cabinet de la Présidence et de la Direction générale. Il comprend 1 conservateur, 4 agents permanents et 1 équivalent agent/an (CDD, stagiaires, vacataires) pour les archives, 4 pour la bibliothèque historique. Le S.N.A. pilote également 6 responsables archives en province. La Poste n’a pas souhaité gérer de manière autonome ses archives historiques, qui sont versées aux Archives nationales (lesquelles détiennent 7,8 kml de l’Ancien Régime à 1997) et aux Archives départementales.
2. Les axes d’action du S.N.A.
Les missions du service sont de quatre ordres :
– définition et coordination de la politique archivistique de l’entreprise et relations avec la Direction des archives de France : adaptation et diffusion de la réglementation, élaboration des tableaux de gestion, instruction des demandes de consultation en dérogation aux délais légaux de communicabilité ;
– prise en charge opérationnelle des archives du siège, de plusieurs directions à compétence nationale et d’autres entreprise du groupe La Poste (filiale) ou structures communes à La Poste, à France Télécom et à l’Etat (G.I.E., G.I.P.) : organisation et suivi du préarchivage (5,5 kml en stock, environ 900 ml par an pour la collecte et 200 ml pour les éliminations), traitement des archives historiques (classement et rédaction des instruments de recherche) en vue de leur versement aux Archives nationales (quelques dizaines de ml par an), traitement des demandes de recherche (694 demandes en 2001, dont 36 % pour les recherches administratives et documentaires, 54 % pour les recherches historiques, les dérogations et l’instruction des dossiers transmis par la Commission d’indemnisation des victimes de spoliations et 10 % pour les recherches généalogiques) ;
– développement de l’action au niveau local grâce à un réseau de responsables archives dans les délégations territoriales (huit en tout), chargés d’organiser l’archivage dans leur ressort en s’appuyant sur des correspondants en département. Cette démultiplication permet de toucher l’ensemble des directions et établissements postaux implantés sur le territoire national (18 000 au total). Le S.N.A. anime ce réseau à deux étages et effectue sur place des missions de conseil, voire de traitement des arriérés et de versement aux Archives départementales. 2,5 kml ont été concernés par ces actions en 2001.
– organisation et exploitation de la documentation réglementaire et professionnelle historique en :
a) constituant un fonds documentaire de référence par l’archivage des textes réglementaires et des publications internes ;
b) assurant, en tant que chef de projet, la mise en place de la bibliothèque historique des postes et télécommunications (120 000 volumes provenant de l’ancienne bibliothèque centrale du ministère des P.T.T.) ainsi que le pilotage scientifique et le suivi administratif de cet établissement, ouvert au public depuis le mois de février 2001.
3. Les spécificités de l’activité
Avant tout service d’archives intermédiaires, le S.N.A. présente tant dans son fonctionnement que dans les documents pris en charge plusieurs particularités, qui l’ont conduit à rechercher des solutions archivistiques et logistiques adaptées.
La première des missions assignées au service est particulièrement ambitieuse puisqu’il s’agit de mettre en place et de coordonner la fonction archives à La Poste au niveau central et à l’échelon territorial. Compte tenu du gigantisme de l’entreprise (310 000 agents, près de 18 000 entités, plus de 16 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel) et de la diversité de ses métiers (courrier, colis/logistique, services financiers, fonctions transversales), le S.N.A. relève quotidiennement la gageure en fonctionnant comme un « Service technique » au sein de l’entreprise, fournissant à la demande conseils, méthodologie et appui aux services demandeurs. Dans cette perspective, le caractère unifié des pratiques de gestion et des procédures de travail au sein de La Poste constitue un atout pour le S.N.A. En effet, les différents niveaux territoriaux ayant des activités similaires malgré des schémas d’organisation pouvant varier d’une structure à l’autre, ceux-ci génèrent une production documentaire semblable dans ses grandes lignes, ce qui autorise une certaine standardisation des actions. Les services ont en outre été destinataires, fin 2001, de la deuxième version des tableaux de gestion (la version précédente avait été diffusée en 1998), validés par la Direction des archives de France, leur permettant de gérer leurs archives. Ces tableaux sont également consultables sur le site intranet du service. Enfin, le réseau des responsables archives et des correspondants départementaux ainsi que les missions sur place complètent le dispositif.
Depuis dix ans, La Poste connaît une phase de transition, abandonnant progressivement son passé administratif et ses pratiques de gestion traditionnelles pour adopter le mode de fonctionnement d’une entreprise. Les archives reflètent cette mutation dans leur typologie (par exemple, dans les salles d’archives, les dossiers des commissions administratives paritaires, les tableaux d’avancement de grade, les mandatements voisinent avec les dossiers de « management de la performance » et les listings des campagnes commerciales) ainsi que dans les règles de conservation à leur appliquer (par exemple, aux règles régissant les documents relatifs aux dépenses et aux recettes publiques s’est substituée la prescription décennale obligatoire pour la comptabilité commerciale). Cette évolution est particulièrement marquée dans les domaines commercial, comptable, fiscal et du contrôle de gestion ; elle relève même de la dichotomie dans le secteur des ressources humaines qui gèrent, parallèlement à une population de fonctionnaires encore majoritaires, des contractuels de droit privé en nombre croissant : législation et règles de gestion différentes, production documentaire en conséquence ! Les tableaux de gestion de La Poste doivent donc tenir compte de cette évolution en mentionnant, d’une part, des documents qui ne sont plus utilisés mais encore archivés et, d’autre part, pour la même activité des catégories différentes de documents.
Au siège, l’insuffisance de locaux pour l’archivage de proximité sur le site principal, les réorganisations fréquentes des services, le volume important et le renouvellement fréquent des affaires traitées ainsi que le remplacement rapide du personnel constituent autant de facteurs favorables à des versements précoces d’archives. Le S.N.A. est de ce fait amené à prendre en charge des archives intermédiaires de premier âge, ce qui présente l’avantage d’entretenir des relations fréquentes avec les services versants et d’obtenir leur confiance, indispensable pour la prise en charge de documents récents. Sont ainsi couramment versés au cours de l’année n des dossiers constitués dans le courant du premier semestre de l’année n - 1. D’une manière générale, le S.N.A. gère essentiellement des archives « jeunes », produites dans les décennies 1980 et 1990, ce qui explique le volume limité des versements d’archives historiques au C.A.C.
L’absence de locaux a également conduit le siège de La Poste à recourir à la sous-traitance pour le stockage de ses archives. Cette nécessité correspondait aussi à un choix économique plus général, dont l’objectif visait à se recentrer sur son cœur d’activité tout en réduisant les coûts. Pour les archives, cette politique donne des résultats positifs puisqu’elle dégage le service des soucis de gestion et de logistique et permet à l’équipe de concentrer son activité sur les seules fonctions archives et documentation. La manutention et les transports inter-sites sont également sous-traités, ce qui allège encore le service de ces tâches matérielles mangeuses de temps et source de complications dans un petit service. Cette organisation, qui implique cependant un contrôle étroit des prestations des sous-traitants et de leur coût, rend possible un niveau d’activité important avec un effectif limité, et permet de prouver aux décideurs qu’un service d’archives est capable de faire des gains de productivité.
Outre cette préoccupation économique, la sous-traitance agit comme un aiguillon propice au traitement intellectuel des versements en amont de la phase de préarchivage. L’éloignement physique des documents incite à avoir une connaissance précise de leur nature et de leur contenu, afin d’être en mesure de prendre, à distance, les décisions opportunes pour leur traitement ultérieur (élimination, tri, conservation définitive). Activité ponctuelle auparavant, le contrôle des versements constitue, depuis le début de l’année 1999, une étape systématique dans la chaîne de traitement des documents confiés au S.N.A. Aboutissant à la rédaction partielle ou intégrale des bordereaux pour environ 20 % des versements, ce contrôle est l’occasion d’effectuer un tri préalable en bloquant des transferts injustifiés chez le prestataire chargé du stockage. Enfin, il permet naturellement d’améliorer l’analyse et l’indexation documentaire des versements décrits dans l’application informatique du service et d’arrêter des durées de conservation adéquates.
Le Service national des archives de La Poste poursuit ainsi l’enrichissement des collections publiques d’archives postales aux niveaux national et local, au-delà des coupures institutionnelles.
2002