Présentation issue de l’ECHO n° 38 (avril 2003)
1. La constitution des fonds
Le Centre d’archives historiques de la SNCF, situé au Mans, créé en 1995, a ouvert ses portes au public en 1996. La vocation du Centre est, depuis l’origine, de rassembler l’ensemble des archives historiques de l’entreprise, à l’exception des dossiers de personnel regroupés à Béziers.
La création du centre du Mans s’inscrit dans le cadre d’une politique d’archivage impulsée dans les années 1989-1990, à l’époque où Jacques Fournier était président de la SNCF (1988-1994). En effet, c’est en janvier 1989 qu’une division des Archives est créée au sein du service général.
À sa tête, Martine Constans, conservateur des Archives de France, parcourt l’entreprise. Elle entreprend un important travail de recensement et d’inventaire d’archives. Parallèlement, elle regroupe des archives des directions centrales dans la halle de stockage de Souppes-sur-Loing.
En 1993, le Centre d’archives intermédiaires de Villeneuve-Prairie est le premier centre d’archives à voir le jour. Villeneuve reçoit alors des directions centrales beaucoup d’archives en vrac, non inventoriées, et parfois anciennes.
Deux ans plus tard, l’ouverture du centre du Mans autorise alors le transfert d’archives en provenance tant de la halle de Souppes-sur-Loing que du Centre d’archives intermédiaires de Villeneuve. Ces transferts massifs submergent alors littéralement le bâtiment de réception, ainsi que la petite équipe du Mans constituée alors d’environ cinq à six personnes. Quelques versements en provenance des directions régionales de Paris-Nord et Paris-Est viennent compléter la liste déjà longue des transferts.
Le centre du Mans accueille également, à ses débuts, les ouvrages et revues rassemblés par le Centre national de documentation de la SNCF, ainsi que ceux de La Vie du rail. Les fonds documentaires occupent ainsi les premiers mètres de rayonnages, pour atteindre actuellement une longueur de 3 kilomètres linéaires.
Progressivement, les archives sont mises en rayonnages et inventoriées sur informatique, mais sommairement et sans classement, ni tri.
Le centre du Mans reste majoritairement « alimenté », via Villeneuve, par les archives des directions centrales.
À partir de l’année 2000, la politique de l’entreprise, cherchant à favoriser l’accès du public aux archives de la période 1939-1945, déclenche plusieurs transferts partiels d’archives en provenance des directions régionales, telles Metz-Nancy, Reims, Lyon, etc. La masse d’archives historiques encore répartie sur l’ensemble du territoire demeure néanmoins considérable.
En ce qui concerne Béziers, le « Centre d’archives multirégional » accueille ses premières archives en 1998 et ses premiers chercheurs en janvier 2000. Béziers a la particularité d’être à la fois service d’archives historiques pour les dossiers individuels des agents de l’entreprise et service d’archives intermédiaires pour les régions de Montpellier, de Toulouse ainsi que pour la Caisse de prévoyance et de retraite, à Marseille (CPR).
La CPR de Marseille a fourni d’ailleurs à Béziers ses plus gros volumes d’archives historiques (le dossier individuel de retraite devient historique 30 ans après l’extinction de la pension). Plus récemment, Béziers a accueilli les dossiers individuels d’agents, devenus historiques, conservés jusqu’alors par la direction régionale de Strasbourg. Mais, tout comme pour le centre du Mans, la collecte des dossiers reste à poursuivre.
2. Présentation des fonds des centres d’archives historiques de la SNCF
Il ne peut s’agir ici que de donner un aperçu sur les ressources actuellement connues et d’exposer les lacunes les plus flagrantes. Nous rappelons qu’une description, tant des fonds d’archives historiques du centre du Mans que de ceux de Béziers, est consultable sur le site Internet de l’AHICF consacré à la seconde guerre mondiale (www.ahicf.com).
Un premier constat s’impose : il est aujourd’hui difficile de connaître la part réelle des archives ayant un caractère historique ou définitif parmi l’ensemble des archives conservées par le centre du Mans, c’est-à-dire parmi près de 9 kilomètres linéaires d’archives. En effet, aucune opération de tri d’envergure n’a encore été menée. Et depuis l’année 2000 la priorité a été accordée aux traitements d’archives de la période de la seconde guerre mondiale. Cependant la présence d’archives intermédiaires dénuées d’intérêt historique est certaine. En fait, à l’exception de versements de taille relativement réduite concernant la période de guerre qui ont été classés, les autres versements restent à trier et à classer. Plusieurs versements sont d’ailleurs très volumineux : entre 5 000 et 10 000 boîtes d’archives !
À Béziers, qui échappe à cette problématique, il est possible à ce jour de retrouver la trace professionnelle de 400 000 personnes par le biais d’une fiche micrographiée, par une mention dans un registre, le plus souvent par un dossier de pension expurgé (surtout pour l’époque des anciennes compagnies), ou encore grâce au dossier de carrière complet pour la période de la SNCF.
Le centre du Mans conserve actuellement les archives « classiques » d’une entreprise : archives du conseil d’administration de la SNCF, de la direction, du personnel, des finances. De ces archives, Martine Constans disait : « Compte tenu de la richesse des collections publiques (Archives nationales, ministérielles, départementales et communales), l’intérêt des archives collectées en entreprise, pour volumineuses quelles soient, [...] est faible. En effet, ces documents ne contiennent le plus souvent que l’aboutissement de décisions déjà prises ailleurs (politique salariale par exemple) ou sont trop généraux ou peu significatifs etc. ». Malgré tout, il s’agit là d’un patrimoine d’intérêt général incontournable.
Qu’en est-il des archives spécifiques à l’entreprise ?
Le centre du Mans s’efforce depuis sa création de rassembler l’ensemble des textes réglementaires, tant de l’époque des anciennes compagnies que de celle de la SNCF. « Ces documents traitent de tous les aspects de la maison, tant de l’organisation des services, du statut et de la gestion du personnel, des procédures comptables, que de tout ce qui touche la sécurité. Ils seront consultés à chaque instant, source capitale et unique sur le fonctionnement de l’entreprise au quotidien jusque dans ses plus petits détails, même éphémères ».
Concernant les archives techniques et scientifiques, sources de l’histoire des sciences, intéressons-nous en premier lieu aux archives fournies par les trois grandes directions fonctionnelles, de l’équipement, du matériel et du transport, à l’échelle nationale. En réalité, la connaissance de ces ensembles archivistiques est encore aujourd’hui balbutiante, en partie parce que la sollicitation de la part des chercheurs reste limitée. Pour le moment seuls les plans du matériel roulant et remorqué font l’objet de demandes régulières de consultation de la part des maquettistes et modélistes. Par ailleurs, beaucoup d’archives relevant de ces fonctions se trouvent encore stockées en palettes.
Au niveau régional, le même découpage fonctionnel existait aussi, tant au temps des anciennes compagnies qu’ultérieurement. Les ressources du Centre sont plutôt inégales : la fonction de l’équipement est bien représentée pour le Nord, l’Est et dans une moindre mesure le Sud-Ouest (compagnies de chemins de fer, puis Régions SNCF), mais presque complètement absente pour l’Ouest et le Sud-Est ; les fonctions restantes sont quant à elles faiblement représentées, tous secteurs géographiques confondus !
Au niveau des archives que l’on peut qualifier de stratégiques, le fonds le plus intéressant est celui de la direction des études générales, de la planification et de la recherche qui offre des dossiers relatifs à l’organisation administrative et aux réformes de structures de la SNCF, ainsi que des études prospectives. Sur le plan des archives commerciales, les ressources du Centre sont relativement limitées actuellement si l’on excepte le fonds très particulier des affiches ferroviaires.
Pour finir ce rapide panorama par la fonction juridique, signalons : les dossiers d’accidents ferroviaires concernant les voyageurs et les dossiers d’affaires contentieuses générales. Dans les deux cas, les dossiers remontent à l’époque de la structure juridique commune mise en place par les compagnies dans les années 1920 et se poursuivent au temps de la SNCF.
Enfin, en dehors des services d’archives du Mans et de Béziers, nous ne saurions omettre l’existence du Centre audiovisuel qui assure la conservation du patrimoine audiovisuel de la SNCF. Son fonds est riche de 200 000 photos et diapositives, 3 000 films et vidéos, 500 cassettes vidéo.
3. L’accès aux archives
L’accès est bien évidemment tributaire du degré de traitement des archives, ainsi que de la diffusion au public d’instruments de recherche.
Au Mans, un effort particulier a été accompli, depuis l’année 2000, pour les archives de la période de la guerre 1939-1945 et cela en vue d’en favoriser l’accès pour le public. L’effort se place effectivement tant au niveau du traitement des archives qu’à celui de la diffusion dans le public d’instruments de recherche. La liste des instruments de recherche aujourd’hui présents en salle de lecture du Centre en témoigne. Cette liste est consultable depuis septembre 2002 sur le site Internet de l’AHICF. Elle sera régulièrement mise à jour.
Il reste toutefois encore beaucoup de travail à accomplir, nous en sommes conscients. En effet, la majorité des archives présentes en rayonnage n’ont été inventoriées que sommairement sur base de données informatique et cette base reste à usage interne. Par ailleurs, le fait que les archives n’aient pas été classées rend leur exploitation souvent délicate. En dépit de ces difficultés, le maximum est accompli par le personnel du Centre pour satisfaire l’ensemble des demandes de recherche.
Le Centre de Béziers inventorie, lui, sur base de données informatique, les noms des agents dont il conserve un dossier ou une fiche micrographiée. Figurent également les informations suivantes : nom de l’agent, prénom, date de naissance, date de départ, date de décès, et le cas échéant quelques mentions liées à la guerre 1939-1945.
En revanche, il n’y a pas diffusion au public des tirages de la base pour éviter la divulgation de données nominatives. Les recherches se pratiquent généralement, par le biais de l’informatique, à partir du nom de l’agent.
Les deux centres d’archives appliquent bien évidemment la législation en vigueur sur les archives publiques, avec les possibilités de dérogation prévues par la loi.
Laurence Petit, 2003