Si l’enfance est un objet d’archives, notamment à travers celles produites dans le cadre des politiques publiques portant sur l’éducation, la protection ou encore l’adoption, les enfants en sont aussi sujet depuis la constitution de dossiers jusqu’à la valorisation auprès d’eux et de publics adultes de documents les concernant.
À travers seize contributions émanant d’archivistes et d’historien·ne·s, ce numéro de La Gazette des archives entend embrasser le plus largement possible la question des archives de l’enfance. Ces articles permettent de nourrir la réflexion archivistique autour de trois grands axes : archiver l’enfance, retrouver l’enfance au travers des archives, et utiliser celles-ci comme outils mêmes de la protection de l’enfance.
Ce numéro a été coordonné par Hélène Guichard-Spica, Viviane Frings-Hessami et Lydie Porée, avec le soutien de Lydiane Gueit-Montchal.
SOMMAIRE
Archiver l’enfance
– Archiver l’Aide Sociale à l’Enfance : retour sur une ébauche de stratégie pour les Yvelines, par Constance DE TOURNADRE
– Mise en place d’une politique de collecte des archives des établissements scolaires du premier degré en Ille-et-Vilaine. Aspects méthodologiques, par Sandra GROSCLAUDE
– Le fonds CIDEF : une histoire riche en péripéties, par Damien HAMARD
– La collecte en cours des archives de la protection judiciaire de la jeunesse en Ille-et-Vilaine : constats, découvertes et pistes de travail, par Mathilde PINTAULT
– L’enfance derrière les barreaux dans le département du Morbihan, par Marie GÉRAUD
Enfance et enfants au travers des archives
– L’enfant, les archives de l’enfance et les productions enfantines : une reconnaissance progressive, par Coline BRIGNON
– De l’objet au sujet. Les traces des enfants et des adolescents dans les fonds des Archives municipales de Lyon, par Louis FAIVRE D’ACIER
– Jeunes et histoires, histoires de jeunes. Retour sur une expérience auprès d’un public scolaire empêché, par Sophie EHOUARNE, Catherine DOLGHIN, Christine CORMAND et Céline ROGE
– Les enfants aux Archives : quelles médiations avec le numérique ?, par Mathilde DEUVE et Hélène GUICHARD-SPICA
– Exposer l’enfance, par Alexandre CHEVAILLIER
– Enseigner l’histoire des archives au travers des documents de l’enfance, par Elisabeth C. MACKNIGHT
Des archives pour protéger l’enfance
– Les archives de l’adoption internationale, par Cécile LOMBARD, Christine MARTINEZ, Véronique PARMENTIER et Michel THIBAULT
– Archives de l’enfance : le projet MIRRA (Mémoire-Identité-Droit aux archives-Accès), par Elizabeth SHEPHERD, Anna SEXTON, Elizabeth LOMAS et Peter WILLIAMS
– Les violences sexuelles sur mineurs dans l’Église : l’enquête de la Commission indépendante sur les abus sexuels, par Philippe PORTIER, Paul AIRIAU, Thomas BOULLU et Anne LANCIEN
– Panser la gestion des dossiers pour penser la protection de l’enfance ? Les enjeux d’une réflexion archivistique qui replace l’humain au centre, par Adélaïde LALOUX
– De la consultation des dossiers institutionnels au partage de ses données personnelles : les archives dans le droit aux origines pour les enfants abandonnés et adoptés aujourd’hui, par Julie VÉDRINES
RÉSUMÉ DES ARTICLES
Archiver l’enfance
– Archiver l’Aide Sociale à l’Enfance : retour sur une ébauche de stratégie pour les Yvelines, par Constance DE TOURNADRE
Cet article offre un compte rendu d’un travail sollicité par les Archives départementales des Yvelines (AD 78) dans le cadre du stage de spécialité à l’Institut national du patrimoine. La commande était de proposer une stratégie d’archivage papier et numérique de la fonction d’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) dans les Yvelines, en partant de l’identification des producteurs, puis documents, données et métadonnées. Concrètement, était attendu d’abord un bilan de la collecte des AD 78 dans le domaine de la protection de l’enfance en général, afin de faciliter et guider le travail futur du service, notamment par des suggestions de priorités et de réévaluations. Ce bilan prospectif devait être suivi d’une proposition de stratégie pour le déploiement de la dématérialisation globale et sécurisée du dispositif d’ASE seul, et en particulier des dossiers d’enfants protégés. Après avoir présenté le contexte et les raisons justifiant cette commande à deux échelles, l’article s’attache à décrire la démarche adoptée pour y répondre en deux temps. Il présente ensuite, pour chacune de ces étapes du travail, les principaux résultats obtenus ainsi que les préconisations soumises aux archivistes comme aux métiers pour permettre la mise en œuvre d’une collecte et d’un archivage cohérents des domaines concernés dans un contexte dématérialisé.
– Mise en place d’une politique de collecte des archives des établissements scolaires du premier degré en Ille-et-Vilaine. Aspects méthodologiques, par Sandra GROSCLAUDE
S’intéresser aux archives des établissements scolaires d’un département s’inscrit dans une démarche qui revêt plusieurs enjeux. Les collecter permet à la fois d’écrire l’histoire de l’éducation, et de sécuriser des informations à valeur probante. Pour répondre à ces enjeux, établir une méthodologie (et donc une politique de collecte) est apparu aux Archives départementales d’Ille-et-Vilaine comme nécessaire. En passant par un état des lieux des fonds présents, par la définition du périmètre de collecte, par les recherches de retours d’expériences et les premières réflexions, cet article retrace la genèse d’un projet touchant aux archives de l’enfance et qui est toujours en cours. Sa mise en œuvre ainsi que les premiers retours des établissements scolaires contribuent à prendre la mesure de l’envergure d’un tel chantier mais également l’importance d’un des rôles fondamentaux de l’archiviste : le conseil et l’accompagnement des services producteurs d’archives publiques.
– Le fonds CIDEF : une histoire riche en péripéties, par Damien HAMARD
Le fonds CIDEF, en rejoignant les magasins de la bibliothèque universitaire de l’université d’Angers, renforce quantitativement et qualitativement les fonds du centre d’archives spécialisés qui vient d’ouvrir. Pourtant, quelques années plus tard, la redécouverte d’une partie des documents sur un autre campus angevin indique que l’intérêt initial pour le fonds s’est amenuisé. L’article revient sur l’histoire du fonds d’archives, tout en présentant les principales typologies documentaires accessibles pour le chercheur, avant de démontrer comment la frontière est parfois ténue entre désintérêt factuel et mise en lumière.
– La collecte en cours des archives de la protection judiciaire de la jeunesse en Ille-et-Vilaine : constats, découvertes et pistes de travail, par Mathilde PINTAULT
Depuis le printemps 2021, les Archives départementales d’Ille-et-Vilaine mènent une politique active de collecte auprès des services de la protection judiciaire de la jeunesse. Au cours de ces 18 mois de travail, plusieurs axes se sont dégagés : un fort besoin d’accompagnement des services producteurs pour leur permettre d’effectuer un archivage courant et intermédiaire efficace ; la nécessité de procéder à l’évaluation systématique des dossiers individuels avant leur collecte et de ne pas la déconnecter de collectes satellites (juridictions pour mineurs notamment) ; l’importance de collecter d’autres documents, ceux qui font entendre la voix des enfants et adolescents, et qui racontent l’histoire du groupe.
– L’enfance derrière les barreaux dans le département du Morbihan, par Marie GÉRAUD
Cet article offre une vision des missions de l’archiviste à travers la thématique de l’enfance délinquante. Il aborde des questionnements actuels sur la collecte : la sélection qui doit s’adapter aux lacunes et aux particularités de chaque territoire, la difficulté de mettre en œuvre la collecte de données numériques dans les tribunaux, notamment pour les archives indispensables à la recherche que sont les registres, mais aussi la difficulté pour retrouver des archives privées des congrégations religieuses qui avaient pourtant une mission de service public avant l’heure. S’agissant du classement se pose la question du respect des fonds dans le cas de l’unicité d’un fonds dont le producteur n’avait pas de logique de classement mais aussi celle de la rédaction de bases de données à l’heure du règlement général sur la protection des données. En ce qui concerne les sources, l’intérêt est porté dans cet article sur les bases de données d’institutions nationales parfois méconnues. Enfin est évoquée la manière dont l’archiviste s’intègre dans des projets scientifiques et des opérations de valorisation face à un sujet très médiatisé qui intéresse
de nombreux partenaires.
Enfance et enfants au travers des archives
– L’enfant, les archives de l’enfance et les productions enfantines : une reconnaissance progressive, par Coline BRIGNON
L’enfant est de nos jours une personne à part entière. Sa parole, ses désirs, et son épanouissement sont les préoccupations premières de ses parents et des institutions qui l’encadrent. Or, l’enfant n’a pas toujours eu cette place dans la société. Cet article est voué à étudier cette reconnaissance progressive de l’enfant à travers la place qu’il peut avoir, ainsi que ses documents, dans les services d’archives. En effet, avec l’évolution de sa prise en considération par la famille et l’État, une masse documentaire en lien avec l’enfant est apparue. Il devient un sujet fondamental pour certaines institutions comme l’école. Les politiques d’archivage ont donc dû s’adapter et prendre en charge de nouvelles sources. Les services d’archives ont également dû compter l’enfant parmi leur public et apprendre à lui dédier des services. Toutefois, la question de la prise en considération de sa parole reste complexe à travers l’exemple des archives. Les archives produites par la main de l’enfant peuvent être présentes dans les dossiers des institutions ou des familles, mais qu’en est-il de leur traitement et visibilité ?
– De l’objet au sujet. Les traces des enfants et des adolescents dans les fonds des Archives municipales de Lyon, par Louis FAIVRE D’ACIER
Trois points de vue distincts peuvent être retenus pour aborder la question de l’enfance dans les archives de la ville de Lyon. Ces points de vue transcendent les fonds mais reflètent différentes postures de la part des institutions, et des enfants concernés. Certaines archives renseignent leur lecteur sur la conduite des politiques publiques de l’enfance, dans leurs différentes déclinaisons. D’autres, les plus volumineuses, présentent des enfants en tant qu’objet de soin, d’éducation, de prise en charge. D’autres enfin, les plus rares, donnent à voir ou à entendre des mineurs. Les Archives municipales de Lyon offrent ainsi un large panel de sources sur l’enfance, complémentaires d’archives issues d’institutions spécialisées. Pour la période contemporaine, le défi du numérique est particulièrement sensible, compte tenu des enjeux de protection de l’enfance, et constitue à plus d’un titre une remise en question passionnante.
– Jeunes et histoires, histoires de jeunes. Retour sur une expérience auprès d’un public scolaire empêché, par Sophie EHOUARNE, Catherine DOLGHIN, Christine CORMAND et Céline ROGE
Depuis de nombreuses années, les médiatrices des services des Archives départementales des Côtes-d’Armor et des Archives municipales de Saint-Brieuc, en collaboration avec la professeure des écoles et de l’éducatrice pour jeunes enfants du centre hospitalier, organisent des animations pédagogiques et culturelles dans la salle de classe des services pédiatriques de l’hôpital Yves-Le-Foll de Saint-Brieuc. Les médiatrices sont ainsi amenées à construire des séances originales pour un jeune public éloigné dans le cadre particulier du monde hospitalier. Des séances qui s’avèrent au final très formatrices à titre professionnel mais aussi personnel.
– Les enfants aux Archives : quelles médiations avec le numérique ?, par Mathilde DEUVE et Hélène GUICHARD-SPICA
Lorsque l’on parle de médiation dans les archives, la place de l’enfant est grande : il s’agit essentiellement des élèves, qualifiés sous le terme de « public scolaire ». L’offre pédagogique est sans conteste forte, cependant, elle a été largement renouvelée ces dernières années par le développement toujours plus prégnant du numérique. Au travers du retour d’expérience des Archives départementales des Yvelines et de son approche de la médiation numérique auprès des enfants sur près d’une vingtaine d’années, il convient de s’interroger sur les mutations des usages numériques, de la construction de connaissances et sur de nouvelles capacités à expérimenter et partager des savoirs.
– Exposer l’enfance, par Alexandre CHEVAILLIER
L’historiographie de l’enfance est née sous la plume de Philippe Ariès. Depuis la fin du XXe siècle, cette science moderne a connu une évolution fulgurante. La reconnaissance du statut de l’enfant et les mutations de la famille au fil des siècles ont engagé à développer une véritable politique de la protection de l’enfance. En la matière, la Meurthe-et-Moselle est pionnière dès le XIXe siècle grâce à l’implication de médecins dévoués à la cause infantile. Dans un contexte de modernisation des lois sur la protection de l’enfance, le Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle a souhaité réaliser une exposition dédiée au monde de l’enfance, présentée à partir de février 2008. Ce travail de valorisation a su retenir l’attention au sein du territoire. En portant un regard rétrospectif, le bilan reste toutefois mitigé en termes d’enrichissement des fonds privés de l’enfance et d’exploitation à des fins scientifiques. L’intérêt du grand public pour la généalogie permet quant à lui de mettre pleinement en lumière le contenu de l’exposition, avec une sollicitation plus prégnante sur les questions des enfants abandonnés. Aujourd’hui encore, des opérations de traitement d’archives entrent en résonance avec l’exposition « Enfance », qui fête en 2023 ses quinze ans.
– Enseigner l’histoire des archives au travers des documents de l’enfance, par Elisabeth C. MACKNIGHT
À travers l’étude de documents de l’enfance provenant d’archives privées, une historienne d’origine australienne propose une réflexion sur l’histoire des archives aux étudiants écossais en cours magistral d’histoire à la faculté. Cet article montre que le travail des historiens sur les sources documentaires est un sujet qui suscite beaucoup d’intérêt chez les jeunes. Mais, en parallèle, le travail des archivistes reste massivement inconnu. Une introduction aux codes, termes, et concepts du métier se révélerait essentielle. Les étudiants s’interrogent sur la préservation et la destruction des archives, le droit à l’accès, la présence des objets dans les fonds, et les regards des adultes sur le vécu enfantin.
Des archives pour protéger l’enfance
– Les archives de l’adoption internationale, par Cécile LOMBARD, Christine MARTINEZ, Véronique PARMENTIER et Michel THIBAULT
Depuis 2020, Archivistes sans frontières – Section France a été successivement sollicitée par les autorités chargées de l’adoption internationale en Éthiopie, au Sénégal, puis en Côte d’Ivoire, afin d’intervenir en vue de la sauvegarde des dossiers d’adoption. Dans un contexte administratif et juridique éminemment variable d’un pays à l’autre, il s’agit à chaque fois de garantir la conservation de ces dossiers et leur communication aux ayants droit, et en définitive de garantir le droit des adoptés à connaître leurs origines, conformément au principe posé par l’article 30 de la Convention de La Haye de 1993. Les interventions d’AsF-France s’inscrivent dans le cadre de l’action menée par la Mission de l’adoption internationale du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères et par le Service social international France, tout particulièrement le projet RACINE, qui consiste à accompagner les adoptés dans la recherche de leurs origines. Elles répondent également aux priorités définies par la Section sur le Archives et les Droits de l’Homme du Conseil international des archives, dans son programme d’actions 2021-2024, en faveur de l’accès aux documents d’identité et de la défense des droits des enfants.
– Archives de l’enfance : le projet MIRRA (Mémoire-Identité-Droit aux archives-Accès), par Elizabeth SHEPHERD, Anna SEXTON, Elizabeth LOMAS et Peter WILLIAMS – article disponible en langue originale (anglais) et traduit en français par Laura CHARDAR.
Les enfants et les jeunes vivant en dehors du foyer familial, par exemple en famille d’accueil, dans des foyers ou dans d’autres structures d’accueil, pris en charge par les autorités locales ou par des associations pour enfants, souffrent souvent, tout au long de leur vie, de répercussions sur leur bien-être, leur sentiment d’appartenance et d’identité et leur perception d’eux-mêmes. Les personnes ayant été dans cette situation peuvent être privées de récits familiaux, en particulier lorsque leur expérience a été complexe, bouleversée ou traumatisante. La vie des enfants pris en charge est documentée par les travailleurs sociaux, les familles d’accueil et d’autres personnes dans des « dossiers de prise en charge ». La littérature dans les domaines du travail social et des études archivistiques suggère que ce qui est écrit sur les enfants et les jeunes dans les dossiers de l’aide sociale à l’enfance peut avoir un impact significatif sur leur vie, alors qu’ils ne sont pas toujours capables de répondre aux questions les plus élémentaires, comme « pourquoi ai-je été placé(e) ? ». Le projet MIRRA (Mémoire-Identité-Droit aux archives-Accès) est un projet de recherche participatif mené au sein du département des études de l’information de l’University College de Londres (UCL), qui étudie l’expérience des anciens enfants placés cherchant à obtenir leur dossier en Angleterre, mais les droits des anciens enfants placés concernant l’accès à leur dossier sont également étudiés dans de nombreux autres pays, notamment en Australie et au Canada.
– Les violences sexuelles sur mineurs dans l’Église : l’enquête de la Commission indépendante sur les abus sexuels, par Philippe PORTIER, Paul AIRIAU, Thomas BOULLU et Anne LANCIEN
Cet article revient de façon détaillée sur les diverses sources consultées et sur la méthodologie suivie par l’équipe de recherche socio-historique de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église de France : archives publiques et archives de l’Église de France ; presse, témoignages, comptes généraux de la justice. Sont également exposées les principales données tirées de ces sources concernant les mineurs abusés. Si les victimes sont souvent absentes des dossiers consultés dans les archives jusqu’aux années 1990, le groupe de recherches socio-historiques est malgré tout parvenu à identifier nombre de caractéristiques les concernant, préalablement à cette décennie, en croisant les informations et les sources disponibles.
– Panser la gestion des dossiers pour penser la protection de l’enfance ? Les enjeux d’une réflexion archivistique qui replace l’humain au centre, par Adélaïde LALOUX
L’écoute des anciens de la protection de l’enfance permet de constater à quel point les archives qui les concernent peuvent être constitutives d’une identité et porteuses d’un lien tout à fait particulier. Marie-Christine, au cours de sa quête, revendique une forme de propriété de ces documents qu’elle considère comme privés : « Ce sont des histoires personnelles, ce sont des vies, on donne, on ne garde pas pour soi la vie de quelqu’un d’autre. » Les difficultés d’accès à ces dossiers justifient et nécessitent une réflexion archivistique spécifique pour parvenir à une consultation de ces archives qui réponde mieux aux besoins des anciens de la protection de l’enfance.
– De la consultation des dossiers institutionnels au partage de ses données personnelles : les archives dans le droit aux origines pour les enfants abandonnés et adoptés aujourd’hui, par Julie VÉDRINES
Si l’importance d’avoir une trace des enfants abandonnés met du temps à se mettre en place, en France, jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle, le recueil d’informations concernant ces enfants est aujourd’hui réglementé et obligatoire. À travers les dossiers d’hôpitaux et de l’Aide Sociale à l’Enfance, encadrés par le Conseil national pour l’accès aux origines, ces enfants peuvent désormais accéder à leurs origines. Cependant, les résultats ne sont pas toujours à la hauteur de leurs attentes et la construction identitaire s’avère difficile. Les personnes abandonnées et adoptées en quête de leur histoire n’hésitent donc pas à faire usage de leurs données personnelles en utilisant les réseaux sociaux ou en se procurant des tests ADN. Leur sensibilité accrue à l’histoire et aux sources les pousse parfois à devenir elles-mêmes des productrices d’archives dans le but de laisser une trace de leur existence et de remettre la main sur une histoire qui ne leur est pas toujours accessible. La politique archivistique et les acteurs de l’archivage (services producteurs et archivistes) jouent ainsi des rôles non négligeables dans l’appropriation et les réponses dont ont besoin les enfants abandonnés et adoptés.