La Gazette des archives n° 258 (2020-2)

Le centenaire de la Grande Guerre vécu par les archivistes

Rédaction de la Gazette des archives   jeudi 10 décembre 2020
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Le der­nier poilu, Lazare Ponticelli, dis­pa­raît le 12 mars 2008. Jean-Marie Bockel, alors secré­taire d’État aux Anciens Combattants, évoque un « pas­sage de la mémoire à l’his­toire ». La com­mé­mo­ra­tion sans pré­cé­dent à laquelle a donné lieu le cen­te­naire de la Grande Guerre s’est tra­duite par une flo­rai­son d’ini­tia­ti­ves des ser­vi­ces d’archi­ves, elle aussi sans pré­cé­dent, tant au niveau natio­nal que ter­ri­to­rial, ainsi qu’à l’étranger. À la diver­sité d’hori­zons des contri­bu­teurs de ce numéro répond celle des thé­ma­ti­ques abor­dées : outre la par­ti­ci­pa­tion aux mani­fes­ta­tions et grands pro­jets natio­naux, les arti­cles évoquent l’arti­cu­la­tion de la com­mé­mo­ra­tion avec les enjeux locaux, où média­tion et mise en valeur des fonds tien­nent une place de pre­mier choix, avec des ini­tia­ti­ves inno­van­tes telles que serious game, études de publics, indexa­tion par­ti­ci­pa­tive et par­te­na­riats par­fois ori­gi­naux avec des struc­tu­res publi­ques et pri­vées.
Les archi­ves ont acquis, plus que jamais durant ce cycle com­mé­mo­ra­tif, une dimen­sion civi­que de pre­mière impor­tance. Des expé­rien­ces qui pour­raient deve­nir fon­da­tri­ces ?

Ce numéro a été coor­donné par Louis Faivre d’Arcier (direc­teur des Archives muni­ci­pa­les de Lyon), Odile Gaultier-Voituriez (res­pon­sa­ble de la coor­di­na­tion archi­vis­ti­que et docu­men­taire du CEVIPOF et du CHSP à Sciences Po), Brigitte Guigueno (char­gée de la poli­ti­que des publics au Service inter­mi­nis­té­riel des Archives de France), Élisabeth Verry (direc­trice des Archives dépar­te­men­ta­les de Maine-et-Loire) et Laurent Veyssière (direc­teur géné­ral adjoint de la Mission du cen­te­naire de la Première Guerre mon­diale jusqu’au 30 octo­bre 2019).

SOMMAIRE

 Avant-propos, par Louis FAIVRE D’ARCIER, Odile GAULTIER-VOITURIEZ, Brigitte GUIGUENO, Élisabeth VERRY et Laurent VEYSSIÈRE

 Le Centenaire et les Archives, par Antoine PROST

 Quel bilan scien­ti­fi­que pour les ser­vi­ces d’archi­ves ? Une ana­lyse à tra­vers les expo­si­tions orga­ni­sées de 2014 à 2018, par Benjamin GILLES

Des pro­jets fédé­ra­teurs

La Grande Collecte

 La Grande Collecte 1914-1918 : aux sour­ces de la mémoire fami­liale de la Grande Guerre, par Laurent VEYSSIÈRE

 Médiation de la col­lecte : nou­velle séman­ti­que, par Emmanuelle COMBET

 La Grande Collecte 1914-1918 aux Archives dépar­te­men­ta­les de l’Hérault, ou com­ment renou­ve­ler les sour­ces pour une his­toire intime et per­son­nelle de la Grande Guerre, par Julien DUVAUX

 La Grande Collecte 1914-1918 vue de l’inté­rieur : pour­quoi s’adres­ser à un ser­vice d’archi­ves ?, par Jasmine TILLAM

Des pro­jets numé­ri­ques et col­la­bo­ra­tifs

 Le Grand Mémorial
Introduction, par Laurent VEYSSIÈRE
La numé­ri­sa­tion des matri­cu­les de la Grande Guerre aux Archives dépar­te­men­ta­les du Doubs, par Nathalie ROGEAUX
Les Archives dépar­te­men­ta­les de la Guadeloupe dans le Grand Mémorial, par Benoît JULLIEN
Participation des Archives dépar­te­men­ta­les de la Marne au Grand Mémorial, par Isabelle HOMER

 Le projet par­ti­ci­pa­tif Testaments de poilus : entre pro­gramme scien­ti­fi­que et opé­ra­tion de média­tion, par Pauline CHARBONNIER, Mélisa LOCATELLI et Christine NOUGARET

 « 1 jour-1 poilu », une épopée com­mé­mo­ra­tive citoyenne (2013-2018), par Jean-Michel GILOT

L’impli­ca­tion des ter­ri­toi­res

Des pays et dépar­te­ments du front…

 Le Grand Centenaire 14-18 en Belgique, par Laurence VAN YPERSELE

 Au ser­vice de la mémoire de la Grande Guerre, les Archives dépar­te­men­ta­les du Pas-de-Calais, par Marina HERMANT et Lionel GALLOIS

 Les écoles nor­ma­les de Douai et la Grande Guerre, par Adrien FLAMME

 Les Archives dépar­te­men­ta­les du Bas-Rhin face à l’« impos­si­ble mémoire » de la Grande Guerre en Alsace, par Anne-Lise DEPOIL et Marie-Ange DUVIGNACQ

… à ceux de l’arrière

 Du devoir de mémoire au pari sen­si­ble, par Maximillian CARTER

 Une année de cen­te­naire dans les Bouches-du-Rhône, par Chloé LESSCHAEVE et Vivien BARRO

 Commémorer la Grande Guerre dans un dépar­te­ment de l’arrière : 14-18 dans l’Eure, à la lumière des archi­ves publi­ques et de par­cours indi­vi­duels, par Ludivine PONTE

 Être reconnais­sant après la Grande Guerre : le rôle scien­ti­fi­que et cultu­rel des Archives dépar­te­men­ta­les de la Haute-Savoie, par Julien COPPIER et Hélène MAURIN

 Les monu­ments aux morts de la Grande Guerre dans les com­mu­nes du Rhône et de la métro­pole de Lyon, par Céline CADIEU-DUMONT

 La mémoire dans une ville de l’arrière : le rôle des Archives muni­ci­pa­les de Lyon, par Louis FAIVRE D’ARCIER

 L’expé­rience du cen­te­naire de la Grande Guerre aux Archives muni­ci­pa­les d’Eaubonne, par Stéphanie PERRIN

 Commémorer la Première Guerre mon­diale : placer la struc­ture au cœur du dis­po­si­tif, par Luc-André BIARNAIS

La par­ti­ci­pa­tion des gran­des ins­ti­tu­tions

 Le cen­te­naire de la Première Guerre mon­diale au Service his­to­ri­que de la Défense, par Pierre CHANCEREL et Bertrand FONCK

 Le cen­te­naire de 1914 à l’Assemblée natio­nale : « par­le­men­ta­risme de guerre » et mémoire du député engagé pour la défense de la patrie, par Vincent TOCANNE et Marc BÉCLÈRE

 Une grande école dans les com­mé­mo­ra­tions de la Grande Guerre, par Olivier AZZOLA

 « Les ban­ques dans la Grande Guerre. Archives iné­di­tes » : retour sur une expé­rience inter­ban­caire, par Cathy DRÉVILLON et Pascal PÉNOT

La dimen­sion péda­go­gi­que

 Pédagogie et Grande Guerre : l’impli­ca­tion sans pré­cé­dent des ser­vi­ces d’archi­ves, par Brigitte GUIGUENO

 Accompagner les clas­ses au concours « Les petits artis­tes de la mémoire, le regard des enfants sur la Grande Guerre », par Élise DOSQUET

 Brest à l’heure amé­ri­caine, par Xavier LAUBIE

 Serious game Gueule d’Ange : quels publics et quels impacts ?, par Mathilde DEUVE


RÉSUMÉS DES ARTICLES

 Avant-propos, par Louis FAIVRE D’ARCIER, Odile GAULTIER-VOITURIEZ, Brigitte GUIGUENO, Élisabeth VERRY et Laurent VEYSSIÈRE

 Le Centenaire et les Archives, par Antoine PROST

La Grande Guerre n’a cessé de ren­for­cer sa pré­sence dans notre société depuis les années 1970-1980. À côté des livres et des films, une mémoire sou­ter­raine de la guerre s’est déve­lop­pée sur le web, avec de nom­breux sites et des sour­ces mises en ligne où beau­coup ont puisé pour enri­chir leur mémoire fami­liale. Dans ce contexte, la com­mé­mo­ra­tion a pris une grande ampleur, qu’il s’agisse des res­pon­sa­bles des mani­fes­ta­tions ou de leurs formes, très diver­ses. Les com­mé­mo­ra­tions loca­les l’empor­tent, et parmi elles, les expo­si­tions. Les Archives leur ont apporté une contri­bu­tion de pre­mière impor­tance. Elles ont ainsi fait conver­ger les mémoi­res, les ont nour­ries d’his­toire, et conforté une mémoire natio­nale de souf­fran­ces et de deuil.

 Quel bilan scien­ti­fi­que pour les ser­vi­ces d’archi­ves ? Une ana­lyse à tra­vers les expo­si­tions orga­ni­sées de 2014 à 2018, par Benjamin GILLES

La numé­ri­sa­tion des regis­tres matri­cu­lai­res, la par­ti­ci­pa­tion à la Grande Collecte ou le Grand Mémorial appa­rais­sent comme les pro­jets les plus repré­sen­ta­tifs de l’inves­tis­se­ment des archi­ves dans le cen­te­naire de la Première Guerre mon­diale. Mais l’action de ces ser­vi­ces a été beau­coup plus large et sou­te­nue que ces pro­jets phares. De 2013 à 2018, les établissements ont dif­fusé auprès de leurs usa­gers une his­toire du conflit à partir de leurs fonds docu­men­tai­res. La durée iné­dite de la com­mé­mo­ra­tion a influé sur l’enga­ge­ment des archi­ves. Beaucoup d’actions se sont concen­trées sur le début et la fin du Centenaire. Des ter­ri­toi­res de la mémoire de la Grande Guerre se sont également des­si­nés. La majo­rité des ser­vi­ces ont fait le choix d’orga­ni­ser des mani­fes­ta­tions au début et à la fin de la com­mé­mo­ra­tion ; les expo­si­tions ont été le type de mani­fes­ta­tion cultu­relle et scien­ti­fi­que pri­vi­lé­gié. Celles orga­ni­sées par les Archives dépar­te­men­ta­les et muni­ci­pa­les ont insisté sur la dimen­sion locale du conflit et se sont appuyées sur l’his­to­rio­gra­phie la plus récente. La fré­quen­ta­tion de ces expo­si­tions et les consul­ta­tions des res­sour­ces mises en ligne témoi­gnent du rôle cen­tral des archi­ves dans la trans­mis­sion de l’his­toire et de la mémoire de la Grande Guerre.

Des pro­jets fédé­ra­teurs

La Grande Collecte

 La Grande Collecte 1914-1918 : aux sour­ces de la mémoire fami­liale de la Grande Guerre, par Laurent VEYSSIÈRE

Les trois éditions de la Grande Collecte qui se sont dérou­lées en 2013, 2014 et 2018 ont confirmé la rela­tion intense qu’entre­tien­nent les Français avec la Première Guerre mon­diale. Ils se sont dépla­cés en grand nombre dans les ser­vi­ces d’archi­ves et biblio­thè­ques qui par­ti­ci­paient à l’opé­ra­tion, sou­vent avec une émotion per­cep­ti­ble, pour mon­trer, donner ou dépo­ser, numé­ri­ser leurs archi­ves fami­lia­les qui avaient attendu un siècle pour réap­pa­raî­tre. Si ces docu­ments ne révo­lu­tion­nent pas l’his­toire de la Grande Guerre, ils com­plè­tent les fonds publics déjà conser­vés et appor­tent aux his­to­riens un éclairage nou­veau. La Grande Collecte a démon­tré également que les Français sou­hai­taient par­ti­ci­per à l’écriture de l’his­toire en met­tant à dis­po­si­tion leurs archi­ves fami­lia­les, par­fois les plus inti­mes, mais aussi de contri­buer à l’enri­chis­se­ment du patri­moine natio­nal. Les deux pre­miè­res éditions ont permis aux ser­vi­ces publics de recueillir 1 700 fonds et de numé­ri­ser 325 000 docu­ments. Ce succès a contri­bué à l’ins­tau­ra­tion par le minis­tère de la Culture de nou­vel­les gran­des col­lec­tes por­tant sur d’autres sujets.

 Médiation de la col­lecte : nou­velle séman­ti­que, par Emmanuelle COMBET

Depuis 2013, les Archives dépar­te­men­ta­les de la Savoie par­ti­ci­pent à plu­sieurs cam­pa­gnes de col­lecte dans le cadre des com­mé­mo­ra­tions du Centenaire. Pendant cinq ans, le ser­vice a accueilli 175 famil­les et numé­risé des mil­liers de docu­ments. Ceux-ci, majo­ri­tai­re­ment com­po­sés de pho­to­gra­phies, de cartes pos­ta­les, de cor­res­pon­dan­ces et de car­nets don­nent nais­sance à une col­lec­tion de fichiers numé­ri­ques sur la thé­ma­ti­que. Ce réser­voir d’images nous a permis d’envi­sa­ger une média­tion mul­ti­forme pro­gram­mée sur un temps long. Ainsi entre 2013 et 2020, nous avons déve­loppé une offre de média­tion éclectique et de nou­vel­les métho­des de tra­vail en matière de com­mu­ni­ca­tion. De l’expo­si­tion clas­si­que aux lec­tu­res d’archi­ves déca­lées, en pas­sant par la média­tion numé­ri­que, cette offre cultu­relle pro­pose une valo­ri­sa­tion mul­ti­ple des sour­ces à la fois publi­ques et pri­vées. À cette occa­sion, nous avons pris cons­cience de l’impor­tance de ces col­lec­tes sur la com­pré­hen­sion de la période et l’écriture de l’his­toire. En effet, face aux lacu­nes et aux man­ques cons­ta­tés dans les fonds publics, les archi­ves col­lec­tées sont appa­rues comme néces­sai­res, voire incontour­na­bles, sur cer­tai­nes thé­ma­ti­ques. Ce projet mul­ti­forme a donc permis de faire bouger les lignes tant en matière d’orga­ni­sa­tion de tra­vail que dans la rela­tion que nous envi­sa­gions avec un public bien dif­fé­rent de celui que nous pou­vions ren­contrer jusqu’à pré­sent.

 La Grande Collecte 1914-1918 aux Archives dépar­te­men­ta­les de l’Hérault, ou com­ment renou­ve­ler les sour­ces pour une his­toire intime et per­son­nelle de la Grande Guerre, par Julien DUVAUX

Les Archives dépar­te­men­ta­les de l’Hérault par­ti­ci­pent depuis novem­bre 2013 à la Grande Collecte 1914-1918, cam­pa­gne euro­péenne de col­lecte, de numé­ri­sa­tion et de valo­ri­sa­tion des fonds d’archi­ves fami­lia­les rela­tifs à la Première Guerre mon­diale. L’ori­gi­na­lité de la par­ti­ci­pa­tion des Archives dépar­te­men­ta­les de l’Hérault est carac­té­ri­sée par la numé­ri­sa­tion inté­grale des fonds de poilus les plus cohé­rents, qui sont ensuite minu­tieu­se­ment décrits, indexés et mis en ligne sur le site Internet des Archives dépar­te­men­ta­les. En jan­vier 2020, ce sont ainsi près de deux cents fonds, soit plus de 56 000 images de car­nets de guerre, let­tres, pho­to­gra­phies, qui sont ainsi mis à dis­po­si­tion des inter­nau­tes, qu’ils soient cher­cheurs ou sim­ples pas­sion­nés de 1914-1918, renou­ve­lant de la sorte l’appro­che per­son­nelle et intime du conflit.

 La Grande Collecte 1914-1918 vue de l’inté­rieur : pour­quoi s’adres­ser à un ser­vice d’archi­ves ?, par Jasmine TILLAM

Pourquoi, à la suite de mes­sa­ges dif­fu­sés à la télé­vi­sion et dans la presse, les contri­bu­teurs ont-ils décidé de dépo­ser leur mémoire fami­liale et de récla­mer sa mise en ligne sur Internet, ceci en accor­dant toute leur confiance à un ser­vice public par­fois inconnu ? Un double rôle para­doxal est dévolu aux archi­ves, celui de lieu de « décharge » de mémoire et celui de lieu de valo­ri­sa­tion et de publi­ca­tion de celle-ci. Nous avons pu cons­ta­ter une dimen­sion hono­ri­fi­que du geste et deux moti­va­tions sous-jacen­tes : se débar­ras­ser et cris­tal­li­ser, en menant une réflexion sur l’émotionnalité du don d’archi­ves et sa fonc­tion « résur­rec­tion­niste » au sens que lui don­nait Michelet. Cette situa­tion a fait que l’archi­viste s’est retrouvé partie pre­nante des cer­cles de deuil tels qu’ils sont défi­nis par Jay Winter et Stéphane Audoin-Rouzeau.

Des pro­jets numé­ri­ques et col­la­bo­ra­tifs

 Le Grand Mémorial

Introduction, par Laurent VEYSSIÈRE

La numé­ri­sa­tion des matri­cu­les de la Grande Guerre aux Archives dépar­te­men­ta­les du Doubs, par Nathalie ROGEAUX

Les Archives dépar­te­men­ta­les de la Guadeloupe dans le Grand Mémorial, par Benoît JULLIEN

Participation des Archives dépar­te­men­ta­les de la Marne au Grand Mémorial, par Isabelle HOMER

 Le projet par­ti­ci­pa­tif Testaments de poilus : entre pro­gramme scien­ti­fi­que et opé­ra­tion de média­tion, par Pauline CHARBONNIER, Mélisa LOCATELLI et Christine NOUGARET

Un tra­vail d’édition scien­ti­fi­que réa­lisé entre 2015 et mars 2017 par l’École natio­nale des char­tes et les Archives natio­na­les avait montré le grand inté­rêt, pour la recher­che en his­toire et la connais­sance des sol­dats fran­çais de la Grande Guerre et de leur état d’esprit, des tes­ta­ments de guerre olo­gra­phes dépo­sés au sein des minu­tes nota­ria­les. L’étude por­tait cepen­dant seu­le­ment sur un échantillon de tes­ta­ments, alors que le minu­tier cen­tral des notai­res de Paris et chaque ser­vice dépar­te­men­tal d’archi­ves sus­cep­ti­bles de déte­nir d’autres docu­ments de ce type. Le pro­gramme d’iden­ti­fi­ca­tion, de des­crip­tion, de numé­ri­sa­tion et d’édition struc­tu­rée en XML/TEI de ces tes­ta­ments iné­dits ne pou­vait être pour­suivi sans des moyens humains et finan­ciers sup­plé­men­tai­res. À l’ini­tia­tive de l’uni­ver­sité de Cergy-Pontoise, un par­te­na­riat s’est cons­truit, asso­ciant notam­ment l’École natio­nale des char­tes, les Archives natio­na­les et les Archives dépar­te­men­ta­les des Yvelines, qui avaient par ailleurs lancé plu­sieurs opé­ra­tions par­ti­ci­pa­ti­ves dans le cadre des com­mé­mo­ra­tions de la Grande Guerre. Les par­te­nai­res ont parié que des béné­vo­les du grand public pour­raient pro­duire ensem­ble l’édition scien­ti­fi­que struc­tu­rée des tes­ta­ments, après que ceux-ci auraient été iden­ti­fiés en salle de lec­ture par d’autres béné­vo­les accom­pa­gnés par les archi­vis­tes. Pour cela une pla­te­forme web de trans­crip­tion col­la­bo­ra­tive qui soit capa­ble de guider les béné­vo­les dans leur tra­vail sans renon­cer aux exi­gen­ces du tra­vail scien­ti­fi­que d’édition en TEI a été conçue. L’équipe projet s’est enga­gée dans des pro­ces­sus d’accom­pa­gne­ment des béné­vo­les qui dépas­sent le strict cadre du contrôle de qua­lité des trans­crip­tions sur la pla­te­forme, et qui pren­nent la forme de ren­contres, d’ate­liers et d’échanges divers, sour­ces de nou­veaux liens.

 « 1 jour-1 poilu », une épopée com­mé­mo­ra­tive citoyenne (2013-2018), par Jean-Michel GILOT

Lancé sur les réseaux sociaux à la veille du Centenaire dans le but de rele­ver un défi colos­sal – l’indexa­tion inté­grale du fichier des sol­dats morts pour la France de la Première Guerre mon­diale à l’hori­zon du 11 novem­bre 2018 –, le projet « 1 jour-1 poilu » a cons­truit pro­gres­si­ve­ment son succès par la mise en œuvre de dis­po­si­tifs inno­vants per­met­tant de sus­ci­ter l’inté­rêt des médias et de mobi­li­ser une com­mu­nauté mue par un enga­ge­ment excep­tion­nel au ser­vice de la mémoire et de l’his­toire. Tout en contri­buant à l’édification d’un immense mémo­rial numé­ri­que désor­mais ouvert aux inves­ti­ga­tions des cher­cheurs, il a permis d’ins­ti­tuer tout au long du Centenaire une forme de com­mé­mo­ra­tion citoyenne per­ma­nente qui pour­rait bien cons­ti­tuer un fait inédit dans l’his­toire.

L’impli­ca­tion des ter­ri­toi­res

Des pays et dépar­te­ments du front…

 Le Grand Centenaire 14-18 en Belgique, par Laurence VAN YPERSELE

Les com­mé­mo­ra­tions du cen­te­naire de la Première Guerre mon­diale sus­ci­tent un retour de la mémoire col­lec­tive en Belgique, comme ailleurs, qui n’est pas seu­le­ment orches­tré par un bat­tage média­ti­que sans pré­cé­dent. En effet, l’ampleur des com­mé­mo­ra­tions a dépassé toutes les pré­vi­sions. Dans cet arti­cle, on envi­sa­gera ces com­mé­mo­ra­tions à la fois au plan poli­ti­que, cog­ni­tif et com­mer­cial tant en Flandre qu’en Wallonie et à Bruxelles. On verra que si les inten­tions poli­ti­ques en Flandre et en Wallonie étaient clai­re­ment dif­fé­ren­tes, voire en ten­sion, les atten­tes du public, qu’il soit du nord ou du sud du pays, l’étaient beau­coup moins. Enfin, on inter­ro­gera la place que les his­to­riens ont pu avoir dans la pré­pa­ra­tion de ces com­mé­mo­ra­tions.

 Au ser­vice de la mémoire de la Grande Guerre, les Archives dépar­te­men­ta­les du Pas-de-Calais, par Marina HERMANT et Lionel GALLOIS

Par une déli­bé­ra­tion du 24 juin 2013, le conseil géné­ral du Pas-de-Calais a déter­miné le cadre de son enga­ge­ment pour les com­mé­mo­ra­tions de la Première Guerre mon­diale et en a confié la coor­di­na­tion et le suivi aux Archives dépar­te­men­ta­les, en lien étroit avec les autres direc­tions concer­nées. Il a par­ti­cipé, dès 2008, aux pro­gram­mes euro­péens char­gés d’y pré­pa­rer au mieux les ter­ri­toi­res : portés par des acteurs du tou­risme et de la culture, ceux-ci ont donné lieu à la concep­tion d’études, d’expo­si­tions et d’outils tou­ris­ti­ques mul­ti­lin­gues. Le dépar­te­ment a sou­tenu acti­ve­ment les pro­jets struc­tu­rants portés par la région, les col­lec­ti­vi­tés ou cer­tai­nes asso­cia­tions ; il a aussi sou­haité favo­ri­ser l’émergence des ini­tia­ti­ves loca­les, en lan­çant deux appels à pro­jets, en 2015 et 2017, qui ont permis la réa­li­sa­tion d’expo­si­tions et de pro­gram­ma­tions cultu­rel­les com­mu­na­les ou inter­com­mu­na­les, ont aidé à la créa­tion ou à la dif­fu­sion de spec­ta­cles vivants comme à l’orga­ni­sa­tion de mani­fes­ta­tions spor­ti­ves à visée mémo­rielle. Les Archives ont aussi donné nais­sance, seules ou en par­te­na­riat, à cinq nou­vel­les expo­si­tions consa­crées à la Première Guerre mon­diale, avec comme prin­ci­paux objec­tifs l’acces­si­bi­lité du contenu à tous les publics et leur iti­né­rance sur l’ensem­ble du dépar­te­ment. Le Centenaire a également permis de renou­ve­ler l’inté­rêt des ensei­gnants pour l’usage des archi­ves en classe, et d’accroî­tre ainsi le nombre des élèves reçus. Le « cœur de métier », lui-même, a été for­te­ment impacté par les com­mé­mo­ra­tions, qu’il s’agisse de la col­lecte d’archi­ves pri­vées (y com­pris dans le cadre des opé­ra­tions natio­na­les ou régio­na­les de Grande Collecte déma­té­ria­li­sée), du clas­se­ment des archi­ves des orga­nis­mes tem­po­rai­res de la Première Guerre mon­diale (1 951 mètres linéai­res trai­tés), de la numé­ri­sa­tion et de l’indexa­tion des regis­tres matri­cu­les, ou de la publi­ca­tion de « Chroniques de la Grande Guerre » sur le site Internet des Archives dépar­te­men­ta­les (548 arti­cles). La plan­ta­tion d’arbres de la paix, dans les 158 col­lè­ges et cer­tains bâti­ments dépar­te­men­taux, a enfin accom­pa­gné le cen­te­naire de la fin des com­bats et de l’armis­tice. L’impli­ca­tion des Archives dépar­te­men­ta­les dans la poli­ti­que volon­ta­riste mémo­rielle du dépar­te­ment a ainsi été par­ti­cu­liè­re­ment fruc­tueuse, y com­pris pour ses mis­sions obli­ga­toi­res, en leur appor­tant une réelle visi­bi­lité auprès du grand public. S’appuyant sur cette expé­rience de cinq années, le dépar­te­ment déve­loppe aujourd’hui l’axe ainsi défini, en confiant aux Archives la coor­di­na­tion des com­mé­mo­ra­tions du cen­te­naire de la conven­tion franco-polo­naise d’émigration et d’immi­gra­tion, signée à Varsovie le 3 sep­tem­bre 1919.

 Les écoles nor­ma­les de Douai et la Grande Guerre, par Adrien FLAMME

Le ser­vice d’archi­ves de l’uni­ver­sité de Lille (INSPE, aca­dé­mie de Lille – Hauts-de-France) conserve les docu­ments des établissements qui ont formé les ensei­gnants dans le Nord et le Pas-de-Calais depuis près de deux siè­cles. Toutes ces archi­ves sont aujourd’hui clas­sées, ce qui permet de mener des actions de valo­ri­sa­tion. Le site de for­ma­tion de Douai est très ancien : son his­toire débute avec la créa­tion de l’école nor­male d’ins­ti­tu­teurs en 1834. Afin de valo­ri­ser son his­toire, une expo­si­tion a été ima­gi­née sur le thème de la Grande Guerre par le ser­vice d’archi­ves et la biblio­thè­que uni­ver­si­taire (Douai). Toutefois, les orga­ni­sa­teurs n’ont pas sou­haité pro­po­ser une simple expo­si­tion sur le conflit : ils vou­laient évoquer l’his­toire des écoles nor­ma­les au cours de cette période. Ils ont voulu rendre l’expo­si­tion acces­si­ble à tous les âges et accueillir des clas­ses d’école pri­maire. La visite des enfants répond à la volonté de donner des pistes pour l’étude de la Grande Guerre en classe. Pour le ser­vice d’archi­ves, leur accueil était une acti­vité iné­dite. L’expo­si­tion a été un succès et illus­tre la com­plé­men­ta­rité des ser­vi­ces par­ti­ci­pants à la mani­fes­ta­tion. Pour le ser­vice d’archi­ves, il s’agit d’une plus-value non négli­gea­ble car elle lui donne une meilleure visi­bi­lité.

 Les Archives dépar­te­men­ta­les du Bas-Rhin face à l’« impos­si­ble mémoire » de la Grande Guerre en Alsace, par Anne-Lise DEPOIL et Marie-Ange DUVIGNACQ

En dépit du contexte his­to­ri­que et mémo­riel par­ti­cu­lier de l’Alsace, dont l’appar­te­nance dis­pu­tée, entre France et Allemagne, a com­plexi­fié, dès 1918, les dis­cours tenus sur la Grande Guerre, les Archives du Bas-Rhin ont dès 2013 rejoint les com­mé­mo­ra­tions fran­çai­ses du Centenaire et par­ti­cipé aux ini­tia­ti­ves natio­na­les emblé­ma­ti­ques qu’ont été les gran­des col­lec­tes et le Grand Mémorial, tout en met­tant en valeur des sour­ces alsa­cien­nes spé­ci­fi­ques – ainsi les Schul-chro­ni­ken, pré­cieu­ses pour connaî­tre la vie de l’arrière, sys­té­ma­ti­que­ment col­lec­tées et numé­ri­sées – ou peu uti­li­sées dans le reste de la France, à l’image des dos­siers d’anciens com­bat­tants, inté­grés dans le Grand Mémorial en lieu et place des regis­tres matri­cu­les. Le bilan des actions menées fait appa­raî­tre tant les spé­ci­fi­ci­tés loca­les, dont témoi­gne par exem­ple l’impor­tante cor­res­pon­dance privée, en alle­mand, entrée dans les fonds lors des gran­des col­lec­tes, que les points de conver­gence entre his­toire régio­nale et his­toire natio­nale. Si cer­tains aspects des com­mé­mo­ra­tions demeu­rent impar­faits ou appel­lent de nou­veaux tra­vaux, les Archives du Bas-Rhin ont, à leur échelle, contri­bué à la « fièvre mémo­rielle » natio­nale qui, loin d’épargner l’Alsace, a montré qu’il était aujourd’hui pos­si­ble d’y com­mé­mo­rer de façon dépas­sion­née le pre­mier conflit mon­dial.

… à ceux de l’arrière

 Du devoir de mémoire au pari sen­si­ble, par Maximillian CARTER

Les com­mé­mo­ra­tions sont une pré­ro­ga­tive de l’État et cons­ti­tuent l’outil prin­ci­pal du « devoir de mémoire ». Cette expres­sion, passée dans le lan­gage commun à partir des années 1950, ren­voie à une forme d’obli­ga­tion morale et à un exer­cice mémo­riel dont la voca­tion est avant tout cultu­relle avant d’être scien­ti­fi­que. Afin d’incar­ner l’his­toire et de com­plé­ter ce devoir de mémoire néces­saire mais par­fois pro­to­co­laire et super­fi­ciel, il convient de pro­po­ser au public, et avec le public, un « tra­vail de mémoire ». Pour ce faire, les ser­vi­ces d’archi­ves publics sont idéa­le­ment placés, grâce à leur proxi­mité et leurs com­pé­ten­ces scien­ti­fi­ques. Les Archives dépar­te­men­ta­les de la Charente ont saisi l’occa­sion des com­mé­mo­ra­tions du cen­te­naire de la Grande Guerre pour conti­nuer à explo­rer la dimen­sion sen­si­ble et émotionnelle de l’archive sans pour autant faire de conces­sion sur le contenu scien­ti­fi­que des actions pro­po­sées. Cette démar­che permet en outre d’atti­rer et de sus­ci­ter la curio­sité d’un public non initié.

 Une année de cen­te­naire dans les Bouches-du-Rhône, par Chloé LESSCHAEVE et Vivien BARRO

L’année 2018 a été un temps fort pour les Archives dépar­te­men­ta­les des Bouches-du-Rhône, qui ont contri­bué à la mise en place, à la demande de la col­lec­ti­vité, d’un grand nombre d’actions visant à célé­brer le cen­te­naire de la signa­ture de l’armis­tice, et plus lar­ge­ment la mémoire de la Grande Guerre. Les Archives ont ainsi tra­vaillé en col­la­bo­ra­tion avec de mul­ti­ples direc­tions de la col­lec­ti­vité aux­quel­les elles ont apporté leurs res­sour­ces docu­men­tai­res et leurs conseils scien­ti­fi­ques. Pour le ser­vice éducatif, cette année a été l’occa­sion de créer un ate­lier inno­vant qui a ren­contré un véri­ta­ble succès.

 Commémorer la Grande Guerre dans un dépar­te­ment de l’arrière : 14-18 dans l’Eure, à la lumière des archi­ves publi­ques et de par­cours indi­vi­duels, par Ludivine PONTE

Dans l’Eure, les com­mé­mo­ra­tions de la Première Guerre mon­diale se sont concré­ti­sées, en 2014, par une expo­si­tion iti­né­rante. Si la forme du projet n’avait en soi rien de par­ti­cu­liè­re­ment ori­gi­nal, il fal­lait que le dis­cours porté le soit : en effet, d’une part le contexte se prê­tait à la mul­ti­pli­ca­tion des expo­si­tions, émissions de télé­vi­sion, ouvra­ges sur le sujet et, d’autre part, une expo­si­tion avait déjà eu lieu en 2008. Plus pro­saï­que­ment, la ques­tion se posait de savoir ce que l’on pou­vait dire d’un dépar­te­ment de l’arrière pen­dant la guerre. Le dépouille­ment quasi sys­té­ma­ti­que des séries d’archi­ves publi­ques ainsi que, dans un second temps, des archi­ves pri­vées nous a fourni suf­fi­sam­ment de matière pour pro­duire un dis­cours enri­chi par rap­port à celui de 2008 et mon­trer que la vie à l’arrière avait pu être for­te­ment tou­chée par les événements du front. Il nous a également permis d’appro­fon­dir notre connais­sance des fonds et, à tra­vers la mise en lumière de per­son­na­ges ayant réel­le­ment existé, de mettre en avant la notion d’enquête, inhé­rente aux archi­ves. Enfin, le projet s’est révélé être un impor­tant levier de cohé­sion de l’équipe.

 Être reconnais­sant après la Grande Guerre : le rôle scien­ti­fi­que et cultu­rel des Archives dépar­te­men­ta­les de la Haute-Savoie, par Julien COPPIER et Hélène MAURIN

Dès le début de l’année 2013, le dépar­te­ment de la Haute-Savoie s’est engagé dans la com­mé­mo­ra­tion du cen­te­naire de la Grande Guerre au titre de ses poli­ti­ques cultu­relle, patri­mo­niale et mémo­rielle. Le dépar­te­ment a par­ti­cu­liè­re­ment sou­haité mettre en valeur la mémoire écrite de la Première Guerre mon­diale, à tra­vers ses archi­ves dépar­te­men­ta­les. Plusieurs pro­jets d’aide à la recher­che, de mise à dis­po­si­tion de sour­ces, de publi­ca­tions et d’expo­si­tion ont vu le jour. Les actions menées par les Archives dépar­te­men­ta­les à cette occa­sion cor­res­pon­dent à deux axes : sou­te­nir la recher­che et faire connaî­tre l’his­toire et le patri­moine écrit de la Haute-Savoie. Cet arti­cle se pro­pose d’en dres­ser un bilan.

 Les monu­ments aux morts de la Grande Guerre dans les com­mu­nes du Rhône et de la métro­pole de Lyon, par Céline CADIEU-DUMONT

Les monu­ments aux morts de la Première Guerre mon­diale font plei­ne­ment partie du pay­sage urbain, au point qu’on en oublie par­fois de les regar­der ! À partir de l’inven­taire réa­lisé par le ser­vice d’archi­ves entre 2014 et 2018 dans les com­mu­nes du Rhône et de la métro­pole de Lyon, nous pro­po­sons une lec­ture sous un angle artis­ti­que et sym­bo­li­que. Qui sont les sculp­teurs, mar­briers, archi­tec­tes qui les ont érigés ? Pourquoi le choix de tel empla­ce­ment, place publi­que ou cime­tière ? Combien ont-ils coûté ? Pourquoi les com­mu­nes ont-elles choisi un modèle sur cata­lo­gue plutôt qu’une œuvre ori­gi­nale d’un artiste lyon­nais ou pari­sien ? Les sujets connexes sont nom­breux, et notam­ment la ques­tion des enjeux de la mémoire entre­te­nue par les céré­mo­nies du 11 novem­bre ou notre capa­cité à trans­met­tre aux jeunes géné­ra­tions le goût d’une paix dura­ble.

 La mémoire dans une ville de l’arrière : le rôle des Archives muni­ci­pa­les de Lyon, par Louis FAIVRE D’ARCIER

Commémorer le cen­te­naire de la Première Guerre mon­diale n’est pas un exer­cice facile dans une grande ville située loin des ancien­nes zones de combat. Les Archives muni­ci­pa­les de Lyon ont déployé une large palette de moyens pour faire mémoire du conflit : des publi­ca­tions – papier, numé­ri­ques et audio­vi­suel­les –, des ate­liers de média­tion, deux expo­si­tions et des confé­ren­ces. De cette expé­rience peu­vent être tirés deux ensei­gne­ments majeurs : l’inté­rêt du por­tage natio­nal de l’événement, qui permet d’inno­ver loca­le­ment, et la fécondité des par­te­na­riats, qui décu­plent les moyens et la portée des pro­jets.

 L’expé­rience du cen­te­naire de la Grande Guerre aux Archives muni­ci­pa­les d’Eaubonne, par Stéphanie PERRIN

Les Archives muni­ci­pa­les d’Eaubonne ont acti­ve­ment par­ti­cipé aux com­mé­mo­ra­tions du cen­te­naire de la Grande Guerre à tra­vers l’orga­ni­sa­tion d’expo­si­tions annuel­les entre 2014 à 2018. Ces expo­si­tions com­por­taient un volet géné­ral pré­sen­tant les événements de l’année com­mé­mo­rée et un volet local à tra­vers la pré­sen­ta­tion de bio­gra­phies de poilus eau­bon­nais. L’année de clô­ture a revêtu un carac­tère plus excep­tion­nel, avec l’accueil d’un module de l’expo­si­tion « De boue et de larmes » qui pro­po­sait aux visi­teurs des vues sté­réo­sco­pi­ques de l’époque, ainsi qu’un film en 3D cons­ti­tué à partir de ces cli­chés. Un autre point fort a été l’édition d’un livre qui repre­nait l’ensem­ble des bio­gra­phies pré­sen­tées lors des cinq expo­si­tions, abon­dam­ment illus­tré de docu­ments d’archi­ves issus de nos fonds. Ces événements se sont accom­pa­gnés d’actions de média­tion cultu­relle auprès de publics qui se sont révé­lés chaque année plus diver­si­fiés : jeune public, sco­lai­res, per­son­nes âgées ou encore publics en dif­fi­culté, et d’actions de valo­ri­sa­tion telles que l’orga­ni­sa­tion d’un spec­ta­cle de lec­ture de let­tres. Nous reve­nons ici sur cette expé­rience, les par­te­na­riats qu’elle a permis de déve­lop­per et les acquis en guise de com­pé­ten­ces, de connais­sance des fonds et de visi­bi­lité pour les Archives muni­ci­pa­les.

 Commémorer la Première Guerre mon­diale : placer la struc­ture au cœur du dis­po­si­tif, par Luc-André BIARNAIS

Les com­mé­mo­ra­tions de la Première Guerre mon­diale dans le dio­cèse de Gap ont mobi­lisé son ser­vice d’archi­ves dès 2012. Le tra­vail a com­mencé par une démar­che col­la­bo­ra­tive en direc­tion des par­te­nai­res de la pro­vince ecclé­sias­ti­que de Marseille et a abouti à la publi­ca­tion numé­ri­que du Guide des sour­ces ecclé­sias­ti­ques sur la Première Guerre mon­diale pour le Sud-Est de la France. Ce docu­ment avait alors une visée scien­ti­fi­que et de com­mu­ni­ca­tion vers le grand public et les ins­ti­tu­tions. Ce guide a été abon­dam­ment uti­lisé, notam­ment pour la mise en place d’ate­liers sco­lai­res. Il a aussi été l’une des bases du mon­tage d’une expo­si­tion à l’occa­sion du 11 novem­bre 2018. Celle-ci, d’abord des­ti­née à la cathé­drale de Gap, a été pré­sen­tée sur l’ensem­ble du ter­ri­toire du dio­cèse, c’est-à-dire le dépar­te­ment des Hautes-Alpes. Un cata­lo­gue a également été publié, à la fois numé­ri­que­ment et sous format papier, réu­nis­sant le résul­tat des recher­ches et valo­ri­sant une partie du patri­moine du XXe siècle. Aujourd’hui, le tra­vail autour de cette expo­si­tion et les clas­se­ments inter­ve­nus depuis la publi­ca­tion du guide des sour­ces per­met­traient d’enri­chir celui-ci. Une col­la­bo­ra­tion avec les ser­vi­ces dio­cé­sains de l’art sacré serait sou­hai­ta­ble.

La par­ti­ci­pa­tion des gran­des ins­ti­tu­tions

 Le cen­te­naire de la Première Guerre mon­diale au Service his­to­ri­que de la Défense, par Pierre CHANCEREL et Bertrand FONCK

Dépositaire de l’énorme pro­duc­tion archi­vis­ti­que issue des ins­ti­tu­tions mili­tai­res de la Première Guerre mon­diale, le Service his­to­ri­que de la Défense (SHD) a engagé durant le Centenaire de nom­breux pro­jets visant à faci­li­ter l’accès à ces fonds, à encou­ra­ger leur exploi­ta­tion his­to­ri­que et à les faire connaî­tre à un public élargi. Le bilan de ces actions fait res­sor­tir la grande diver­sité des chan­tiers mis en œuvre et des mani­fes­ta­tions orga­ni­sées, reflets de l’orga­ni­sa­tion d’un ser­vice ins­tallé sur dix sites en France et chargé, outre ses fonc­tions pre­miè­res de ser­vice d’archi­ves du minis­tère des Armées, d’une riche biblio­thè­que, de col­lec­tions de sym­bo­li­que de défense et d’une mis­sion d’études et de recher­che en his­toire mili­taire. Au-delà des consé­quen­ces très posi­ti­ves de ces réa­li­sa­tions en matière d’entrées par voie extra­or­di­naire, de dif­fu­sion d’ins­tru­ments de recher­che, de mise en ligne de fonds numé­ri­sés ou d’opé­ra­tions de valo­ri­sa­tion, le Centenaire aura permis un ren­for­ce­ment de la coo­pé­ra­tion entre les dif­fé­rents cen­tres et dépar­te­ments du ser­vice impli­qués dans des pro­jets trans­ver­ses, ponc­tuels ou plus struc­tu­rants. Vis-à-vis de l’exté­rieur, il a accru la visi­bi­lité du SHD et a sus­cité de nou­veaux par­te­na­riats, contri­buant au déve­lop­pe­ment pérenne du rayon­ne­ment du ser­vice et de son action.

 Le cen­te­naire de 1914 à l’Assemblée natio­nale : « par­le­men­ta­risme de guerre » et mémoire du député engagé pour la défense de la patrie, par Vincent TOCANNE et Marc BÉCLÈRE

En 2014, l’Assemblée natio­nale a orga­nisé pour le Centenaire une expo­si­tion sur le « par­le­men­ta­risme de guerre » et la mémoire de l’enga­ge­ment des dépu­tés pour la défense de la patrie. Présentée dans les salles atte­nan­tes à l’hémi­cy­cle et acces­si­ble au public de juillet à décem­bre, celle-ci a été conçue de manière essen­tiel­le­ment chro­no­lo­gi­que pour faire appa­raî­tre l’émergence du « par­le­men­ta­risme de guerre » et le ren­for­ce­ment du contrôle par­le­men­taire, de 1915 à 1917, afin de ne pas lais­ser les seuls géné­raux régler les ques­tions d’ordre mili­taire au fur et à mesure que le conflit durait et que les par­le­men­tai­res de retour du front fai­saient part de leur expé­rience. Elle a rendu un hom­mage par­ti­cu­lier aux seize dépu­tés morts pour la patrie. De part et d’autre, deux espa­ces ont été dédiés, l’un à Jaurès, le « martyr de la paix », et l’autre à Clemenceau, le « père de la vic­toire ». Par ailleurs, pour péren­ni­ser « la mémoire de la mémoire », un dos­sier thé­ma­ti­que, tou­jours acces­si­ble en ligne, a été créé sur le site Internet de l’Assemblée natio­nale. Il pré­sente les prin­ci­paux éléments de l’expo­si­tion, ainsi que de nom­breux docu­ments numé­ri­sés, en par­te­na­riat avec le Sénat, les Archives natio­na­les et la Bibliothèque natio­nale de France.

 Une grande école dans les com­mé­mo­ra­tions de la Grande Guerre, par Olivier AZZOLA

L’École poly­tech­ni­que a formé trois des quatre géné­raux qui ont été à la tête de l’armée fran­çaise au cours la Grande Guerre, et envi­ron un quart de tous les géné­raux fran­çais du conflit. Environ 900 poly­tech­ni­ciens sont morts pour la France. Un siècle après ce conflit, l’iden­tité de cette école est en pleine trans­for­ma­tion par l’ouver­ture de nou­veaux cycles de for­ma­tions. Dans ce contexte, com­ment les dif­fé­rents acteurs en œuvre à l’École poly­tech­ni­que (élèves, asso­cia­tions d’anciens, direc­tion) ont-ils abordé les com­mé­mo­ra­tions du Centenaire ? Le ser­vice d’archi­ves a-t-il été sol­li­cité et com­ment a-t-il été impacté ? Au tra­vers de l’exem­ple des com­mé­mo­ra­tions, nous nous inter­ro­ge­rons donc sur le posi­tion­ne­ment des archi­ves dans les ques­tions de mémoire, d’his­toire et d’iden­tité.

 « Les ban­ques dans la Grande Guerre. Archives iné­di­tes » : retour sur une expé­rience inter­ban­caire, par Cathy DRÉVILLON et Pascal PÉNOT

En 2014, cinq établissements ban­cai­res et le Service des archi­ves économiques et finan­ciè­res se sont asso­ciés pour pro­duire une expo­si­tion sur leur his­toire et leur rôle durant la Première Guerre mon­diale « Les ban­ques dans la Grande Guerre. Archives iné­di­tes ». Comme l’indi­que son sous-titre, la coo­pé­ra­tion entre ces ser­vi­ces d’archi­ves a permis de mettre en valeur des docu­ments qui n’auraient pour la plu­part jamais trouvé l’occa­sion d’être expo­sés. Ce projet a également été mis en valeur dans les établissements par­te­nai­res et a contri­bué à la culture d’entre­prise. Organisée autour de quatre grands thèmes (finan­cer, s’adap­ter, s’entrai­der et se réin­ven­ter) l’expo­si­tion ten­dait à une appro­che glo­bale de la ques­tion, du finan­ce­ment de l’économie en temps de guerre aux pertes humai­nes et maté­riel­les des établissements en pas­sant l’essor du tra­vail des femmes et l’orga­ni­sa­tion de la soli­da­rité envers les col­la­bo­ra­teurs pri­son­niers de guerre. Elle a été inau­gu­rée en jan­vier 2015 au minis­tère de l’Économie et des Finances et a ensuite tourné au sein des dif­fé­rents établissements par­te­nai­res et dans des lieux publics. La col­la­bo­ra­tion inau­gu­rée par cette expo­si­tion a ensuite été pour­sui­vie avec le projet « Des femmes qui comp­tent ».

La dimen­sion péda­go­gi­que

 Pédagogie et Grande Guerre : l’impli­ca­tion sans pré­cé­dent des ser­vi­ces d’archi­ves, par Brigitte GUIGUENO

Le cen­te­naire de la Grande Guerre a donné lieu à un foi­son­ne­ment d’ini­tia­ti­ves péda­go­gi­ques sans pré­cé­dent : ate­liers, expo­si­tions, publi­ca­tions, spec­ta­cles, etc. Qu’elles soient in situ, en iti­né­rance ou en ligne, les pro­po­si­tions des ser­vi­ces d’archi­ves ont sus­cité des réa­li­sa­tions mul­ti­for­mes par des élèves par­fois impli­qués au-delà du cercle sco­laire et à l’aide de par­te­nai­res locaux ou trans­na­tio­naux. L’immense réser­voir de res­sour­ces qui a été créé demeu­rera exploi­ta­ble, même si se pose déjà la ques­tion de la péren­nité de cer­tains outils numé­ri­ques. Cette mobi­li­sa­tion cons­ti­tuera-t-elle une matrice pour pour­sui­vre l’action péda­go­gi­que dans les années à venir ?

 Accompagner les clas­ses au concours « Les petits artis­tes de la mémoire, le regard des enfants sur la Grande Guerre », par Élise DOSQUET

Dans le cadre des com­mé­mo­ra­tions du cen­te­naire de la Première Guerre mon­diale, les Archives muni­ci­pa­les de Cormeilles-en-Parisis conçoi­vent en 2014 deux ate­liers péda­go­gi­ques afin de faire décou­vrir aux élèves de CM2 le conflit d’un point de vue local. Le pre­mier, « Sur les traces des sol­dats cor­meillais », a pour but de retra­cer le par­cours des sol­dats dont le nom figure sur le monu­ment aux morts. Le second, « Le monu­ment aux morts de ma com­mune », permet aux élèves de décou­vrir un élément du patri­moine local sou­vent ignoré en dehors des céré­mo­nies offi­ciel­les. L’archi­viste et les asso­cia­tions d’anciens com­bat­tants s’asso­cient peu à peu afin d’inci­ter les ensei­gnants à par­ti­ci­per au concours sco­laire de l’Office natio­nal des anciens com­bat­tants et vic­ti­mes de guerre (ONACVG), « Les petits artis­tes de la mémoire, le regard des enfants sur la Grande Guerre ». Six clas­ses se sont lan­cées dans l’aven­ture depuis 2016 et ont pu béné­fi­cier de l’accom­pa­gne­ment de l’archi­viste tout au long de leur projet (docu­ments, acti­vi­tés, visi­tes, conseils, etc.). S’appuyant sur les res­sour­ces loca­les, notam­ment les fonds d’archi­ves com­mu­naux, ce concours est un for­mi­da­ble outil de pro­mo­tion des archi­ves.

 Brest à l’heure amé­ri­caine, par Xavier LAUBIE

Le Service his­to­ri­que de la Défense (SHD) de Brest s’est lar­ge­ment asso­cié en 2017 aux événements com­mé­mo­ra­tifs de l’année 1917, qui a vu l’entrée des forces amé­ri­cai­nes dans le pre­mier grand conflit mon­dial du XXe siècle. Cent ans après cet événement majeur, Brest a revécu durant toute l’année 2017 à l’heure amé­ri­caine. Le SHD de Brest a ouvert toutes ses portes pour vivre à sa manière ce grand temps com­mé­mo­ra­tif.

 Serious game Gueule d’Ange : quels publics et quels impacts ?, par Mathilde DEUVE

Le conseil dépar­te­men­tal des Yvelines s’est investi dès 2013 dans un ensem­ble de pro­jets des­ti­nés à sen­si­bi­li­ser les Yvelinois aux res­sour­ces de cette période et à les faire par­ti­ci­per à une écriture de l’his­toire et de la mémoire col­lec­tive. Gueule d’Ange est l’un des pro­jets de ce pro­gramme porté par les Archives dépar­te­men­ta­les des Yvelines. Accessible sur Internet, il s’agit d’une enquête au cours de laquelle le joueur se fami­lia­rise avec des typo­lo­gies docu­men­tai­res incontour­na­bles pour la recher­che sur cette période et des res­sour­ces essen­tiel­les. Un concours annuel ouvert à tous est orga­nisé autour du jeu pour mobi­li­ser les publics sur un temps donné et relan­cer annuel­le­ment une com­mu­ni­ca­tion autour de cet outil. Au terme des com­mé­mo­ra­tions se pose la ques­tion de l’évaluation de ce serious game. Quels ont été les joueurs ras­sem­blés au fil des années de com­mé­mo­ra­tions ? Le jeu a-t-il vrai­ment permis de tou­cher de nou­veaux publics ? Quels sont les impacts d’un tel projet, dont les effets inat­ten­dus auprès des publics, des par­te­nai­res, et en interne ? Quelles sont les pré­co­ni­sa­tions à pré­voir en amont pour l’évaluation pour ce type d’outil ?

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