Ce numéro de La Gazette des archives est composé d’une sélection d’articles issus des réflexions et débats du troisième Forum des archivistes, organisé par l’Association des archivistes français du 3 au 5 avril 2019.
Pour son grand rendez-vous trisannuel, l’AAF a retenu un thème majeur : la transparence, déclinée dans tous ses états et sous toutes ses coutures. Trois jours de conférences, de tables rondes et d’ateliers orchestrés par le comité scientifique qui ont permis aux 800 participants de s’informer, d’échanger et de débattre de cette notion essentielle pour les archivistes, mais aussi plus largement pour la société. Oui, la transparence est bien une ambition citoyenne, et les archivistes y ont un rôle de premier plan à jouer !
Nous restituons dans ce numéro un choix d’interventions autour de trois axes fédérateurs :
– Quels sont les besoins de la société civile en matière d’archives ?
– Comment l’archiviste donne-t-il accès aux archives ?
– Le droit garantit-il l’équilibre entre la transparence et la protection des autres intérêts, particulier et général ?
SOMMAIRE
– Avant-propos, par Pierre-Frédéric BRAU et Antoine MEISSONNIER
– Synthèse des réflexions du comité scientifique
En annexe : le programme du Forum des archivistes
Quels sont les besoins de la société civile en matière d’archives ?
Écrire l’histoire en toute transparence
– Guerres mondiales, guerres coloniales : des archives pour quoi faire ?, par Éric LECHEVALLIER
– Intensifying conflict by destroying archives : the case of the Truth and Reconciliation Commission of Canada, par Jennifer DEKKER
– Les archives au service de l’information du citoyen : l’expérience tunisienne, par Lamia CHAHED, Myriam FAVREAU et Hasna TRII
– Transparence en Amérique latine : devoir de mémoire et renforcement démocratique, par Grégoire CHAMPENOIS
Connaître son passé
– Retracer le passé de victimes : la gestion de l’impact émotionnel sur les archivistes, par Anouk DUNANT GONZENBACH et Pierre FLÜCKIGER
– Une communauté d’ego-consultants à la recherche de leurs dossiers d’enfant placé, par Adélaïde LALOUX
Le cas des archives LGBTQI+ et féministes
« Mes archives sont-elles queer ? » : des demandes d’archivage et de communication spécifiques aux militantes et militants féministes et queer, par Bénédicte GRAILLES
– Transparence choisie et transparence retrouvée : les fonds LGBTQI et féministes à Lyon, par Élodie HOPPE et Roméo ISARTE
– Archives LGBTQI+ en France : de la « déplacardisation » à l’autonomie, par Patrick COMOY
Comment l’archiviste donne-t-il accès aux archives ?
– Le cas de l’Ofpra : les défis de l’ouverture d’archives protégées, par Aline ANGOUSTURES et Adélaïde CHOISNET
– La pensée archivistique au sein du mouvement international pour la transparence, par James LOWRY et Céline FERNANDEZ
– Les « archives essentielles » : de la collecte généraliste à la macro-évaluation ?, par Lydiane GUEIT-MONTCHAL
– Transparence et protection : les archives Agence du Comité international de la Croix-Rouge, par Fania KHAN MOHAMMAD
Le droit garantit-il l’équilibre entre la transparence et la protection des autres intérêts, particulier et général ?
– Ouvrir les archives ? Le défi des archivistes des Trente glorieuses (1950-1980), par Marie RANQUET
– Les dérogations générales : mesures à étendre ou mesures exceptionnelles ?, par Jeanne MALLET
– Archivistes, usagers et secret-défense : principes généraux et exemples concrets, par Marion VEYSSIÈRE
– Le dossier du patient : un outil pour la recherche de la vérité ?, par Marie-Laure KERVEGANT et Aurélie LEROY-FRANGEUL
– Archivos públicos : la garantía más importante del derecho de acceso a la información, par José Guadalupe LUNA HERNÁNDEZ
RÉSUMÉS DES ARTICLES
– Avant-propos, par Pierre-Frédéric BRAU et Antoine MEISSONNIER
– Synthèse des réflexions du comité scientifique
Quels sont les besoins de la société civile en matière d’archives ?
Écrire l’histoire en toute transparence
– Guerres mondiales, guerres coloniales : des archives pour quoi faire ?, par Éric LECHEVALLIER
Si les années 1990 ont vu dans d’anciennes dictatures l’émergence des archives comme outils des processus de justice transitionnelle, l’accès donné en France aux archives des conflits contemporains est longtemps demeuré difficile. Le « retour du refoulé » autour du régime de Vichy, dans les années 1970, a enclenché un mouvement d’ouverture qui n’a trouvé son aboutissement qu’en 2015. La demande du corps social, tant de la part des historiens que de celle des victimes, apparaît comme le principal moteur de l’ouverture de ces archives. Celles de la guerre d’Algérie posent des questions similaires, auxquelles les réponses sont encore incomplètes.
– Intensifying conflict by destroying archives : the case of the Truth and Reconciliation Commission of Canada, par Jennifer DEKKER
In 2017, the Supreme Court of Canada affirmed a decision to destroy an archive of documents created by and for the Independent Assessment Process (IAP). The IAP was one of several components of the Indian Residential School Settlement Agreement. The IAP archive contains first-person narratives of abuse in residential schools, unlike most of the records housed in the National Centre for Truth and Reconciliation. This analysis concludes that in its decision, the Supreme Court of Canada prioritized individual, corrective justice over other considerations, and in doing so, robbed former students and future generations of the justice goals that characterized the Truth and Reconciliation Commission. It also failed to consider legislation in other countries that have dealt with similar ethical challenges in archiving state brutality, such as the Stasi Records Act. In Germany, the archives were preserved for future generations while maintaining personal privacy, securing the public’s right to know, and greatly reducing the potential for recurrence.
– Les archives au service de l’information du citoyen : l’expérience tunisienne, par Lamia CHAHED, Myriam FAVREAU et Hasna TRII
Suite aux mouvements de contestation survenus en 2011, la Tunisie a connu la fin du régime dictatorial de Ben Ali et l’avènement d’une République fondée sur une constitution résolument tournée vers la transparence du régime. Les réformes engagées ont conduit l’administration et les collectivités à repenser la diffusion de l’information et l’accès des citoyens aux documents administratifs. Suite au constat des difficultés des collectivités, notamment les plus récentes, à se mettre en conformité avec la nouvelle réglementation, le Centre de formation et d’appui à la décentralisation (CFAD), accompagné de la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ), qui est un organisme de coopération internationale allemand, a décidé de créer un module de formation destiné spécifiquement aux agents des collectivités en charge des archives et de leur communication. Retour sur la création de ce module de formation et de son déploiement par le CFAD.
– Transparence en Amérique latine : devoir de mémoire et renforcement démocratique, par Grégoire CHAMPENOIS
L’Amérique latine est reconnue internationalement comme un continent à l’avant-garde de l’accès à l’information publique. La Colombie a initié le mouvement en 1985 et, depuis, presque tous les pays de la région ont approuvé à des degrés différents des lois garantissant la transparence de l’information publique. Au Mexique, la loi promulguée il y a plus de quinze ans, a été reconnue par une ONG comme la première au niveau mondial en termes de droit d’accès, de procédures, de sanctions et de recours. Deux grands facteurs expliquent la mobilisation de ces pays pour la transparence et l’accès à l’information : avec le retour des démocraties en Amérique du Sud dans les années 1980, la question de l’accès des archives de la répression est devenue incontournable ; l’institutionnalisation de la transparence est aussi l’aboutissement de la lutte contre la corruption. Dans les deux cas, la mobilisation de la société civile latino-américaine a été déterminante
Connaître son passé
– Retracer le passé de victimes : la gestion de l’impact émotionnel sur les archivistes, par Anouk DUNANT GONZENBACH et Pierre FLÜCKIGER
Jusqu’au début des années 1980 en Suisse, des mesures de coercition à des fins d’assistance et de placements extra-familiaux ont été prises à l’encontre d’enfants et de jeunes. Ces enfants ont été très souvent maltraités dans les institutions ou familles d’accueil auxquelles ils avaient été confiés. Depuis quelques années, nous avons assisté à une prise de conscience de l’opinion publique, qui a amené le Parlement à adopter en 2017 une loi prévoyant que les victimes de ces placements puissent bénéficier d’une contribution de solidarité. Cette loi donne pour mission aux archives publiques de reconstituer les parcours individuels de ces personnes afin de fournir les preuves des placements. Les archivistes se retrouvent ainsi en contact avec des personnes qui cherchent à combler les trous dans leur passé et effectuent les recherches permettant d’étayer leur demande d’indemnités. Ils sont ainsi confrontés très régulièrement à des situations émotionnelles particulièrement difficiles, qui peuvent, parce qu’elles sont très fréquentes, déclencher des symptômes post-traumatiques. Le métier d’archiviste ne forme pas à la gestion de ces situations particulières. Ce retour d’expérience montre comment développer des compétences qui aident à préserver la santé à court et moyen termes des archivistes confrontés à ces situations et comment à l’avenir notre profession peut et doit s’y préparer.
– Une communauté d’ego-consultants à la recherche de leurs dossiers d’enfant placé, par Adélaïde LALOUX
Cette réflexion s’inscrit au sein d’un travail de doctorat en cours qui étudie les dossiers individuels en protection de l’enfance, sur l’ensemble de leur cycle de vie et dans plusieurs domaines de production, que ce soit dans la sphère judiciaire, administrative ou associative, de la fin des années 1970 à nos jours. Dans ce cadre, nous identifions une communauté d’ego-consultants, concept qui replace la consultation des dossiers d’enfants dans une dimension sociale. Cette notion permet d’étudier un système au sein duquel les personnes, ensemble, construisent ou reconstruisent leur identité personnelle à travers leur expérience d’accès aux dossiers. Partageant un vécu similaire qui a engendré la création d’archives les concernant pendant leur jeunesse, les individus sont liés par une fragilité commune qui les amène à échanger au sein d’un groupe. Ce dernier permet d’observer les difficultés et les déceptions rencontrées par les personnes et de comprendre les solutions mises en place pour pallier une procédure de consultation qu’elles considèrent souvent comme défaillante. C’est le témoignage d’un régime de consultation spécifique qui s’affirme et qui met en évidence des conséquences et des enjeux liés au traitement archivistique.
Le cas des archives LGBTQI+ et féministes
« Mes archives sont-elles queer ? » : des demandes d’archivage et de communication spécifiques aux militantes et militants féministes et queer, par Bénédicte GRAILLES
Entre les activistes féministes et queer et les archivistes de métier existent de nombreux malentendus, à commencer par des définitions différentes du périmètre des archives – pour les premiers, fonds documentaires, fonds d’archives et collections muséales tout à la fois, là où pour les seconds prévaut une conception résolument organique –, une appréhension contrastée de la fonction archivistique – pour les premiers, un instrument de pouvoir et d’exposition qui amène à constater, dans la lignée de Derrida, l’existence d’une violence institutionnelle exercée sur les traces que les seconds ne perçoivent pas dans la mise en œuvre de leurs pratiques professionnelles. Pour mieux appréhender les enjeux, il faut s’intéresser aux logiques d’usage des activistes : des logiques de construction identitaire personnelle et de réassurance de soi (« je suis »), des logiques de constructions identitaires collectives (« nous sommes »), des logiques d’affiliation (« nous sommes ensemble »), des logiques de visibilisation dans l’espace public (« nous existons »). C’est pourquoi la question de la maîtrise de la chaîne de sélection, de conservation et de diffusion des archives féministes et queer est centrale. L’objet de cet article, tout en insistant sur la valeur performative des archives, est de proposer de ré-examiner certains principes théoriques et pratiques des archivistes de métier. Que peuvent-ils apporter qui puisse être reçu ? Les modalités et les critères de production de l’évaluation archivistique, le mandat que l’institution archivistique affirme pour elle-même, la prise en compte de la mixité entre le personnel et le public, l’ouverture à des pratiques non expertes, la mise en œuvre de lieux ou d’événements co-construits, mais aussi la réalisation de collectes nouvelles – dépôt de capsules temporelles et enregistrement de documents « performés » – sont autant d’éléments susceptibles de réenchanter la pratique archivistique.
– Transparence choisie et transparence retrouvée : les fonds LGBTQI et féministes à Lyon, par Élodie HOPPE et Roméo ISARTE
Le questionnement récent autour des archives essentielles est particulièrement sensible lorsqu’il touche les traces de groupes sociaux marginalisés. Les groupes féministes et les communautés LGBTQI sont aujourd’hui au centre de débats de société et la demande de vérité accompagne un mouvement relativement récent de collecte institutionnelle. Faire l’histoire queer et féministe suppose de savoir où chercher. L’hypothèse serait qu’il existe bien entendu des traces mais qu’elles seraient invisibles, voire « invisibilisées » dans les archives institutionnelles. L’association Mémoires minoritaires incarne cette pratique alternative de collecte et valorisation. Son action est motivée par l’affirmation que la conservation d’archives sur les sexualités et les minorités de genre dans des institutions publiques n’est pas une pratique neutre dénuée d’effet sur la société. En écho, les archives du centre Louise Labé de l’université Lyon 2, témoignent d’une transparence retrouvée. Convergence entre militantisme et recherche, ce fonds a souffert du déclin des études qui l’ont initié. Ce retour d’expérience permet de mettre en évidence le rôle central du service d’archivage intermédiaire de l’université, jouant à plein son rôle par la coordination entre productrices du fonds, réseaux militants et institutions d’archivage définitif. Autant d’éléments qui invitent à repenser la stratégie globale de conservation, pour une meilleure transparence.
– Archives LGBTQI+ en France : de la « déplacardisation » à l’autonomie, par Patrick COMOY
Disposer d’archives est un enjeu fondamental pour les lesbiennes, gays, bi·e·s, trans, queers et intersexes. En France, l’accès et la visibilité de ces archives se heurtent pourtant, du point de vue des LGBTQI+, à deux types d’obstacles. Dans les services d’archives publics, les fonds pertinents ne sont pas largement collectés et, quand ils le sont, se heurtent aux règles et usages en vigueur : division selon le support, conservation des seules archives « d’intérêt public », absence d’outils pratiques et conceptuels pour les identifier et les valoriser. Dès lors, les LGBTQI+ revendiquent la création de lieux dédiés qu’iels géreraient de façon autonome, comme il en existe à l’étranger avec le soutien public. Ces lieux renouvellent la pratique de l’archive (collecte, conservation, consultation, etc.) au bénéfice des communautés-sources comme du grand public et des archives en général. Pourtant, elles se heurtent toujours, en France plus qu’ailleurs, à la réticence de principe des institutions publiques.
Comment l’archiviste donne-t-il accès aux archives ?
– Le cas de l’Ofpra : les défis de l’ouverture d’archives protégées, par Aline ANGOUSTURES et Adélaïde CHOISNET
L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), établissement public chargé de la protection des réfugiés en France, a été créé par la loi du 25 juillet 1952 qui dispose que ses archives sont « inviolables ». L’Ofpra a dès lors longtemps refusé leur consultation, suscitant des critiques sur ces archives « interdites » (Sonia Combe, 1994) tandis que l’obligation de confidentialité se voyait renforcée par de nouveaux textes juridiques. La décision d’ouvrir ses archives n’a été rendue possible que par la conjonction d’exceptions révélant la richesse des fonds et rendant nécessaire une équité entre chercheurs, la recherche de solutions de stockage et une politique volontariste. Enfin, la conjugaison difficile mais nécessaire entre transparence et protection conduit les archivistes à des compromis, à un travail d’interface ainsi qu’à devoir faire œuvre de pédagogie tant vis-à-vis des lecteurs qu’en interne. Reste la question de la lisibilité des archives dans un domaine administré au fil du temps par de nombreuses institutions, y compris internationales et dont les ministères et services de tutelle ont varié.
– La pensée archivistique au sein du mouvement international pour la transparence, par James LOWRY et Céline FERNANDEZ
Cet article concerne le lien entre la gestion des archives et le mouvement pour le gouvernement ouvert. Les auteurs constatent que le gouvernement ouvert démontre la valeur de la gestion des archives dans tous les domaines d’activité du secteur public. Les concepts d’archivage traditionnels peuvent renforcer l’ouverture en rendant plus robustes les ensembles de données ouvertes, grâce à la documentation sur la provenance par exemple. L’article décrit les efforts fournis pour tisser des liens entre la gestion des archives et le mouvement pour l’ouverture au Royaume-Uni et ailleurs.Enfin, les auteurs proposent que des initiatives semblables pourraient être utiles en France.
– Les « archives essentielles » : de la collecte généraliste à la macro-évaluation ?, par Lydiane GUEIT-MONTCHAL
En 2017, l’AAF a initié un mode de travail associatif, « Questions aux archivistes », destiné à bâtir une large réflexion sur des problématiques liées au métier, à ses missions et à ses valeurs. Une des questions posées était inspirée par une des propositions du rapport Nougaret de mars 2017, autour de la notion d’« archives essentielles », dont l’AAF s’est emparée bien avant qu’elle ne surgisse dans le paysage médiatique et avant la consultation « Archives pour demain ». Le rapport propose de s’appuyer sur ce concept archivistique, développé depuis une trentaine d’années, pour définir dans la pratique archivistique publique française, très en amont, le ou les périmètres relevant des « archives essentielles » : ils feraient l’objet d’une attention particulière, tandis que les autres ensembles pourraient être traités en procédures allégées. Issue des échanges ayant eu lieu pendant six mois entre les membres de l’AAF autour de cette question, cette synthèse propose un retour sur le contexte d’apparition de la notion « d’archives essentielles », puis une déclinaison des pistes de réflexion ouvertes sur le périmètre d’application envisageable (archives intermédiaires ou historiques), la méthodologie de collecte et les critères d’évaluation des documents qui en découlent, les conséquences sur les méthodes de travail avec les producteurs et la visibilité de l’archiviste.
– Transparence et protection : les archives Agence du Comité international de la Croix-Rouge, par Fania KHAN MOHAMMAD
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) conserve des archives depuis sa création en 1863. Ces archives, inaliénables et pérennes, constituent la mémoire des activités du CICR, de même que celle des victimes de conflits armés et autres situations de violence, auxquelles le CICR est venu en aide. En 1996, considérant l’intérêt exceptionnel qu’elles représentent et dans un but de transparence, le CICR a décidé d’ouvrir une partie de ses archives à la consultation publique. Cette décision a été le fait d’une démarche interne qui a eu le temps de mûrir au cours des années et a trouvé écho à l’époque. Après avoir présenté l’historique de cette démarche d’ouverture liée aux caractéristiques juridiques et génétiques de l’institution, nous étudierons le cas spécifique des archives de l’agence, qui contiennent principalement des données individuelles. Nous verrons que la volonté institutionnelle de transparence, peut se heurter en pratique à des questions légales, technologique ou encore financières. Entre les attentes du public et les limites liées au droit, au financement et aux ressources humaines, dans quelles circonstances l’archiviste accomplit-elle sa mission ?
Le droit garantit-il l’équilibre entre la transparence et la protection des autres intérêts, particulier et général ?
– Ouvrir les archives ? Le défi des archivistes des Trente glorieuses (1950-1980), par Marie RANQUET
La question de l’ouverture des archives est régulièrement le sujet de débats internes à la profession. Les délais de communicabilité ne sont pas nés d’eux-mêmes, mais sont le résultat d’une réflexion professionnelle qui n’a pas attendu leur inscription dans la loi du 3 janvier 1979. À l’occasion de la préparation du décret du 19 novembre 1970, la direction des Archives de France lance une enquête auprès des Archives départementales : elle les interroge sur les documents qui devraient, selon eux, faire l’objet de délais particuliers, et sur les délais qui devraient être appliqués. L’étude des réponses conservées révèle la diversité des sentiments des archivistes et de leurs réactions, allant de l’ouverture générale sur la plupart des documents à la fermeture de corpus parfois inattendus. La question de l’accès aux archives de la Seconde Guerre mondiale se pose dès la fin des années 1960. En 1975, à la suite de la polémique surgie à l’occasion de la parution en 1972 de l’ouvrage La France de Vichy de Robert Paxton, une nouvelle enquête est menée par la direction des Archives de France auprès des services départementaux d’archives, afin de recueillir leur avis sur une éventuelle ouverture des fonds concernant le conflit. Là encore, les positions sont partagées, et montrent la lenteur du processus ayant abouti avec les arrêtés du 29 avril 2002 et du 24 décembre 2015.
– Les dérogations générales : mesures à étendre ou mesures exceptionnelles ?, par Jeanne MALLET
Les dérogations générales sont un outil de transparence démocratique. Mises en avant par les politiques, les historiens et les différents rapports sur la communication des archives, elles sont présentées comme un levier indispensable, qu’il est nécessaire de développer. Pourtant, elles sont très peu utilisées ; seuls vingt arrêtés ont été promulgués entre 1979 et 2018 (date de rédaction de l’article). Parmi ces quelques textes, les deux tiers environ ouvrent des fonds relatifs à la Seconde Guerre mondiale. Il est en effet difficile d’identifier de grands ensembles de documents dont l’ouverture ne serait pas susceptible de porter une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi, condition indispensable du Code du patrimoine à toute ouverture par dérogation, qu’elle soit générale ou individuelle. Au final, elles sont probablement appelées à rester exceptionnelles, ce qui est loin d’être négatif. En effet, cela signifie que seuls quelques fonds sont suffisamment demandés pour faire l’objet d’une telle procédure, et que le besoin de cette procédure exceptionnelle reste limité. Cela ne signifie pas pour autant qu’aucune piste ne soit envisagée actuellement pour l’ouverture de nouveaux fonds : ainsi, le président de la République a annoncé l’ouverture par dérogation générale des archives relatives aux disparus de la guerre d’Algérie.
– Archivistes, usagers et secret-défense : principes généraux et exemples concrets, par Marion VEYSSIÈRE
L’accès aux archives publiques en France est régi par un cadre législatif et réglementaire cohérent tourné vers une politique assumée d’ouverture depuis la loi du 15 juillet 2008 relative aux archives. Pour autant, l’accès aux documents couverts par le secret de la défense nationale s’est complexifié depuis 2011 suite à une nouvelle réglementation que les Archives nationales ont pu expérimenter depuis 2013, tant dans le cadre de l’instruction des demandes individuelles de dérogation qu’à travers la mise en œuvre de l’arrêté de dérogation générale du 24 décembre 2015 portant ouverture d’archives relatives à la Seconde Guerre mondiale. Cette expérimentation, menée de manière très concrète et à grande échelle, en lien étroit avec de nombreuses administrations productrices de documents classifiés et avec d’autres services d’archives, permet aujourd’hui d’établir un certain nombre de constats et de pistes de réflexion afin de gagner en efficacité administrative et en transparence démocratique pour que la recherche puisse se poursuivre de manière sereine en France.
– Le dossier du patient : un outil pour la recherche de la vérité ?, par Marie-Laure KERVEGANT et Aurélie LEROY-FRANGEUL
Il s’agit de s’interroger sur la communication du dossier patient dans les établissements publics de santé et sur ses usages dans la recherche de la vérité. Après un rappel sur la notion de dossier patient, puis des évolutions de sa communication, différents cas de consultation du dossier patient et des personnes habilitées seront abordées. Qu’ils soient patients, ayants droit ou tiers, ils sont tous à la recherche d’une vérité, généralement pour l’application d’un droit : l’expert contrôlant l’exactitude de dires, l’assureur vérifiant s’il prend le risque d’assurer le patient ou s’il lui verse une indemnisation, une personne à la recherche de ses origines, la justice qui par sa consultation confrontera les dires du « mis en cause » ou établira les dommages subis par la victime, etc. À l’aide d’exemples croisés entre un centre hospitalier et centre hospitalier universitaire et de leurs retours d’expériences, il est présenté un éventail d’usages dont la finalité est d’établir la ou une vérité et qui n’ont, au final, que peu de rapport avec le but premier de la création et la tenue d’un dossier patient.
– Archivos públicos : la garantía más importante del derecho de acceso a la información, par José Guadalupe LUNA HERNÁNDEZ
En este artículo se explica el régimen de protección constitucional del derecho de acceso a la información pública en México, describiendo sus garantías primarias, especialmente las que se relacionan con la gestión documental, bajo la idea de que los archivos abiertos garantizan el derecho a la verdad y la vida democrática.
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