Il aura fallu plus de vingt ans aux Archives nationales pour accomplir leur mue afin d’entrer pleinement dans le XXIe siècle. Des « 40 propositions pour les archives de France » émises par Guy Braibant en 1996, elles ont, à leur niveau, retenu l’esprit : rendre les archives plus riches, plus ouvertes et mieux gérées.
Les grands chantiers d’aujourd’hui ne sont déjà plus ceux qui ont accompagné l’installation à Pierrefitte-sur-Seine. Du déploiement d’Adamant au réaménagement du quadrilatère parisien, de la recension des compétences nouvelles aux premiers projets de sciences participatives, de l’intégration au web sémantique aux expérimentations en matière de médiation pédagogique, du traitement de fonds complexes aux premiers projets de recherche partenariaux, ce numéro thématique de La Gazette des archives témoigne du dynamisme des agents à l’œuvre et ouvre le large éventail des possibles.
Utile contrechamp, deux contributions des Archives départementales rappellent que l’initiative de chantiers innovants est largement partagée et que les Archives nationales ne se questionnent et se construisent que par l’échange constant de pratiques avec le puissant réseau des archivistes français.
Ce numéro a été conjointement coordonné par Françoise Lemaire et Rosine Lheureux, chargées de la mission des partenariats scientifiques et des relations internationales aux Archives nationales.
SOMMAIRE
– Les Archives nationales : une institution en perpétuel changement, par Françoise BANAT-BERGER
– Les compétences nouvelles, les nouvelles missions, par Nicolas HOUZELOT
Les grands chantiers des Archives nationales
– L’archivistique en mode projet , par Béatrice HÉROLD
Les fonds
– La gestion des entrées aux Archives nationales, par Delphine MASSET
– De Constance à ADAMANT, les archives au cœur de la transition numérique, par Isabelle PEREZ-BASTIÉ, Martine SIN BLIMA-BARRU et Thomas VAN DE WALLE
– Transformer les métadonnées des Archives nationales en graphe de données : enjeux et premières réalisations, par Florence CLAVAUD
– Organiser un transfert massif de fonds d’archives : une opération complexe mobilisant toute une institution, par Michel MASTROLILLO
– La réimplantation des fonds du département du Moyen Âge et de l’Ancien Régime : une méthodologie adaptée à des fonds et à des locaux spécifiques, par Jean-François MOUFFLET
La conservation préventive
– Environnement climatique sur le site de Pierrefitte-sur-Seine, par Bruno BONANDRINI
– Le plan de sauvegarde des Archives nationales : la gestion des ressources humaines, par Patricia COSTE et Michel THIBAULT
Les enjeux culturels
– Le quadrilatère des Archives nationales à Paris, un site historique en mutation, par Marc NÉBOT
– Être à la hauteur de son potentiel ? Réflexion autour du projet scientifique, culturel et éducatif des Archives nationales, par Françoise LEMAIRE
– La fabrique d’une exposition, Pierre FOURNIÉ et Régis LAPASIN
– Les archives sont-elles plus qu’un conservatoire ?, par Thierry HECKMANN
Nouveaux regards, nouvelles pratiques : prendre à cœur la transmission du patrimoine
La transparence, l’ouverture
– Les archives mixtes des personnalités politiques : de la collecte à la valorisation, par Samuel GIBIAT, avec la participation d’Odile GAULTIER-VOITURIEZ
– La protection du secret de la défense nationale aux Archives nationales : retour d’expérience sur quatre années de mise en œuvre, par Violaine CHALLÉAT-FONCK et Marion VEYSSIÈRE
La diffusion
– Exposer, consulter et… réutiliser les ressources : un changement de paradigme, par Béatrice HÉROLD et Violette LÉVY
– L’innovation numérique : un cercle vertueux pour l’archivistique, par Marie-Françoise LIMON-BONNET, Jean-François MOUFFLET et Gaetano PIRAINO
– Les nouveaux outils de la diffusion scientifique, par Claire BÉCHU et Pauline BERNI
La recherche
– De la recherche de partenariats scientifiques à la recherche aux Archives nationales : transformer l’essai ?, par Rosine LHEUREUX
– La science participative sur les traces du foxing aux Archives nationales, par Malalanirina Sylvia RAKOTONIRAINY, Patricia COSTE et Michel THIBAULT
Le développement culturel
– Le mécénat aux Archives nationales, l’essor d’un outil pour financer le patrimoine et créer du lien avec l’extérieur, par Grégory TEILLET
– Expérimentation, innovation et création : l’ADN du service éducatif ?, par Annick PEGEON et Gabrielle GROSCLAUDE
– La création artistique aux Archives nationales : un espace d’expérimentation et de collaborations croisées pour un patrimoine vivant, par Anne ROUSSEAU
Conclusion
– Au miroir des territoires, médiation et innovation dans les services départementaux d’archives, Lydiane GUEIT-MONTCHAL
RÉSUMÉS DES ARTICLES
– Les Archives nationales : une institution en perpétuel changement, par Françoise BANAT-BERGER
Créées sous la Révolution française, les Archives nationales ont connu, durant ces plus de deux siècles d’existence, de nombreuses transformations depuis leur installation en 1808 dans l’hôtel de Soubise, tant en termes d’organisation, de missions, de périmètres de la collecte, ou encore de sites, avec une recherche d’espaces suffisants pour conserver les archives, ininterrompue depuis le début de leur existence. Cependant, la grande transformation structurelle de cette institution date de sa constitution en service en compétence nationale en 2006. Elle date également, pour sa reconnaissance en tant que grande institution culturelle et archivistique, du projet Pierrefitte avec l’ouverture de son nouveau centre en 2013. Toutefois, la transformation ne s’est pas arrêtée là, avec, d’une part, la fermeture imprévue d’un de ses sites (celui de Fontainebleau) et, d’autre part, les bouleversements induits par le numérique, qui forgent la nouvelle identité de l’institution.
– Les compétences nouvelles, les nouvelles missions, par Nicolas HOUZELOT
Face aux mutations de grande ampleur, les Archives nationales ont dû adapter leur gestion des ressources humaines en procédant soit à des recrutements spécifiques, soit à des adaptations fortes des missions jusqu’alors exercées. Les domaines concernés sont principalement les métiers support en lien avec la maintenance des bâtiments et les compétences dans le champ du numérique.
Les grands chantiers des Archives nationales
– L’archivistique en mode projet , par Béatrice HÉROLD
Le projet Pierrefitte, dirigé à partir de 2005 par Isabelle Neuschwander, directrice des Archives nationales, fut le cadre d’une réflexion scientifique et prospective sur les thématiques majeures visant à moderniser l’institution, selon une méthode participative et ouverte qui place l’usager au centre des attentions et qui est surtout orientée par les principes de rétablissement de la chaîne archivistique et du respect des fonds. Il a constitué le cadre de réalisation des chantiers structurants (bâtiment, fonds, système d’information, dématérialisation des instruments de recherche), présentés ci-après.
Les fonds
– La gestion des entrées aux Archives nationales, par Delphine MASSET
Pour prendre en charge des versements annuellement massifs (plus de vingt-huit kilomètres linéaires en cinq ans), les Archives nationales se sont dotées d’un service des entrées-régie des fonds (SERF), rattaché au département de la conservation et chargé de la réception logistique des entrées, de la gestion des magasins de conservation et du suivi du récolement général informatisé. Cette équipe dédiée et spécialisée, experte des normes de conservation et de manipulation et formée à la régie des fonds (traçabilité des fonds, principes de rangement sur les rayonnages, signalétiques dans les magasins) offre un gain d’efficacité et de qualité garantissant l’homogénéité des pratiques et des usages, sur une chaîne opératoire qui associe de nombreux acteurs.
– De Constance à ADAMANT, les archives au cœur de la transition numérique, par Isabelle PÉREZ-BASTIÉ, Martine SIN BLIMA-BARRU et Thomas VAN DE WALLE
Les Archives nationales traitent des archives nativement électroniques depuis les années 1980, grâce aux méthodologies mises en place dans le cadre du service Constance. Lancé en 2015, le projet ADAMANT a pour objectif de doter les Archives nationales des moyens nécessaires pour collecter, conserver et donner accès aux archives nativement numériques. Au-delà des enjeux techniques, ce projet est mené dans une démarche de transformation des Archives nationales, pour leur permettre de mieux gérer les archives numériques, mais aussi pour adapter leur organisation et leur logique de travail à l’ère du numérique. Cette démarche passe par la mise en œuvre de nombreux dispositifs associant les archivistes des Archives nationales et des Archives de France, qui évoluent en fonction de l’avancement du projet ADAMANT, mais qui placent toujours les archives au centre des réflexions et des actions menées.
– Transformer les métadonnées des Archives nationales en graphe de données : enjeux et premières réalisations, par Florence CLAVAUD
Les Archives nationales ont engagé tout récemment une réflexion visant à fixer les lignes directrices de l’évolution de leur système d’information, au cœur duquel se trouve le SI archivistique (SIA). Il est indispensable de réfléchir à la place que pourraient y avoir les technologies sémantiques. La mission référentiels a commencé à travailler sur ce sujet en 2014. Pour les métadonnées archivistiques qui sont produites par l’institution (actuellement des instruments de recherche, les notices d’autorité du référentiel des producteurs et des vocabulaires d’indexation), ce qu’il faut viser, c’est une représentation en graphe, plus claire et plus complète, pleinement contextualisée, de la réalité archivistique dans sa complexité, et une plus grande exploitabilité. Il convient tout d’abord d’élaborer un modèle conceptuel global pour ces métadonnées, qui soit centré sur les entités concernées. Le standard international Records In Contexts (RiC) en cours d’élaboration par le Conseil international des Archives en sera la base. Afin d’élaborer ce modèle et de préfigurer ces transformations, la mission référentiels mène hors du SIA, en collaboration avec d’autres services et avec des partenaires extérieurs, diverses opérations de sémantisation, de la preuve de concept au convertisseur RDF industriel, en utilisant l’ontologie RiC-O comme ontologie de référence. Elle a également commencé à enrichir, à normaliser et à convertir en RDF les référentiels et vocabulaires, qui devraient jouer un rôle essentiel à l’avenir. Finalement, quelles que soient les décisions prises sur la future architecture technique du SIA et sur la place du futur graphe de données, les travaux engagés permettront d’améliorer la qualité des métadonnées.
– Organiser un transfert massif de fonds d’archives : une opération complexe mobilisant toute une institution, par Michel MASTROLILLO
Due à un sinistre, la fermeture du site de Fontainebleau, annoncée en juin 2016, a conduit à la mise en place, en mode projet, d’une équipe de restructuration dédiée d’une quinzaine d’agents, assistés d’une experte scientifique et d’un expert technique. Les chantiers ont été menés dans un environnement très contraint (dangerosité des bâtiments) : récolement et bilan sanitaire de tous les fonds, fichier d’extraction et de réintégration, mise à jour des outils de gestion, déménagements en deux vagues. Une inondation, survenue en juillet 2015, a conduit à organiser une opération exceptionnelle de décontamination au rayon gamma. À Pierrefitte-sur-Seine, cela a avancé le lancement de l’aménagement « du différé », d’une capacité de stockage de 108 kilomètres linéaires.
– La réimplantation des fonds du département du Moyen Âge et de l’Ancien Régime : une méthodologie adaptée à des fonds et à des locaux spécifiques, par Jean-François MOUFFLET
Le transfert des archives postérieures à la Révolution française vers le site de Pierrefitte-sur-Seine a libéré des espaces dans les Grands Dépôts Louis-Philippe et Napoléon III. Cette place donne l’opportunité de regrouper les fonds d’Ancien Régime, actuellement répartis en différents endroits du quadrilatère dont certains n’offrent pas de bonnes conditions de conservation. Il faut également profiter de cette redistribution des archives anciennes pour améliorer leur conditionnement (boîtes trop étroites ou inadaptées). Un rapport sur le redéploiement des fonds anciens a exposé les choix de réimplantation, guidés à la fois par des considérations historiques mais aussi pratiques. La place disponible n’étant pas non plus extensible, il fallait que les projections soient les plus précises possible. Des outils spécifiques ont été élaborés pour déterminer l’ampleur de l’accroissement des séries après reconditionnement, puis pour calculer la place mobilisée dans les travées. Cette projection était rendue difficile par l’hétérogénéité des articles, mais aussi des espaces. Néanmoins, la projection des séries, calculée article par article, travée par travée, bien que longue, a été jugée suffisamment précise, tout en permettant d’améliorer la qualité des données du récolement.
La conservation préventive
– Environnement climatique sur le site de Pierrefitte-sur-Seine, par Bruno BONANDRINI
Ce projet, du point de vue du traitement climatique, marque une évolution importante dans le monde des archives. Il est arrivé à une période où la notion de développement durable commençait à devenir un objectif important. Les stratégies adoptées ont permis une économie d’énergie de plus de 50 %, sans rien céder sur la qualité de conservation mais en changeant profondément les critères habituels du génie climatique préconisés en conservation du papier. La conception même du bâtiment a mis en avant l’avantage de l’inertie thermique obtenue par une masse importante de béton associée à une isolation thermique par l’extérieur. Les objectifs de température et d’hygrométrie sont devenus variables suivant les saisons climatiques, mais avec des évolutions très lentes et très contrôlées par des algorithmes innovants. Les débits d’air neuf et d’air brassé ont été fortement réduits tout en conservant une efficacité importante grâce à des méthodes de diffusion issues du monde de l’industrie.
– Le plan de sauvegarde des Archives nationales : la gestion des ressources humaines, par Patricia COSTE et Michel THIBAULT
Indispensable dans tout établissement culturel, un plan de sauvegarde ne saurait exister sans une équipe d’agents volontaires, formés et encadrés. Les Archives nationales ont mis en place depuis 2014 une stratégie pour recruter des volontaires disponibles pour intervenir, en cas de sinistre, en dehors des jours et heures habituels de travail. Ces volontaires s’engagent à suivre une formation spécifique. Celle-ci, ouverte largement à tous les agents des Archives nationales qui le souhaitent, comporte à la fois des aspects théoriques, sur l’organisation mise en œuvre aux Archives nationales, et des aspects pratiques, dans le cadre d’une mise en situation. Une attention particulière est portée à la formation des coordonnateurs et chefs d’équipe chargés d’encadrer les volontaires, qui ont été invités à suivre une formation au « management en situation de crise ». L’efficacité du plan de sauvegarde repose pour beaucoup sur la cohésion de ces encadrants et sur leur capacité à se substituer, lorsqu’une situation d’urgence survient, à la chaîne hiérarchique ordinaire des Archives nationales.
Les enjeux culturels
– Le quadrilatère des Archives nationales à Paris, un site historique en mutation, par Marc NÉBOT
Le site parisien des Archives nationales est composé d’un ensemble exceptionnel : architectures et décors intérieurs des hôtels princiers du XVIIIe siècle, cours et jardins, mais aussi aménagements et mobiliers techniques réalisés au XIXe siècle dans ce qui fut l’un des premiers bâtiments d’archives européens. Ce quadrilatère est l’objet de travaux permanents pour valoriser ce patrimoine multiforme, faire cohabiter espaces de travail aux normes contemporaines et espaces de visite ouverts à tous.
– Être à la hauteur de son potentiel ? Réflexion autour du projet scientifique, culturel et éducatif des Archives nationales, par Françoise LEMAIRE
Les Archives nationales ont élaboré depuis 2013 deux PSCE, en réponse à des transformations structurelles propres ou générées par leur contexte. Cette démarche a produit une dynamique interne qui étend progressivement le mode projet et jette les bases de pratiques professionnelles partagées. Vis-à-vis de l’extérieur, elle crée des amorces solides pour construire des actions communes, notamment avec les acteurs universitaires. La dimension d’institution nationale, capable de vivifier le réseau institutionnel à hauteur de son potentiel, reste cependant à mieux exploiter à l’avenir, faisant du PSCE un outil permanent et nécessaire de questionnement en profondeur et d’indispensable prospective.
– La fabrique d’une exposition, Pierre FOURNIÉ et Régis LAPASIN
Les expositions forment un élément essentiel d’ouverture des archives au grand public. La mise en œuvre de ces parcours temporaires pose nombre de difficultés méthodologiques et techniques, mais relève d’un véritable enjeu de programmation culturelle. La réalisation de ces projets, qui s’étend souvent sur deux années, nécessite la coordination de multiples intervenants dans un calendrier contraint et en mode projet. Les acteurs principaux en sont les commissaires scientifiques et techniques, les scénographes et les entreprises prestataires. La communication comme la médiation sont indispensables au succès public de ces manifestations. La pratique, au département de l’action culturelle et éducative des Archives nationales pendant les dernières dix années permet de repérer les écueils et d’orienter les choix institutionnels.
– Les archives sont-elles plus qu’un conservatoire ?, par Thierry HECKMANN
Les Archives nationales peuvent en remontrer à chaque département sur leur histoire, tant le recours aux dossiers qui leur proviennent des administrations centrales ou des assemblées les concernent chacun, et parfois sans équivalent. L’histoire des départements profite aujourd’hui de la mise en ligne progressive de leurs sources principales, aussi peut-on avoir envie de disposer de cette manière de certains fonds des Archives nationales. Pour l’étude de la guerre de Vendée, l’initiative d’un partenariat a été prise par les Archives départementales de la Vendée, de façon à proposer en ligne des archives publiques, quel que soit leur lieu de conservation. Le rôle scientifique des Archives départementales en sort conforté et la pertinence du choix est plébiscitée par le public.
Nouveaux regards, nouvelles pratiques : prendre à cœur la transmission du patrimoine
La transparence, l’ouverture
– Les archives mixtes des personnalités politiques : de la collecte à la valorisation, par Samuel GIBIAT, avec la participation d’Odile GAULTIER-VOITURIEZ
La collecte d’archives de personnalités politiques par les Archives nationales a connu une nette accélération au cours des vingt-cinq dernières années, favorisée par l’évolution du cadre législatif et l’essor de partenariats durables. Leur spécificité ne réside pas seulement dans la définition de l’état d’homme politique, mais bien dans la relation très personnalisée que l’acteur politique établit avec son objet, source potentielle d’appropriation comme de volonté de destruction. La définition empirique d’un statut d’archives mixtes, entérinant la spécificité de fonds où dossiers publics et papiers privés interfèrent étroitement, a constitué une réponse à l’enjeu de préservation et d’accès à ces archives. À partir des années 1980, l’expertise d’archivistes en mission à la présidence de la République, à Matignon et auprès des principaux ministères, et le recours au protocole de remise, inscrit dans la loi en 2008, ont permis de normaliser l’entrée des archives des chefs de l’État et du gouvernement. La médiation d’associations d’anciens collaborateurs de personnalités politiques et le partenariat exemplaire conduit avec Sciences Po se traduisent par une collecte raisonnée de fonds de personnalités politiques et de leur cabinet, encouragée par des actions de valorisation diversifiées, allant de l’organisation de colloques à de nouveaux usages, tels que la sémantisation géolocalisée de discours lors du hackathon 2018, en passant par la publication en ligne des inventaires et de reportages photographiques après leur numérisation.
– La protection du secret de la défense nationale aux Archives nationales : retour d’expérience sur quatre années de mise en œuvre, par Violaine CHALLÉAT-FONCK et Marion VEYSSIÈRE
Depuis 2013, la direction des fonds des Archives nationales s’est engagée dans l’application de la protection du secret de la défense nationale au sein des fonds conservés sur le site de Pierrefitte-sur-Seine. Au cours de ces quatre années, les démarches effectuées dans ce domaine ont porté des fruits significatifs tant dans les relations nouées avec les administrations que dans le bilan qualitatif et quantitatif de cette mission désormais parfaitement intégrée au travail des équipes scientifiques des Archives nationales, et ce malgré les difficultés rencontrées dans l’articulation concrète entre le Code du patrimoine et l’Instruction générale interministérielle 1300 relative à la protection du secret de la défense nationale.
La diffusion
– Exposer, consulter et… réutiliser les ressources : un changement de paradigme, par Béatrice HÉROLD et Violette LÉVY
Dans le cadre du projet Pierrefitte, les Archives nationales ont franchi une étape considérable de leur modernisation avec l’exposition dans une salle des inventaires virtuelle de la plus grande part de leurs inventaires, harmonisés en XML-EAD, et une première version de leur référentiel producteur en XML-EAC. Après l’exposition des ressources, la marche suivante conduit vers le web sémantique, qui nécessite l’introduction d’identifiants internationaux afin de permettre leur alignement avec les ressources d’autres institutions, et une évolution de format à envisager vers le modèle conceptuel Records in Contexts. Dans le cadre de l’open data, la trajectoire des Archives nationales se poursuit pour passer d’une offre de consultation à une offre de réutilisation, tant des métadonnées que des données nativement numériques.
– L’innovation numérique : un cercle vertueux pour l’archivistique, par Marie-Françoise LIMON-BONNET, Jean-François MOUFFLET et Gaetano PIRAINO
Le monde des archives a toujours suivi de près les développements numériques pour s’intégrer dans la société que nous connaissons aujourd’hui, où l’information est produite directement sous forme numérique et circule par les réseaux informatiques. La numérisation de nos ressources a touché aussi bien les informations descriptives des archives que les documents eux-mêmes, reproduits par photographie numérique. Ces ressources ont été rapidement mises à disposition sur Internet, dont l’évolution a aussi eu des répercussions sur les modalités de consultation et d’utilisation des archives : à l’accès « statique », se sont ajoutés les usages du Web 2.0 avec l’enrichissement des contenus par le public ; aujourd’hui résonnent les sirènes des humanités numériques et du linked data, qui nous rappelle l’impérieuse nécessité de l’indexation et la mise au point de référentiels partagés. La tendance n’est plus seulement au signalement des ressources par les métadonnées, mais aussi à l’exploitation du contenu des documents, comme le montrent les projets de transcription collaborative ou encore la reconnaissance des écritures manuscrites. L’archivistique intègre ces avancées, et les deux articles en donneront des exemples, qui ne remettent pas en cause les fondamentaux du métier, mais en rappellent au contraire le haut niveau d’exigence.
– Les nouveaux outils de la diffusion scientifique, par Claire BÉCHU et Pauline BERNI
En s’appropriant les nouveaux moyens technologiques pour développer des modes de connaissance diversifiés, les Archives nationales ont fait de la diffusion scientifique le nouveau dernier maillon de la chaîne archivistique. La mise en ligne des instruments de recherche, le recours aux éditions électroniques, la création de plusieurs rubriques sur leur site Internet mettant en valeur les diverses actions scientifiques, la participation à l’enrichissement de l’encyclopédie Wikipédia, la publication régulière d’un journal et d’une newsletter et, enfin, l’utilisation assidue des réseaux sociaux sont les vecteurs de cette diffusion qui ne demande qu’à se développer davantage.
La recherche
– De la recherche de partenariats scientifiques à la recherche aux Archives nationales : transformer l’essai ?, par Rosine LHEUREUX
En huit ans, les Archives nationales ont construit un réseau partenarial interdisciplinaire solide, en prenant place aux côtés des nouveaux acteurs de la recherche tout en renforçant leurs collaborations traditionnelles. Elles se sont adaptées à la conduite et au partage de projets de plus en plus complexes qui entraînent parfois leurs porteurs hors de leur cœur de métier et dans lesquels peuvent se trouver engagés des acteurs non académiques, défrichant avec leurs partenaires de nouveaux champs de recherche. Ce bilan, qui témoigne de leur maturité, conduit à envisager le développement d’une fonction recherche en leur sein comme une ambition réaliste et à poser quelques jalons de ce qu’elle pourrait être.
– La science participative sur les traces du foxing aux Archives nationales, par Malalanirina Sylvia RAKOTONIRAINY, Patricia COSTE et Michel THIBAULT
Le foxing biologique, c’est-à-dire la présence sur le papier de taches de couleur jaunâtre à rousse, est un phénomène courant. Si la présence dans ces taches d’éléments fongiques est avérée, leur rôle dans l’apparition du phénomène reste très mal connu. À l’initiative du centre de recherche sur la conservation, les Archives nationales ont sollicité leurs lecteurs pour participer à une enquête sur la prévalence du foxing : pendant deux semaines, ils ont été invités à répondre, pour chaque article consulté, à un questionnaire simple. De nombreux lecteurs se sont prêtés au jeu et plus de mille trois cents questionnaires ont été remplis. Les dates des documents consultés confirment les centres d’intérêt des lecteurs des Archives nationales, avec une sur-représentation des décennies 1770 à 1830 et 1930 à 1970. De 1650 à 1850, la proportion de réponses positives est d’une remarquable constance, entre 38 et 46 %. Ce taux baisse ensuite, pour s’effondrer à partir de 1890. Ces résultats conduisent à s’interroger sur un lien éventuel entre les techniques de fabrication du papier et la prévalence du foxing. Sans cet exercice de « science participative », mener en deux semaines une enquête portant sur plus de mille articles aurait été impossible.
Le développement culturel
– Le mécénat aux Archives nationales, l’essor d’un outil pour financer le patrimoine et créer du lien avec l’extérieur, par Grégory TEILLET
Le mécénat, qui existe depuis l’Antiquité et qui se définit comme un soutien matériel privé en faveur de l’intérêt général, est en plein essor aux Archives nationales. Il y est au service de deux grands axes : les missions premières de l’institution, qui sont de collecter, classer, conserver, valoriser et communiquer les archives de l’État, et la sauvegarde du patrimoine immobilier et mobilier du site de Paris des Archives nationales, en ne se substituant jamais aux financements publics. Le mécénat est en effet utilisé à la seule réalisation de projets qui ne verraient pas le jour sans lui, ce qui permet d’établir un vrai dialogue avec les mécènes, de construire avec eux un partenariat sur le long terme, et d’ouvrir les Archives nationales à de nouveaux réseaux dans un climat de confiance.
– Expérimentation, innovation et création : l’ADN du service éducatif ?, par Annick PEGEON et Gabrielle GROSCLAUDE
Depuis sa création dans les années cinquante, le Service éducatif des Archives nationales s’est inscrit comme un lieu d’innovations pédagogiques. Avec l’ouverture de Pierrefitte-sur-Seine, de nouveaux défis se sont imposés : développement de médiations vers un public élargi, démarches innovantes pour répondre aux enjeux contemporains du développement culturel du territoire et renouvellement des approches pédagogiques face à l’enjeu que constitue l’omniprésence du numérique.
– La création artistique aux Archives nationales : un espace d’expérimentation et de collaborations croisées pour un patrimoine vivant, par Anne ROUSSEAU
Les Archives nationales se sont emparées de la création artistique pour développer une programmation artistique et culturelle inscrite depuis 2013 dans leur projet scientifique culturel et éducatif. Elle est fondée sur la rencontre entre un artiste et l’institution autour d’un sujet commun pouvant toucher aussi bien à des faits historiques qu’à des éléments liés à l’archive tels que la mémoire, la trace, le rapport au temps, etc. Elle permet une entrée détournée dans l’archive pour contribuer à proposer une approche du patrimoine en prise avec son temps et participer au renouvellement des publics. Elle offre aux artistes un vaste espace d’appropriation de l’archive duquel émergent des projets de formes inédites. Cette diversité est aussi rendue possible par un réseau d’acteurs culturels avec lesquels les projets artistiques sont mis en œuvre et qui par leurs collaborations contribuent à nourrir le dialogue entre création et patrimoine.
Conclusion
– Au miroir des territoires, médiation et innovation dans les services départementaux d’archives, Lydiane GUEIT-MONTCHAL
Le recours aux technologies numériques et aux pratiques innovantes dans le domaine de la médiation offre aux services d’archives de nouvelles possibilités de valoriser leurs fonds. Quelques exemples récents mis en œuvre dans les Archives départementales permettent de mesurer l’apport de ces outils et les conditions de réussite des projets qu’ils sous-tendent.