La Gazette des archives n°271

Archives en communs : commun, open data et archives

Rédaction de la Gazette des archives   vendredi 15 novembre 2024
  • Imprimer

Pour les archi­vis­tes et la com­mu­nauté natio­nale, il ne fait aucun doute que les archi­ves sont des biens com­muns. Pour autant, sont-elles des com­muns au sens de la théo­rie des com­muns, à savoir qu’il n’y a pas de com­muns sans gou­ver­nance col­lec­tive et équitable ?

Au-delà des défi­ni­tions, les coor­di­na­teurs ont aussi sup­posé que les pra­ti­ques des com­muns pour­raient influen­cer les pra­ti­ques archi­vis­ti­ques. En d’autres termes, en quoi les archi­ves com­mu­nau­tai­res sont-elles révé­la­tri­ces de la dis­tance entre biens com­muns et com­muns ? Suffit-il de mettre les archi­ves à dis­po­si­tion de toutes et tous, de per­met­tre leur réu­ti­li­sa­tion en open data pour en faire des com­muns ? Une gou­ver­nance des archi­ves publi­ques en tant que com­muns est-elle envi­sa­gea­ble ou même sou­hai­ta­ble ?

Open data, wiki­data, archi­ves par­ti­ci­pa­ti­ves, pra­ti­ques, com­mu­nau­tai­res et cahiers citoyens illus­trent la diver­sité des appro­ches et réflexions pour répon­dre de façon sti­mu­lante à ces ques­tions. Par les contri­bu­tions d’auteurs de dif­fé­rents champs scien­ti­fi­ques et pro­fes­sion­nels, ce numéro de La Gazette des archi­ves explore ainsi les archi­ves sous l’angle des com­muns, en sai­sis­sant ces der­niers comme levier pour réex­plo­rer les pra­ti­ques archi­vis­ti­ques et poser la ques­tion de leur évolution.

Ce numéro a été piloté par Céline Guyon, Maîtresse de confé­ren­ces à l’ENSSIB et co-res­pon­sa­ble du master Archives Numériques (ARN), Valérie Larroche, Maîtresse de confé­ren­ces en scien­ces de l’infor­ma­tion com­mu­ni­ca­tion à L’ENSSIB, et Cyril Longin, Directeur des Archives dépar­te­men­ta­les de la Vendée.


SOMMAIRE

INTRODUCTION
Céline GUYON, Valérie LARROCHE et Cyril LONGIN

RELATIONS DE LA PROFESSION À L’OPEN DATA ET AU COMMUN : ÉTAT DE L’ART

  Archives et open data  : quinze ans d’évolutions et d’inte­rac­tions, par Anne-Laure DONZEL
En 2016, le terme « donnée » était intro­duit dans la défi­ni­tion des archi­ves à l’arti­cle L211-1 du Code du patri­moine ; archi­ves et don­nées deve­naient liées et ne pou­vaient plus s’igno­rer. La même année, la Loi pour une République numé­ri­que était pro­mul­guée, enté­ri­nant, entre autres, le prin­cipe d’ouver­ture des don­nées publi­ques en France (open data). Les archi­vis­tes se sont inté­res­sés très tôt à cette notion, les archi­ves et l’open data étant deux bran­ches du droit d’accès avec de forts enjeux sur la réu­ti­li­sa­tion des infor­ma­tions publi­ques. Au-delà du simple inté­rêt sus­cité, quel a été l’impact de l’open data dans la pra­ti­que archi­vis­ti­que fran­çaise ? Après une dizaine d’années d’expé­rien­ces, de pra­ti­ques, d’incer­ti­tu­des et aussi d’échecs, il convient de reve­nir sur les liens entre open data et archi­ves. Entre cons­tat et pros­pec­tive, cet arti­cle dres­sera un his­to­ri­que de ces liens, puis il ana­ly­sera les rai­sons de ce bilan et enfin, il pro­po­sera des pistes d’action pour le futur.

  Archives and open data : fif­teen years of deve­lop­ments and inte­rac­tions (English ver­sion)
In 2016, the term data was intro­du­ced into the French juri­di­cal defi­ni­tion of archi­ves, archi­ves and data were linked and could no longer be igno­red. The same year, France pro­mul­ga­ted a law for digi­tal, which include, among other things, the prin­ci­ple of open data by default. French archi­vists were invol­ved in this concept, mainly with the right of access and major impli­ca­tions for the re-use of public infor­ma­tion. What has been the impact of open data on French archi­val theory ? After a decade of expe­ri­ments, prac­ti­ces, dif­fi­culties and fai­lu­res, we need to look again at the links bet­ween open data and archi­ves. This arti­cle embra­ces the his­tory of these links, ana­ly­zes the rea­sons for this assess­ment and, finally, sug­gests pos­si­ble cour­ses of action for the future.

  Les don­nées liées, Wikidata et les archi­ves : une oppor­tu­nité de contri­bu­tion aux com­muns numé­ri­ques, par Baptiste DE COULON
Les archi­vis­tes explo­rent depuis plu­sieurs années le poten­tiel de la pla­te­forme par­ti­ci­pa­tive en ligne Wikidata pour donner une visi­bi­lité aux ensem­bles de docu­ments d’archi­ves qu’elles et ils conser­vent. Cet arti­cle pro­pose de faire un résumé de ces tra­vaux et d’en tirer un bilan. Wikidata est, confor­mé­ment à la phi­lo­so­phie de la Wikimedia Fondation qui la gère, un outil géné­ra­liste, ouvert à toutes et tous. Y par­ti­ci­per permet aux archi­vis­tes de dépas­ser les logi­ques ins­ti­tu­tion­nel­les pour contri­buer à la cons­ti­tu­tion d’un nou­veau commun numé­ri­que. Par ailleurs, Wikidata uti­lise le modèle des don­nées liées ouver­tes. En ce sens, son uti­li­sa­tion cons­ti­tue une très bonne intro­duc­tion à ces nou­vel­les tech­ni­ques qui sont au coeur de la récente et nou­velle norme de des­crip­tion archi­vis­ti­que Records in Contexts.

  Linked data, Wikidata and archi­ves : situa­tion update (English ver­sion)
For seve­ral years now, archi­vists have been explo­ring the poten­tial of the par­ti­ci­pa­tory online plat­form Wikidata to give visi­bi­lity to the col­lec­tions of archi­val docu­ments they pre­serve. This arti­cle sum­ma­ri­zes and asses­ses this work. In kee­ping with the phi­lo­so­phy of the Wikimedia Foundation, which mana­ges it, Wikidata is a gene­ra­list tool, open to all. Participating in it ena­bles archi­vists to go beyond ins­ti­tu­tio­nal logics and contri­bute to the crea­tion of a new digi­tal com­mons. Wikidata also uses the open linked data model. In this sense, its use is an excel­lent intro­duc­tion to the new tech­ni­ques at the heart of the recent Records in Contexts stan­dard for archi­val des­crip­tion.

  Entretien croise. Les archi­ves col­la­bo­ra­ti­ves aux Archives de la Vendée : entre com­mu­nauté et commun ?, par Jean ARTARIT, Thierry HECKMANN et Cyril LONGIN
Les Archives dépar­te­men­ta­les de la Vendée mènent depuis plus de 15 ans une poli­ti­que col­la­bo­ra­tive iné­dite dans son enver­gure mais également dans sa gou­ver­nance. Fruit de l’ini­tia­tive d’un par­ti­cu­lier, la base de don­nées Noms de Vendée est admi­nis­trée col­lé­gia­le­ment entre le Département et des admi­nis­tra­teurs béné­vo­les. Son succès repose sur la sou­plesse et l’écoute des Archives vis-à-vis du citoyen-cher­cheur, sans cher­cher à le contrô­ler mais plutôt à l’accom­pa­gner. Plus qu’un commun, cet outil s’appa­rente davan­tage à un commun numé­ri­que dont les Archives fon­dent la légi­ti­mité.

  Collaborative archi­ves at the Archives de la Vendée. Between com­mu­nity and common ? (English ver­sion)
For over 15 years, the Archives dépar­te­men­ta­les de la Vendée has been pur­suing a col­la­bo­ra­tive policy that is unpre­ce­den­ted in its scope, but also in its gover­nance. The result of a pri­vate ini­tia­tive, the Noms de Vendée data­base is admi­nis­te­red col­le­gially by the Département and volun­teer admi­nis­tra­tors. Its suc­cess is based on the flexi­bi­lity and atten­ti­ve­ness of the Archives towards the citi­zen-resear­cher, without see­king to control him but rather to accom­pany him. More than a common resource, this tool is more akin to a digi­tal com­mons, whose legi­ti­macy is foun­ded on the Archives.

REPENSER LES PRATIQUES ARCHIVISTIQUES À L’AUNE DES COMMUNS

  Faire des archi­ves des com­muns, un phé­no­mène récent mais dis­pa­rate, par Julien BENEDETTI
Nous sommes uti­li­sa­teurs, sou­vent quo­ti­diens, de l’ency­clo­pé­die Wikipédia ou des cartes
d’OpenStreetMap, sans savoir que ceux-ci cons­ti­tuent des com­muns. La notion de com­muns est désor­mais ancienne mais le domaine du numé­ri­que lui a donné un écho plus large. C’est d’ailleurs le lien entre com­muns et open data qu’ana­ly­sent Valérie Larroche et Marie-France Peyrelong à tra­vers l’arti­cle que les coor­don­na­teurs de ce volume m’ont donné comme point de départ. L’arti­cle sera l’occa­sion d’ini­tier une réflexion sur les com­muns et les archi­ves.
Cet arti­cle ne cher­chera pas à établir si les archi­ves sont des com­muns, mais de quelle façon les archi­vis­tes doi­vent repen­ser leurs pra­ti­ques afin de fonder les archi­ves comme com­muns.
Nous com­men­ce­rons assez natu­rel­le­ment par défi­nir la nature des com­muns. Une impor­tante lit­té­ra­ture permet de défi­nir, par­fois de façons dif­fé­ren­tes, la notion de com­muns. Pour autant, nous ver­rons qu’il est pos­si­ble de déga­ger un consen­sus de cri­tè­res pour la défi­nir. Nous déve­lop­pe­rons ensuite les éléments qui lient ou éloignent la notion d’archi­ves, au sens patri­mo­nial, des com­muns. Au regard de l’arti­cle de Larroche et Peyrelong, nous pour­rons ana­ly­ser les simi­li­tu­des de l’open data et de l’archive, et en rico­chet, nous en ins­pi­rer pour une appro­che de l’archive comme com­muns. Enfin, il sera pro­posé, en conclu­sion, des pistes de ter­rains à étudier afin de confron­ter au sein de cen­tres d’archi­ves mes pre­miè­res pro­po­si­tions.

  Making archi­ves of the com­mons (English ver­sion)
Many of us are eve­ry­day users of the Wikipedia ency­clo­pae­dia or OpenStreetMap maps, without kno­wing that these are com­mons. The notion of the com­mons is an old one, but the digi­tal age has given it a much broa­der mea­ning. It is the link bet­ween the com­mons and open data that Valérie Larroche and Marie-France Peyrelong ana­lyse in the arti­cle that the coor­di­na­tors of this volume have given me as a star­ting point. The arti­cle will pro­vide an oppor­tu­nity to start thin­king about the com­mons and archi­ves.
This arti­cle will not seek to esta­blish whe­ther archi­ves are com­mons, but how archi­vists should rethink their prac­ti­ces in order to esta­blish archi­ves as com­mons.
We will begin quite natu­rally by defi­ning the nature of the com­mons. A large body of lite­ra­ture defi­nes the notion of the com­mons, some­ti­mes in dif­fe­rent ways. However, we will see that it is pos­si­ble to iden­tify a consen­sus of cri­te­ria for defi­ning the com­mons. We will then deve­lop the ele­ments that link or dis­tance the notion of archi­ves, in the heri­tage sense, from the com­mons. In the light of Larroche and Peyrelong’s arti­cle, we will be able to ana­lyse the simi­la­ri­ties bet­ween open data and the archive, and in turn draw ins­pi­ra­tion from them for an approach to the archive as com­mons. Finally, in conclu­sion, we will sug­gest pos­si­ble areas for study, so that we can test our ini­tial pro­po­sals in archive cen­tres.

  Présences invi­si­bles : les archi­ves de com­mu­nauté au Québec, par Annaëlle WINAND
Depuis les années 2010, les archi­ves de com­mu­nauté ont pris une place crois­sante dans les réflexions archi­vis­ti­ques, sur­tout dans le monde anglo­phone. Souvent moti­vées par l’échec des ins­ti­tu­tions tra­di­tion­nel­les à repré­sen­ter fidè­le­ment toutes les his­toi­res de la société, ces ini­tia­ti­ves per­met­tent à dif­fé­ren­tes com­mu­nau­tés de docu­men­ter leur his­toire et mémoire par elles-mêmes. Elles sont également l’occa­sion pour les archi­vis­tes d’enta­mer des réflexions cri­ti­ques sur les lacu­nes dans les archi­ves, les biais archi­vis­ti­ques, ainsi que le rôle qu’iels jouent dans ces pro­ces­sus. Malgré son impor­tance, ce concept n’est tou­te­fois pas encore véri­ta­ble­ment inté­gré aux réflexions archi­vis­ti­ques domi­nan­tes au Québec fran­co­phone. Bien que plu­sieurs ini­tia­ti­ves qué­bé­coi­ses pour­raient être iden­ti­fiées comme archi­ves de com­mu­nauté, elles res­tent sou­vent absen­tes des réflexions dis­ci­pli­nai­res. Cette invi­si­bi­lité par­ti­cipe d’une méconnais­sance plus large du pay­sage archi­vis­ti­que qué­bé­cois, en ce qui concerne les archi­ves autres que publi­ques. Représentant selon une esti­ma­tion plus de 90 % des cen­tres et des ser­vi­ces d’archi­ves de la pro­vince, celles-ci res­tent tou­te­fois peu étudiées et défi­nies. À partir de ces déca­la­ges entre dif­fé­ren­tes réa­li­tés archi­vis­ti­ques, cet arti­cle sou­lève la ques­tion de la défi­ni­tion des archi­ves de com­mu­nauté tout autant qu’il invite à une explo­ra­tion du pay­sage archi­vis­ti­que qué­bé­cois à tra­vers divers exem­ples.

  Invisible pre­sen­ces : com­mu­nity archi­ves in Quebec (English ver­sion)
Since the 2010s, com­mu­nity archi­ves have become an increa­sin­gly impor­tant part of archi­val thin­king, espe­cially in the English-spea­king world. Often moti­va­ted by the fai­lure of tra­di­tio­nal ins­ti­tu­tions to accu­ra­tely repre­sent all of society’s his­to­ries, these ini­tia­ti­ves enable com­mu­ni­ties to docu­ment their own his­tory and memory. They are also an oppor­tu­nity for archi­vists to reflect cri­ti­cally on gaps in the archi­ves, archi­val biases, and the role they play in these pro­ces­ses. Despite its impor­tance, howe­ver, the concept has yet to be fully inte­gra­ted into mains­tream archi­val theory in French-spea­king Quebec. Although many ini­tia­ti­ves in Quebec could be iden­ti­fied as com­mu­nity archi­ves, they often remain absent from dis­ci­pli­nary thin­king. This invi­si­bi­lity is part of a broa­der misun­ders­tan­ding of the Quebec archi­val land­scape when it comes to non-public archi­ves. According to one esti­mate, they account for over 90% of the pro­vince’s archi­val cen­ters and ser­vi­ces, yet they remain little stu­died or defi­ned. Based on these dis­cre­pan­cies bet­ween dif­fe­rent archi­val rea­li­ties, this arti­cle raises the ques­tion of defi­ning com­mu­nity archi­ves, as well as invi­ting us to explore the Quebec archi­val land­scape through various exam­ples.

  Les deve­nirs poli­ti­ques de l’archive au prisme des com­muns, par Sylvia FREDRIKSSON
Entre jan­vier et mars 2019, après deux mois de crise sociale, d’occu­pa­tion des ronds-points et de pro­tes­ta­tion dans toute la France, plus d’un mil­lion de fran­çais par­ti­ci­pent aux cahiers de doléan­ces en rédi­geant idées et reven­di­ca­tions. Alors que les Archives, en tant qu’Institution, sont dépo­si­tai­res de ce « trésor natio­nal », de nom­breux col­lec­tifs en appel­lent à s’orga­ni­ser pour faire de ces res­sour­ces le socle de pro­ces­sus démo­cra­ti­ques et d’un agenda poli­ti­que à cons­truire col­lec­ti­ve­ment.
Dans ce contexte, cet arti­cle pro­pose d’envi­sa­ger les doléan­ces en tant que « commun démo­cra­ti­que ». D’une part, les doléan­ces peu­vent être pen­sées en tant que bien commun, c’est-à-dire en tant que res­sour­ces admi­nis­trées col­lec­ti­ve­ment du point de vue de leur acces­si­bi­lité, ainsi que le réclame les ini­tia­teurs de l’Appel de Guise. D’autre part, il s’agit de consi­dé­rer comme des com­muns les espa­ces d’expé­ri­men­ta­tion poli­ti­que qui peu­vent se former « en pra­ti­ques » autour de ces res­sour­ces.
Partant de cette hypo­thèse, cet arti­cle montre dans un pre­mier temps les trans­for­ma­tions à l’oeuvre des pra­ti­ques archi­vis­ti­ques, et la manière dont celles-ci jouent un rôle de plus en plus essen­tiel dans nos socié­tés en tant que pra­ti­ques socia­les. Dans un second temps, cet arti­cle tente de mon­trer le conti­nuum entre ces pra­ti­ques et la culture des com­muns qui se réac­ti­vent en France depuis le prix Nobel d’Elinor Ostrom en 2009.
En dres­sant ce conti­nuum, l’autrice pose le pos­tu­lat que des formes de par­te­na­riats public­com­muns pour­raient émerger dans ce moment poli­ti­que que cons­ti­tuent les doléan­ces. Elle intro­duit la pos­si­bi­lité que les Archives puis­sent deve­nir des lieux d’émergence de praxis ins­ti­tuan­tes et ter­ri­to­ria­li­sées par la réac­ti­va­tion de pro­ces­sus démo­cra­ti­ques admi­nis­trés en com­muns.

  The poli­ti­cal future of archi­ves through the prism of the com­mons (English ver­sion)
Between January and March 2019, after two months of social crisis, occu­pa­tion and pro­tests throu­ghout France, more than a mil­lion French people par­ti­ci­pa­ted in "the regis­ters of grie­van­ces" by wri­ting down ideas and demands. While the Archives, as an Institution, are depo­si­to­ries of this "natio­nal trea­sure", many col­lec­ti­ves are cal­ling on orga­ni­za­tions to make these resour­ces the basis of demo­cra­tic pro­ces­ses and a poli­ti­cal agenda to be built col­lec­ti­vely. In this context, this arti­cle pro­po­ses to consi­der grie­van­ces as a "demo­cra­tic common". On the one hand, grie­van­ces can be thought of as a common good, that is to say as resour­ces admi­nis­te­red col­lec­ti­vely from the point of view of their acces­si­bi­lity, as the "Appel de Guise" 128 (Guise Appeal) calls for. On the other hand, it is a ques­tion of consi­de­ring as com­mons the spaces of poli­ti­cal expe­ri­men­ta­tion which can be formed “in prac­tice” around these resour­ces. Based on this hypo­the­sis, this arti­cle first shows the trans­for­ma­tions taking place in archi­val prac­ti­ces, and the way in which they play an increa­sin­gly essen­tial role in our socie­ties as social prac­ti­ces. Secondly, this arti­cle attempts to show the conti­nuum bet­ween these prac­ti­ces and the culture of the com­mons which has been reac­ti­va­ted in France since Elinor Ostrom’s Nobel Prize in 2009.
By esta­bli­shing this conti­nuum, the author pos­tu­la­tes that forms of public-common part­ner­ships could emerge through the poli­ti­cal moment that the grie­van­ces cons­ti­tute. She intro­du­ces the pos­si­bi­lity that Archives could become places of emer­gence of ins­ti­tu­ting and ter­ri­to­ria­li­zed praxis through the reac­ti­va­tion of demo­cra­tic pro­ces­ses admi­nis­te­red in common.

DÉBAT. CAHIERS CITOYENS : DE L’INTENTION DES COMMUNS À LA VOLONTÉ POLITIQUE

  Que faire des cahiers de doléan­ces ? Eclairer les débats sur la mise en ligne à l’aune des recher­ches aca­dé­mi­ques et citoyen­nes, par Magali DELLA SUDDA
En juin 2024, une réso­lu­tion trans­par­ti­sane est dépo­sée à l’Assemblée natio­nale pour faci­li­ter la publi­ca­tion en ligne et en OpenAccess des « Cahiers de doléan­ces ». Ces termes recou­vrent dif­fé­rents types de regis­tres : les « cahiers de doléan­ces des ronds-points » ouverts dans les lieux d’action des Gilets jaunes pour rendre intel­li­gi­bles les deman­des ; les regis­tres ouverts dans les Mairies lors de l’opé­ra­tion « Mairie ouverte » en décem­bre 2018 ; enfin les « Cahiers citoyens et d’expres­sion libre » inté­grés dans le dis­po­si­tif du « Grand débat natio­nal » entre jan­vier et février 2019. Le Chef de l’Etat avait promis un accès en ligne à ces contri­bu­tions. L’arti­cle exa­mine la manière dont la publi­cité des contri­bu­tions a été portée dans le débat public, il rend compte des réa­li­tés juri­di­ques et tech­ni­ques qui enca­drent la com­mu­ni­ca­tion et montre l’inté­rêt de ces docu­ments pour la recher­che et la vie démo­cra­ti­que. Il conclut sur la per­ti­nence d’une consul­ta­tion des dif­fé­rents Cahiers de doléan­ces aux Archives dépar­te­men­ta­les.

  What to do with the cahiers des doléan­ces ? Shedding light on deba­tes on put­ting online in the light of aca­de­mic and citi­zen research (English ver­sion)
In June 2024, a trans­par­ti­san reso­lu­tion was tabled at the National Assembly to faci­li­tate the online and OpenAccess publi­ca­tion of "Cahiers de doléan­ces", a set of regis­ters of claims opened from November 2018 during the Yellow Vests until Marche 2019. These terms cover dif­fe­rent types of regis­ters : the "cahiers de doléan­ces des rond-points" opened at Gilets jaunes action sites to make demands intel­li­gi­ble ; the regis­ters opened in town halls during the "Mairie ouverte" ope­ra­tion in December 2018 ; and finally the "Cahiers citoyens et d’expres­sion libre" inte­gra­ted into the "Grand débat natio­nal" bet­ween January and February 2019. The Head of State had pro­mi­sed online access to these contri­bu­tions. The arti­cle exa­mi­nes the way in which the publi­city of contri­bu­tions was brought into the public debate, reports on the legal and tech­ni­cal rea­li­ties that frame com­mu­ni­ca­tion, and shows the inte­rest of these docu­ments for research and demo­cra­tic life. It conclu­des with the rele­vance of consul­ting the various Cahiers de doléan­ces at the Archives dépar­te­men­ta­les.

  Les cahiers de doléan­ces 2019 : archi­ves com­mu­nes, extra­or­di­nai­res et iné­di­tes, par Marie-Anne CHABIN
Les cahiers de doléan­ces / citoyens pro­duits dans le contexte du mou­ve­ment des Gilets jaunes et du grand débat natio­nal (fin 2018-début 2019) sont des archi­ves publi­ques « nor­ma­les » au sens de la défi­ni­tion légale des archi­ves : des docu­ments adres­sés au gou­ver­ne­ment (mis­sion du grand débat) et accueillis aux archi­ves dépar­te­men­ta­les via un ver­se­ment pré­fec­to­ral, comme tant d’autres archi­ves. Le corpus (près de 20 000 cahiers) par­tage donc les carac­té­ris­ti­ques d’autres traces écrites de l’expres­sion popu­laire mais pos­sède aussi son ori­gi­na­lité archi­vis­ti­que.
Avec plus de 200 000 contri­bu­tions, les cahiers for­ment une pho­to­gra­phie de la France au début de l’année 2019, source incom­pa­ra­ble pour l’étude du mou­ve­ment social et bien au-delà. Le point noir est l’acces­si­bi­lité aux cahiers, en ori­gi­nal aux archi­ves dépar­te­men­ta­les (avec de nom­breu­ses res­tric­tions en raison de la pro­tec­tion des don­nées per­son­nel­les), ou sous forme de fichiers numé­ri­ques via déro­ga­tion aux Archives natio­na­les, et ce malgré la pro­messe gou­ver­ne­men­tale de les mettre en ligne. Cet état de fait est dénoncé par de plus en plus d’élus, de cher­cheurs et d’acteurs de l’époque, pla­çant les archi­vis­tes face à une demande sociale d’accès à des archi­ves récen­tes non satis­faite…

  2019 “note­books of grie­van­ces” : ordi­nary and extra­or­di­nary records, yet unpu­bli­shed (English ver­sion)
The citi­zen note­books, com­monly refer­red to as "note­books of grie­van­ces”, pro­du­ced in the context of the “Yellow Vests” move­ment and the Great National Debate (late 2018-early 2019), are “ordi­nary” public records accor­ding to the French legal defi­ni­tion of records/archi­ves, i.e. docu­ments addres­sed to the govern­ment (Great Debate Mission) then trans­fer­red to the local archi­ves by local autho­ri­ties, as so many other records. The corpus (almost 20,000 note­books) shares the cha­rac­te­ris­tics of other records writ­ten by the people, but also has its own archi­val ori­gi­na­lity.
With over 200,000 contri­bu­tions, the note­books pro­vide a snap­shot of France at the start of 2019, an incom­pa­ra­ble source for stu­dying the social move­ment and beyond. The black spot is the acces­si­bi­lity of the note­books, in their ori­gi­nal form at the Departmental Archives (with nume­rous res­tric­tions due to the pro­tec­tion of per­so­nal data) and in the form of digi­tal files at the National Archives with spe­cial autho­ri­za­tion, this des­pite the govern­ment’s pro­mise to make them avai­la­ble online. This point is under­li­ned by an increa­sing number of elec­ted repre­sen­ta­ti­ves, resear­chers and citi­zens, confron­ting archi­vists with an unmet social request for access to records.

  Les cahiers citoyens, des archi­ves comme les autres ?, par Agnès VATICAN
La col­lecte, au prin­temps 2019, des cahiers citoyens pro­duits dans le cadre du mou­ve­ment social des Gilets jaunes, pré­sente de nom­breu­ses par­ti­cu­la­ri­tés, dans sa mise en oeuvre pré­coce, et pour les recher­ches ori­gi­na­les et l’inté­rêt média­ti­que qu’ils sus­ci­tent depuis lors. Leur conser­va­tion et sur­tout leur mise à dis­po­si­tion du public vien­nent ainsi inter­ro­ger le rôle social des archi­vis­tes et des archi­ves, qua­si­ment absent du débat public.

  Citizen note­books, archi­ves like any other ? Reflections through the prism of the Archives dépar­te­men­ta­les de la Gironde (English ver­sion)
The col­lec­tion, in the spring of 2019, of the "cahiers citoyens" pro­du­ced as part of the social move­ment of the Yellow Vests, has many par­ti­cu­la­ri­ties, in its early imple­men­ta­tion, and for the ori­gi­nal research and media inte­rest it has arou­sed since then. Their conser­va­tion and espe­cially their avai­la­bi­lity to the public thus ques­tion the social role of archi­vists and archi­ves, which is almost absent from the public debate.

ISSN : 0016-5522

Tarifs abonnement

Tarif pour un exemplaire : 31 € (frais de port inclus)

Tarifs pour un abonnement annuel :
– adhérents à l’AAF : 77 € (97 € à l’étranger)
– non adhérents : 92 € (112 € à l’étranger)
– Libraires : 77 € (97 € à l’étranger)
– Première année : 10 € de réduction

Commande ou abonnement :
Paiement par chèque à l’ordre de « Archivistes français formation » (AFF) ou par mandat administratif. Paiement en ligne possible. Vous pouvez le commander dès à présent, et il vous sera ensuite envoyé.

Mail ou courrier à :
Archivistes français formation (AFF) : 8, rue Jean-Marie Jégo - 75013 PARIS
Tél : 01.46.06.39.44
secretariat@archivistes.org - www.archivistes.org

Retour en haut de la page