La Gazette des archives n°268 (2022-4)

Autour de la guerre. Les archives, de précieuses alliées

Rédaction de la Gazette des archives   vendredi 3 mai 2024
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« Autour de la guerre. Les archi­ves, de pré­cieu­ses alliées » est un numéro de La Gazette des archi­ves qui s’adresse à des pro­fes­sion­nels de la ges­tion de l’infor­ma­tion, ainsi qu’aux pro­duc­teurs en amont et aux uti­li­sa­teurs en aval. Les arti­cles sont également des­ti­nés à un plus large public afin de rendre visi­bles nos pro­fes­sions, d’en expli­quer les tenants et les abou­tis­sants et, qui sait, peut-être sus­ci­ter des voca­tions…
Pour un sujet tel que la guerre, les archi­ves s’avè­rent être de pré­cieu­ses alliées. Elles jouent un rôle indis­pen­sa­ble dans la com­pré­hen­sion du passé, de l’accep­ta­tion du pré­sent et de la cons­truc­tion de l’avenir. Elles cou­vrent un large spec­tre et ne se limi­tent pas à des infor­ma­tions de ter­rain. Si les archi­ves souf­frent, elles font l’objet de sau­ve­tage et de mise en valeur. Sensibles, par­fois dou­lou­reu­ses, elles reflè­tent tant les faces visi­bles que cachées de ces pério­des som­bres. Collecte, clas­se­ment, conser­va­tion et com­mu­ni­ca­tion des archi­ves exi­gent un ensem­ble de gestes archi­vis­ti­ques, une par­faite connais­sance du contenu et du contexte des docu­ments, un tra­vail d’équipe et de col­la­bo­ra­tion, ainsi que l’appli­ca­tion des règles et des normes en vigueur du point de vue juri­di­que et tech­ni­que.
Des archi­vis­tes, ges­tion­nai­res de l’infor­ma­tion et his­to­riens pro­ve­nant d’hori­zons très divers éclairent des aspects pro­pres à la thé­ma­ti­que de la guerre – sujet tou­jours d’une actua­lité brû­lante – en France et au-delà de nos fron­tiè­res.

Ce numéro a été piloté par Barbara Viallet, admi­nis­tra­trice char­gée de la conser­va­tion et du sort final des docu­ments au sein des Archives de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN).


SOMMAIRE

Des archi­ves mal­me­nées : dépla­ce­ments, des­truc­tion, recons­ti­tu­tion
 Le repli des archi­ves de Pechiney pen­dant la Seconde Guerre mon­diale, par Jenny PIQUET
 Archives audio­vi­suel­les et pro­tec­tion du patri­moine cultu­rel en cas de conflit armé, par Sophie FTULISIAK et le lieu­te­nant Charlélie BERTHAUT
 Deliberate des­truc­tion and col­la­te­ral damage : the bur­ning of Irish records 1916-1922, par le doc­teur Ciarán WALLACE

Des archi­ves pour témoi­gner : droits indi­vi­duels et mémoire col­lec­tive
 Archives indi­vi­duel­les des vic­ti­mes de guerre de la Seconde Guerre mon­diale : de la reconnais­sance des droits à la valo­ri­sa­tion mémo­rielle et his­to­ri­que. Plongée dans le fonds de la divi­sion des archi­ves des vic­ti­mes des conflits contem­po­rains, par Alain ALEXANDRA
 L’agent orange, agent de dis­corde, par Marcelle CINQ-MARS
 Archiving vio­lence : a conver­sa­tion with Luisa Franco, par Luisa FRANCO et le doc­teur Tobias HAGMANN
 “An unex­pec­ted chal­lenge” : how The Guardian repor­ted the Falklands war, par Richard NELSSON

Des archi­ves à trai­ter : gestes archi­vis­ti­ques
 Les pro­ces­sus de pro­duc­tion et de ges­tion de l’infor­ma­tion (papier et électronique) dans des contex­tes sin­gu­liers : le cas aty­pi­que des unités de la gen­dar­me­rie pré­vô­tale, par la lieu­te­nante-colo­nelle Sandra SÉRIS avec la col­la­bo­ra­tion d’Éric WARNANT
 Accès inter­dit : la trans­pa­rence gou­ver­ne­men­tale et les embû­ches à l’accès à l’infor­ma­tion. Les cas des archi­ves cana­dien­nes de rela­tions inter­na­tio­na­les et du ren­sei­gne­ment étranger, par Melody BÉLAND
 Archivistes de l’OTAN, affir­ma­tion d’une iden­tité pro­fes­sion­nelle au cœur des opé­ra­tions de l’Alliance atlan­ti­que, par Barbara VIALLET
 U.S. Cold War Espionage Satellites, Public Disclosure, and Digital Archives, par Jeffery CHARLSTON


RÉSUMÉ DES ARTICLES

Des archi­ves mal­me­nées : dépla­ce­ments, des­truc­tion, recons­ti­tu­tion
 Le repli des archi­ves de Pechiney pen­dant la Seconde Guerre mon­diale, par Jenny PIQUET
En jan­vier 1940, alors que les pers­pec­ti­ves d’une offen­sive des armées alle­man­des se pré­ci­sent, la direc­tion géné­rale de la com­pa­gnie des pro­duits chi­mi­ques et électrométallurgiques Alais, Froges et Camargue (AFC), qui devien­dra Pechiney en 1950, pré­pare le départ de Paris de son admi­nis­tra­tion cen­trale située rue Balzac. Pour accueillir l’ensem­ble de ses ser­vi­ces, son choix s’est porté sur le domaine d’Éguilles, dans la com­mune de Vedène (Vaucluse), à quel­ques kilo­mè­tres d’Avignon. En l’espace de quel­ques mois, le site est orga­nisé pour accueillir près de 650 col­la­bo­ra­teurs et leur famille. À Paris, des véhi­cu­les de trans­port – bus et camions – sont regrou­pés alors que bureau par bureau, les équipements, les archi­ves et res­sour­ces docu­men­tai­res sont iden­ti­fiés et cata­lo­gués en vue du pro­chain démé­na­ge­ment. C’est à partir de mai 1940 que l’exil de l’Administration cen­trale com­mence ; les der­niers per­son­nels quit­tent la rue Balzac le 12 juin au moment où les trou­pes alle­man­des arri­vent aux portes de la capi­tale.
Au tra­vers de dif­fé­ren­tes sour­ces de l’époque et de témoi­gna­ges, cet arti­cle a pour objec­tif de retra­cer l’épopée des archi­ves d’AFC pen­dant cet exil qui débu­tera entre mai et juin 1940. En sep­tem­bre 1943, hormis quel­ques ser­vi­ces, l’essen­tiel de l’effec­tif a rega­gné Paris et l’admi­nis­tra­tion cen­trale est alors com­plè­te­ment recons­ti­tuée. Le site d’Éguilles demeure cepen­dant un dépôt d’archi­ves pour la Compagnie, et ce jusqu’à décem­bre 1963. Cet arti­cle s’inté­resse également au par­cours d’un homme, Jacques Fournier de Lempdes, qui, chargé des archi­ves d’AFC, fut la che­ville ouvrière d’une opé­ra­tion ô com­bien déli­cate et dont la réus­site a fait qu’aujourd’hui, si Pechiney a dis­paru, ses archi­ves his­to­ri­ques demeu­rent.

 Archives audio­vi­suel­les et pro­tec­tion du patri­moine cultu­rel en cas de conflit armé, par Sophie FTULISIAK et le lieu­te­nant Charlélie BERTHAUT
Le monde assiste fré­quem­ment à la des­truc­tion du patri­moine cultu­rel et aux pilla­ges orga­ni­sés en raison de conflits armés. Les enjeux liés à la des­truc­tion, au trafic illi­cite et à la res­ti­tu­tion de biens cultu­rels posent la ques­tion de la pro­tec­tion effec­tive du patri­moine. Les archi­ves se retrou­vent au cœur de ces enjeux. Parmi elles, les archi­ves audio­vi­suel­les pré­sen­tent des spé­ci­fi­ci­tés affec­tant for­te­ment les modes de conser­va­tion, de lec­ture et d’étude, de com­mu­ni­ca­tion et de trai­te­ment juri­di­que, ce qui génère un trai­te­ment dis­tinct de celui des archi­ves tex­tuel­les clas­si­ques. L’his­toire de l’Établissement de com­mu­ni­ca­tion et de pro­duc­tion audio­vi­suelle de la Défense (ECPAD) remonte à la Première Guerre mon­diale et est indis­so­cia­ble des archi­ves qu’il conserve. Elle permet de retra­cer l’épopée des archi­ves audio­vi­suel­les des armées fran­çai­ses à tra­vers les conflits armés du XXe siècle, ce qui cons­ti­tue un pré­cieux témoi­gnage dans le champ de la pro­tec­tion des archi­ves. Elle a d’ailleurs fourni aux équipes de l’ECPAD un retour d’expé­rience indis­pen­sa­ble à l’élaboration d’un plan de pro­tec­tion en cas de conflit armé réa­liste, dont les prin­ci­paux items sont rela­tés.

 Deliberate des­truc­tion and col­la­te­ral damage : the bur­ning of Irish records 1916-1922, par le doc­teur Ciarán WALLACE
The strug­gle for Irish inde­pen­dence (1916-1922) resul­ted in the des­truc­tion of many records, inclu­ding the state archi­ves contai­ning seven cen­tu­ries of Irish records. Yet the Irish govern­ment did not include these losses in a major 1996 UNESCO report on global archi­val des­truc­tion in the twen­tieth cen­tury. This arti­cle exa­mi­nes the acci­den­tal and deli­be­rate des­truc­tion of Ireland’s archi­ves during this period, and the reco­very efforts, from the days imme­dia­tely after the figh­ting to the cur­rent inter­dis­ci­pli­nary col­la­bo­ra­tion bet­ween his­to­rians, archi­vists and com­pu­ter scien­tists in the Virtual Record Treasury of Ireland. It argues that the loss of records through conflict pro­du­ced dif­fe­rent results for his­to­ri­cal research and cultu­ral iden­tity in the newly inde­pen­dent Irish Free State (later decla­red the repu­blic), and Northern Ireland, which main­tai­ned its union with Britain.

VF : La lutte pour l’indé­pen­dance de l’Irlande (1916-1922) a entraîné la des­truc­tion de nom­breux docu­ments, y com­pris les archi­ves d’État ras­sem­blant sept siè­cles d’archi­ves irlan­dai­ses. Pourtant, le gou­ver­ne­ment irlan­dais n’a pas inclus ces pertes dans un rap­port impor­tant de l’UNESCO de 1996 sur la des­truc­tion des archi­ves au niveau mon­dial au cours du XXe siècle. Cet arti­cle se penche sur la des­truc­tion acci­den­telle ou déli­bé­rée des archi­ves irlan­dai­ses au cours de cette période, ainsi que sur les ini­tia­ti­ves de récu­pé­ra­tion, depuis les jours qui ont suivi les com­bats jusqu’à la col­la­bo­ra­tion inter­dis­ci­pli­naire actuelle entre his­to­riens, archi­vis­tes et infor­ma­ti­ciens au sein du Virtual Record Treasury of Ireland (Trésor des archi­ves vir­tuel­les d’Irlande). Il démon­tre que la perte d’archi­ves en raison du conflit a eu des consé­quen­ces dif­fé­ren­tes pour la recher­che his­to­ri­que et l’iden­tité cultu­relle dans l’État libre d’Irlande nou­vel­le­ment indé­pen­dant (qui devien­dra plus tard la répu­bli­que) et en Irlande du Nord, qui a main­tenu son appar­te­nance au Royaume-Uni.

Des archi­ves pour témoi­gner : droits indi­vi­duels et mémoire col­lec­tive
 Archives indi­vi­duel­les des vic­ti­mes de guerre de la Seconde Guerre mon­diale : de la reconnais­sance des droits à la valo­ri­sa­tion mémo­rielle et his­to­ri­que. Plongée dans le fonds de la divi­sion des archi­ves des vic­ti­mes des conflits contem­po­rains, par Alain ALEXANDRA
Sur les vingt kilo­mè­tres linéai­res d’archi­ves de vic­ti­mes de guerre conser­vés à la divi­sion des archi­ves des vic­ti­mes des conflits contem­po­rains (DAVCC), antenne caen­naise du Service his­to­ri­que de la Défense, au moins 90 % sont consa­crés à la Seconde Guerre mon­diale. Pour l’essen­tiel, ces archi­ves se pré­sen­tent sous la forme de dos­siers ou de docu­ments indi­vi­duels col­lec­tés ou pro­duits par l’État dans le but de recen­ser, de répon­dre aux besoins des famil­les et d’attri­buer droits et pen­sions à ces der­niè­res ou aux vic­ti­mes sur­vi­van­tes. L’idée d’hono­rer les vic­ti­mes des com­bats et de la bar­ba­rie nazie est à l’ori­gine de ce fonds, mais depuis une tren­taine d’années, his­to­riens, asso­cia­tions et par­ti­cu­liers s’atta­chent à étudier ces archi­ves tant dans le cadre du devoir de mémoire que dans une pers­pec­tive his­to­ri­que plus large, notam­ment pour ana­ly­ser le fonc­tion­ne­ment du sys­tème de répres­sion nazi et de son effet sur la popu­la­tion rési­dant en France.

 L’agent orange, agent de dis­corde, par Marcelle CINQ-MARS
À la fin des années soixante, le gou­ver­ne­ment cana­dien a permis l’uti­li­sa­tion du défo­liant agent orange sur une de ses bases mili­tai­res. Près de deux décen­nies plus tard, les effets nocifs de ce défo­liant furent confir­més et les per­son­nes expo­sées au pro­duit, autant civi­les que mili­tai­res, enta­mè­rent des recher­ches docu­men­tai­res afin de pré­pa­rer un dos­sier de récla­ma­tion envers le gou­ver­ne­ment cana­dien. De son côté, le gou­ver­ne­ment cana­dien a entre­pris sa propre recher­che en archi­ves afin de docu­men­ter les déci­sions prises par les auto­ri­tés gou­ver­ne­men­ta­les de l’époque. Le cas de l’agent orange illus­tre com­ment les archi­ves gou­ver­ne­men­ta­les conser­vées à Bibliothèque et Archives Canada ont permis d’étayer les droits des vic­ti­mes poten­tiel­les.

 Archiving vio­lence : a conver­sa­tion with Luisa Franco, par Luisa FRANCO et le doc­teur Tobias HAGMANN
Preserving evi­dence rela­ted to grave human rights abuses is a key stra­tegy to achieve accoun­ta­bi­lity and to memo­ria­lize past injus­ti­ces in view of trans­for­ming socie­ties. In the past deca­des nume­rous truth and reconci­lia­tion com­mis­sions, civil society orga­ni­za­tions and govern­men­tal bodies have docu­men­ted human rights abuses car­ried out as part of armed conflicts and poli­ti­cal oppres­sion. Vast amounts of pre­do­mi­nantly open source infor­ma­tion on atro­ci­ties have emer­ged as part of the Syrian and Ukrainian conflicts. The impor­tance of these dif­fe­rent archi­ves for dea­ling with the past – the pro­ver­bial German Vergangenheitsbewältigung – is undis­pu­ted. But the prac­ti­cal and poli­ti­cal impli­ca­tions of archi­ving and docu­men­ting poli­ti­cal vio­lence remain little unders­tood. Which cura­to­rial, archi­val and poli­ti­cal choi­ces are human rights archi­ves faced with ? How can the docu­men­ta­tion of phy­si­cal and struc­tu­ral vio­lence be mea­ning­fully linked to socie­tal hea­ling ? What is the impact of increa­sing amounts of data on archi­ving human rights vio­la­tions ? Whose voices and expe­rien­ces ‘count’ when vio­lence is archi­ved ? What hap­pens when human suf­fe­ring is trans­for­med into records, judi­cial and bureau­cra­tic cate­go­ries ? And how can the increa­sin­gly trans­na­tio­nal nature of vio­lence be docu­men­ted in natio­nal archi­ves ? These and other ques­tions are explo­red in this sub­mis­sion to the spe­cial issue of La Gazette des Archives taking the form of an inter­view with Luisa Franco, a human rights archive prac­ti­tio­ner with exten­sive expe­rience in archi­ving and pre­ser­ving poli­ti­cal vio­lence. Trained in digi­tal tech­no­lo­gies, conser­va­tion and cultu­ral heri­tage, she was a former staff in the Human Rights Directorate of Columbia’s National Centre for Historical Memory. Over recent years she has sup­por­ted nume­rous archi­ves docu­men­ting grave human rights vio­la­tions in coun­tries as diverse as Egypt, Libya, Guatemala, Honduras and El Salvador. In this inter­view Luisa Franco will share and reflect on her pro­fes­sio­nal and per­so­nal expe­rien­ces on the role of archi­ves in dea­ling with the past. The inter­view will be conduc­ted and edited by Dr. Tobias Hagmann who has conduc­ted long-term research on poli­ti­cal vio­lence and the state in the global South.

VF : Préserver les preu­ves liées aux graves vio­la­tions des droits de l’homme est une stra­té­gie clé pour attein­dre la res­pon­sa­bi­lité et pour com­mé­mo­rer les injus­ti­ces pas­sées en vue de trans­for­mer les socié­tés. Au cours des der­niè­res décen­nies, de nom­breu­ses com­mis­sions de vérité et de réconci­lia­tion, des orga­ni­sa­tions de la société civile et des orga­nis­mes gou­ver­ne­men­taux ont docu­menté les vio­la­tions des droits de la per­sonne com­mi­ses dans le cadre de conflits armés et d’oppres­sion poli­ti­que. De vastes quan­ti­tés d’infor­ma­tions prin­ci­pa­le­ment ouver­tes sur les atro­ci­tés ont émergé dans le cadre des conflits syrien et ukrai­nien. L’impor­tance de ces dif­fé­ren­tes archi­ves pour faire face au passé – Vergangenheitsbewältigung – est incontes­ta­ble. Mais les impli­ca­tions pra­ti­ques et poli­ti­ques de l’archi­vage et de la docu­men­ta­tion de la vio­lence poli­ti­que res­tent peu com­pri­ses. Quels sont les choix cura­to­riaux, archi­vis­ti­ques et poli­ti­ques aux­quels sont confron­tées les archi­ves des droits de l’homme ? Comment la docu­men­ta­tion de la vio­lence phy­si­que et struc­tu­relle peut-elle être liée de manière signi­fi­ca­tive à la gué­ri­son socié­tale ? Quel est l’impact de l’aug­men­ta­tion des quan­ti­tés de don­nées sur l’archi­vage des vio­la­tions des droits de l’homme ? Quelles voix et quel­les expé­rien­ces « comp­tent » lors­que la vio­lence est archi­vée ? Que se passe-t-il lors­que la souf­france humaine est trans­for­mée en caté­go­ries judi­ciai­res et bureau­cra­ti­ques ? Et com­ment docu­men­ter la nature de plus en plus trans­na­tio­nale de la vio­lence dans les archi­ves natio­na­les ? Ces ques­tions et d’autres sont explo­rées dans le pré­sent mémoire dans le numéro spé­cial de La Gazette des Archives, sous la forme d’un entre­tien avec Luisa Franco, une archi­viste des droits de l’homme ayant une vaste expé­rience dans l’archi­vage et la pré­ser­va­tion de la vio­lence poli­ti­que. Formée aux tech­no­lo­gies numé­ri­ques, à la conser­va­tion et au patri­moine cultu­rel, elle a été membre du per­son­nel de la Direction des droits de la per­sonne du Centre natio­nal de la mémoire his­to­ri­que de Colombie. Au cours des der­niè­res années, elle a sou­tenu de nom­breu­ses archi­ves docu­men­tant de graves vio­la­tions des droits humains dans des pays aussi divers que l’Égypte, la Libye, le Guatemala, le Honduras et El Salvador. Dans cette inter­view, Luisa Franco réflé­chira à ses expé­rien­ces pro­fes­sion­nel­les et per­son­nel­les, et au rôle des archi­ves dans la ges­tion du passé. L’entre­vue sera menée et éditée par le doc­teur Tobias Hagmann qui a mené des recher­ches à long terme sur la vio­lence poli­ti­que et l’État dans les pays du Sud.

 “An unex­pec­ted chal­lenge” : how The Guardian repor­ted the Falklands war, par Richard NELSSON
On 2nd April 1982, a force from Argentina inva­ded the Falkland Islands, a British over­seas ter­ri­tory. Three days later, the UK govern­ment sent a naval task­force to take back the islands. The conflict lasted 74 days and ended with an Argentine sur­ren­der on 14 June, retur­ning the islands to British control. The Guardian was one of a small number of British natio­nal news­pa­pers to take a cri­ti­cal stance towards the war. How the paper cove­red the conflict – both publi­shed news­pa­per reports and archi­ved items such as edi­to­rial memos, pho­to­graphs and car­toons – are pre­ser­ved in the Guardian News & Media archive, and the paper’s edi­to­rial library. This paper looks at docu­ments, inclu­ding a selec­tion of the editor’s per­so­nal papers, that reveal inter­nal dis­cus­sions regar­ding the hard­ships expe­rien­ced by the Guardian repor­ter sent to cover the conflict. These inclu­ded dif­fi­culties with the British mili­tary and cen­sor­ship. Likewise, the archive holds mate­rial rela­ting to the cap­ture and impri­son­ment by the Argentinians of the Observer’s defence cor­res­pon­dent (the Guardian bought the Observer in 1993). Oral his­tory tes­ti­mo­nies bring an extra insight into the edi­to­rial pro­cess during a war, while archi­ved per­so­nal inter­view notes with senior poli­ti­cians shed light on the British govern­ment’s thin­king at the time.

VF : Le 2 avril 1982, une force argen­tine enva­hit les îles Malouines, un ter­ri­toire bri­tan­ni­que d’outre-mer. Trois jours plus tard, le gou­ver­ne­ment bri­tan­ni­que envoie un groupe de tra­vail naval pour repren­dre les îles. Le conflit durera 74 jours et se ter­mi­nera par une red­di­tion argen­tine le 14 juin, ren­dant les îles au contrôle bri­tan­ni­que. The Guardian est l’un des rares jour­naux natio­naux bri­tan­ni­ques à avoir adopté une posi­tion cri­ti­que à l’égard de la guerre. La façon dont le jour­nal a cou­vert le conflit – à la fois les arti­cles de jour­naux publiés et les arti­cles archi­vés tels que les notes éditoriales, les pho­to­gra­phies et les cari­ca­tu­res – est conser­vée dans les archi­ves du Guardian News & Media et dans la biblio­thè­que éditoriale du jour­nal. Cet arti­cle exa­mine des docu­ments, y com­pris une sélec­tion de docu­ments per­son­nels du rédac­teur, qui révè­lent des dis­cus­sions inter­nes concer­nant les dif­fi­cultés ren­contrées par le jour­na­liste du Guardian envoyé pour cou­vrir le conflit. Cela incluait des dif­fi­cultés avec l’armée bri­tan­ni­que et la cen­sure. De même, les archi­ves contien­nent des docu­ments rela­tifs à la cap­ture et à l’empri­son­ne­ment par les Argentins du cor­res­pon­dant de la défense de l’Observer (le Guardian a acheté l’Observer en 1993). Les témoi­gna­ges d’his­toire orale appor­tent un éclairage sup­plé­men­taire sur le pro­ces­sus éditorial pen­dant une guerre, tandis que les notes d’entre­vue per­son­nel­les archi­vées avec des poli­ti­ciens de haut niveau met­tent en lumière la pensée du gou­ver­ne­ment bri­tan­ni­que à l’époque.

Des archi­ves à trai­ter : gestes archi­vis­ti­ques
 Les pro­ces­sus de pro­duc­tion et de ges­tion de l’infor­ma­tion (papier et électronique) dans des contex­tes sin­gu­liers : le cas aty­pi­que des unités de la gen­dar­me­rie pré­vô­tale, par la lieu­te­nante-colo­nelle Sandra SÉRIS avec la col­la­bo­ra­tion d’Éric WARNANT
En ce début de XXIᵉ siècle, avec la mul­ti­pli­ca­tion des conflits inte­ré­ta­ti­ques et de la menace ter­ro­riste, l’enga­ge­ment mili­taire fran­çais à l’étranger est de plus en plus pré­sent. Les unités de la gen­dar­me­rie pré­vô­tale, ins­ti­tuées en temps de paix auprès des forces armées fran­çai­ses, hors du ter­ri­toire natio­nal, sont par­ties inté­gran­tes de tous les théâ­tres d’opé­ra­tion et aux côtés des forces sta­tion­nées ou per­ma­nen­tes répar­ties sur l’ensem­ble du globe. Véritables unités opé­ra­tion­nel­les, leurs prin­ci­pa­les mis­sions relè­vent du péri­mè­tre de la police judi­ciaire aux armées, de la police géné­rale, de l’appui aux forces et du ren­sei­gne­ment. Nous vous pro­po­sons de décou­vrir cet uni­vers aty­pi­que à tra­vers le prisme des pro­ces­sus de pro­duc­tion et de ges­tion de l’infor­ma­tion (papier et électronique) de deux ser­vi­ces pro­duc­teurs évoluant dans des contex­tes de conflits sin­gu­liers. Grâce aux témoi­gna­ges de deux pré­vôts, conso­li­dés par des échanges avec le géné­ral, chef du com­man­de­ment de la gen­dar­me­rie pré­vô­tale (CGP), nous sou­li­gne­rons com­ment la gen­dar­me­rie pré­vô­tale répond aux enjeux majeurs de la bonne sécu­ri­sa­tion et ges­tion de son infor­ma­tion sen­si­ble afin de garan­tir la péren­nité de son patri­moine archi­vis­ti­que et de pou­voir ainsi répon­dre à terme aux sol­li­ci­ta­tions d’ordre judi­ciaire, opé­ra­tion­nel, admi­nis­tra­tif et his­to­ri­que.

 Accès refusé : la trans­pa­rence gou­ver­ne­men­tale et les embû­ches à l’accès à l’infor­ma­tion. Les cas des archi­ves cana­dien­nes de rela­tions inter­na­tio­na­les et du ren­sei­gne­ment étranger, par Melody BÉLAND
Cet arti­cle met en lumière les défis et limi­tes ren­contrés par les ana­lys­tes et archi­vis­tes res­pon­sa­bles de l’accès à l’infor­ma­tion des docu­ments gou­ver­ne­men­taux du Canada, confor­mé­ment à la Loi sur l’accès à l’infor­ma­tion (AIPRP). Plus pré­ci­sé­ment, ce sont les obs­ta­cles tou­chant par­ti­cu­liè­re­ment les docu­ments sur les rela­tions inter­na­tio­na­les. Tout d’abord, l’arti­cle démon­tre que les pre­miers obs­ta­cles varient selon le type de deman­des. Les deman­des trop larges ou vagues sont celles qui néces­si­tent une recher­che en pro­fon­deur et entraî­nent des délais consi­dé­ra­bles. L’arti­cle explore par la suite la néces­sité de déter­mi­ner l’auto­rité sur l’infor­ma­tion conte­nue dans les docu­ments, en par­ti­cu­lier pour les infor­ma­tions étrangères, ce qui entraîne également des délais dus aux consul­ta­tions. Plus encore, l’arti­cle démon­tre que les fac­teurs d’ana­lyse tels que la sen­si­bi­lité et l’âge d’un docu­ment ne sont pas des barè­mes pou­vant être appli­qués uni­for­mé­ment. En conclu­sion, l’arti­cle met en évidence l’impor­tance de réfor­mer les méca­nis­mes exis­tants. Il aborde également la déclas­si­fi­ca­tion proac­tive des docu­ments gou­ver­ne­men­taux, comme étant un moyen d’amé­lio­rer l’accès à long terme en rédui­sant les obs­ta­cles liés à l’accès à l’infor­ma­tion, tout en sou­li­gnant les efforts cons­tants pour pro­mou­voir la trans­pa­rence gou­ver­ne­men­tale malgré les défis ren­contrés.

 Archivistes de l’OTAN, affir­ma­tion d’une iden­tité pro­fes­sion­nelle au cœur des opé­ra­tions de l’Alliance atlan­ti­que, par Barbara VIALLET
À partir des années 1990 et dans le contexte de la fin de la guerre froide, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a com­mencé à jouer un rôle actif dans des opé­ra­tions. Soutenus par les pays mem­bres de l’Alliance atlan­ti­que à tra­vers le Comité des archi­ves, les archi­vis­tes de l’OTAN ont mis en place – ou tout au moins aidé à mettre en place dans cer­tains cas – des pro­ces­sus, pro­cé­du­res et outils inhé­rents à la ges­tion des archi­ves opé­ra­tion­nel­les. En cette année 2024 qui marque les 75 années de l’exis­tence de l’Alliance atlan­ti­que, ainsi que le 25e anni­ver­saire des Archives de l’OTAN, l’arti­cle s’inté­resse à l’affir­ma­tion de l’iden­tité pro­fes­sion­nelle des archi­vis­tes de l’OTAN des pre­miè­res opé­ra­tions en Bosnie-Herzégovine aux mis­sions en Afghanistan et au Kosovo. Au sein d’un envi­ron­ne­ment inter­na­tio­nal régi par de stricts prin­ci­pes et règles de sécu­rité, le trai­te­ment, la pro­tec­tion et la mise à dis­po­si­tion des archi­ves opé­ra­tion­nel­les ont lar­ge­ment contri­bué à la pro­fes­sion­na­li­sa­tion des posi­tions d’archi­vis­tes au sein de l’Alliance. Ils ont également mené à une impor­tante impli­ca­tion des archi­vis­tes de l’OTAN dans la recher­che de solu­tions qui garan­tis­sent la conser­va­tion et l’acces­si­bi­lité à long terme des archi­ves sur sup­ports magné­ti­ques et numé­ri­ques, ainsi que dans l’appli­ca­tion des dif­fé­rents méca­nis­mes de mise à dis­po­si­tion d’infor­ma­tions OTAN.

 U.S. Cold War Espionage Satellites, Public Disclosure, and Digital Archives, par Jeffery CHARLSTON
The U.S. esta­bli­shed a secret intel­li­gence agency to coor­di­nate deve­lop­ment and ope­ra­tion of its Cold War intel­li­gence satel­li­tes. Public dis­clo­sure of both the agency and its acti­vi­ties began shortly after the end of the Cold War. Those efforts illus­trate the deve­lop­ment of U.S. declas­si­fi­ca­tion and public dis­clo­sure requi­re­ments, and the emer­gence of mul­ti­ple digi­tal archi­ves and rela­ted web­si­tes sup­ple­men­ting the col­lec­tions of the U.S. National Archives. The U.S. govern­ment now ope­ra­tes a cen­tral web­site faci­li­ta­ting access to many of those records.

VF : Les États-Unis ont mis en place une agence de ren­sei­gne­ment secrète pour coor­don­ner le déve­lop­pe­ment et l’exploi­ta­tion de leurs satel­li­tes espions pen­dant la guerre froide. La divul­ga­tion publi­que de l’agence et de ses acti­vi­tés a com­mencé peu après la fin de la guerre froide. Ces efforts illus­trent l’évolution des exi­gen­ces amé­ri­cai­nes de déclas­si­fi­ca­tion et de divul­ga­tion publi­que, et l’émergence de nom­breu­ses archi­ves numé­ri­ques et de sites Web asso­ciés qui vien­nent com­plé­ter les col­lec­tions des Archives natio­na­les des États-Unis. Le gou­ver­ne­ment amé­ri­cain pro­pose aujourd’hui un site Web cen­tra­lisé qui faci­lite l’accès à un grand nombre de ces archi­ves.

Quatrième numéro de l’abonnement 2022

ISSN : 0016-5522

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