1. Comment avez-vous voulu devenir archiviste ?
On peut parler de vocation : j’ai su très jeune, dès le collège, que je voulais faire ça. J’hésitais entre les archives et l’archéologie, mais ce qui m’a conduit à la profession d’archiviste, c’était mon goût pour l’Histoire, les langues, les Lettres, mais aussi le plaisir de « pouvoir accéder à tout »... même si on n’a pas le temps comme l’historien d’exploiter les documents.
2. Votre formation initiale devait-elle vous permettre d’être archiviste ?
Oui, puisque j’ai choisi de faire ce métier par vocation. J’ai fait un DEUG d’Histoire puis la LITAD (licence de techniques d’archives et de documentation) de l’université de LYON III [Aujourd’hui cette formation de l’université de Lyon III a été remplacée par un DESS information et communication : archivistique]. J’ai donc pu bénéficier d’une double formation, archives et documentation, mais mon cœur était vraiment aux archives ! Logiquement j’aurais dû poursuivre mes études, avec une maîtrise et un DESS, j’avais même commencé à faire des démarches pour cela, mais j’ai eu l’opportunité de trouver un travail tout de suite : je ne regrette pas d’avoir commencé à travailler jeune, je pense que c’était une chance.
3. Quel a été votre parcours professionnel ?
J’ai donc eu l’opportunité, en 1993, de créer un service archives au Cnam (Conservatoire national des Arts et Métiers), à Paris. C’était très intéressant de créer un service car même si c’est difficile de partir de zéro, on a une grande liberté. Mon premier poste était donc au sein d’un établissement public dépendant de différents ministères.
Il y avait beaucoup d’archives techniques, difficiles à appréhender, mais je dirais que quand on est curieux, on s’adapte et on s’intéresse à tout. Par ailleurs, j’ai eu la chance d’être là quand le Cnam fêtait son bicentenaire, ce qui a été vraiment passionnant pour la valorisation des archives.
En 1998, je suis devenue responsable de la Fonction Centrale Archives de Snecma : j’ai découvert un autre domaine, celui de l’entreprise, mais j’ai retrouvé cet aspect « archives techniques » que j’avais connu au Cnam.
Snecma était une entreprise publique ; c’est depuis peu une entreprise privée, je vais donc vivre cette transition.
4. Pouvez-vous nous décrire votre travail au quotidien ?
Aujourd’hui nous sommes deux dans le service, la deuxième personne étant en cours de formation. Par ailleurs, un réseau de correspondants archives a été mis en place. Nous sommes, une journée par semaine, au siège de l’entreprise, mais la Fonction Archives est basée dans une des usines de l’entreprise, sur le site de Melun-Villaroche, et ce pour des raisons logiques et historiques, puisque la direction technique (grosse productrice d’archives et consommatrice d’informations) ainsi que le pôle « documentation, traduction, veille et information stratégique » sont situés dans cette usine.
Je suis un peu une « femme-orchestre », je me trouve à tous les bouts de la chaîne archivistique (collecte , classement , conservation , communication). Bien sûr, il y a des activités que l’on fait plus que d’autres. Je fais beaucoup de gestion, dans le sens de gestion de projets : déménagements, audits, archivage électronique, projet de nouveau logiciel, nouveau bâtiment... Je gère également la base documentaire où sont référencées nos archives.
Il y a également une importante activité de formation et de conseil, en interne notamment, pour les correspondants archives.
Il faut aussi pouvoir, au quotidien, répondre à des demandes urgentes en interne.
5. Quand l’entreprise a-t-elle été fondée ?
Créée en 1905 (société des Moteurs Gnôme), Snecma est une entreprise assez exceptionnelle par son histoire : ce qui est passionnant, c’est qu’à travers son fonds d’archives, c’est toute l’histoire de l’aéronautique, française et internationale, que l’on découvre. C’est un fonds très riche. C’est ainsi que j’ai eu l’occasion d’écrire un article, pour le journal de l’entreprise, sur les premières femmes dans l’aviation et les premiers succès des moteurs rotatifs Gnôme en 1909.
Nous tâchons d’encourager la recherche historique en accueillant régulièrement des historiens, ethnologues, journalistes, sociologues, etc.
6. Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ?
Je ne m’ennuie jamais ! Au quotidien, c’est une activité très diversifiée : contrairement à certains clichés, ce n’est vraiment pas un métier routinier. On rencontre beaucoup de personnes, c’est vraiment un métier de communication.
Je trouve qu’on a le sentiment d’être utile, pour des choses très pragmatiques : pour que l’entreprise gagne un procès, pour quelqu’un qui a besoin de solder sa retraite...
7. Quels seront pour vous les principaux enjeux pour la profession d’archiviste à l’avenir ?
Je vous apporte le témoignage d’une archiviste d’entreprise, mais je pense que l’on est dans une société où la « judiciarisation » est croissante : la notion de gestion des risques va être de plus en plus importante, et il nous faut être performants dans ce domaine.
On peut promouvoir la profession grâce à nos pratiques, et notamment celle du records management, qui s’intègrent dans une politique de gestion des risques ainsi que dans une démarche « Qualité ».
En entreprise, les archivistes devront de plus en plus travailler en équipe : nous ne sommes pas « spécialistes en tout » et c’est pourquoi il nous faut mener des projets en commun avec les informaticiens, les qualiticiens, les services juridiques, les risk managers... Il faut se positionner comme des interlocuteurs indispensables, et valoriser notre savoir-faire et nos compétences.
Un autre enjeu est bien sûr la conservation à long terme des documents électroniques.
Il faut que nous soyons également associés en amont aux changements au sein des organisations : fusions, acquisitions, privatisations...
Il y a un autre challenge, c’est de valoriser notre métier et de communiquer, de faire connaître et de faire respecter la loi sur les archives.
Enfin, un enjeu crucial est la formation des archivistes : il y a un réel besoin de formation intermédiaire. La validation des acquis d’expérience, pour des archivistes qui exercent depuis longtemps la profession mais ne sont pas reconnus, est aussi essentielle.
8. Comment décririez-vous la place de l’archiviste dans l’organisation ?
Nous sommes avant tout des médiateurs, qui doivent « maîtriser le passé pour préparer l’avenir » : nous devons avoir une bonne connaissance du passé mais aussi nous projeter dans l’avenir et imaginer ce qu’on pourra nous demander dans vingt ans, ou trente ans...
Nous devons être perçus comme des professionnels de l’information au sens large, comme des « référents » incontournables concernant l’information dans l’entreprise.