Archiviste chez Snecma (groupe SAFRAN)

Propos de Marina Dal Soglio, responsable de la Fonction Centrale Archives, recueillis en 2005

Marina DAL SOGLIO   mardi 31 mai 2005
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1. Comment avez-vous voulu devenir archiviste ?

On peut parler de voca­tion : j’ai su très jeune, dès le col­lège, que je vou­lais faire ça. J’hési­tais entre les archi­ves et l’archéo­lo­gie, mais ce qui m’a conduit à la pro­fes­sion d’archi­viste, c’était mon goût pour l’Histoire, les lan­gues, les Lettres, mais aussi le plai­sir de « pou­voir accé­der à tout »... même si on n’a pas le temps comme l’his­to­rien d’exploi­ter les docu­ments.

2. Votre formation initiale devait-elle vous permettre d’être archiviste ?

Oui, puis­que j’ai choisi de faire ce métier par voca­tion. J’ai fait un DEUG d’Histoire puis la LITAD (licence de tech­ni­ques d’archi­ves et de docu­men­ta­tion) de l’uni­ver­sité de LYON III [Aujourd’hui cette for­ma­tion de l’uni­ver­sité de Lyon III a été rem­pla­cée par un DESS infor­ma­tion et com­mu­ni­ca­tion : archi­vis­ti­que]. J’ai donc pu béné­fi­cier d’une double for­ma­tion, archi­ves et docu­men­ta­tion, mais mon cœur était vrai­ment aux archi­ves ! Logiquement j’aurais dû pour­sui­vre mes études, avec une maî­trise et un DESS, j’avais même com­mencé à faire des démar­ches pour cela, mais j’ai eu l’oppor­tu­nité de trou­ver un tra­vail tout de suite : je ne regrette pas d’avoir com­mencé à tra­vailler jeune, je pense que c’était une chance.

3. Quel a été votre parcours professionnel ?

J’ai donc eu l’oppor­tu­nité, en 1993, de créer un ser­vice archi­ves au Cnam (Conservatoire natio­nal des Arts et Métiers), à Paris. C’était très inté­res­sant de créer un ser­vice car même si c’est dif­fi­cile de partir de zéro, on a une grande liberté. Mon pre­mier poste était donc au sein d’un établissement public dépen­dant de dif­fé­rents minis­tè­res.
Il y avait beau­coup d’archi­ves tech­ni­ques, dif­fi­ci­les à appré­hen­der, mais je dirais que quand on est curieux, on s’adapte et on s’inté­resse à tout. Par ailleurs, j’ai eu la chance d’être là quand le Cnam fêtait son bicen­te­naire, ce qui a été vrai­ment pas­sion­nant pour la valo­ri­sa­tion des archi­ves.

En 1998, je suis deve­nue res­pon­sa­ble de la Fonction Centrale Archives de Snecma : j’ai décou­vert un autre domaine, celui de l’entre­prise, mais j’ai retrouvé cet aspect « archi­ves tech­ni­ques » que j’avais connu au Cnam.
Snecma était une entre­prise publi­que ; c’est depuis peu une entre­prise privée, je vais donc vivre cette tran­si­tion.

4. Pouvez-vous nous décrire votre travail au quotidien ?

Aujourd’hui nous sommes deux dans le ser­vice, la deuxième per­sonne étant en cours de for­ma­tion. Par ailleurs, un réseau de cor­res­pon­dants archi­ves a été mis en place. Nous sommes, une jour­née par semaine, au siège de l’entre­prise, mais la Fonction Archives est basée dans une des usines de l’entre­prise, sur le site de Melun-Villaroche, et ce pour des rai­sons logi­ques et his­to­ri­ques, puis­que la direc­tion tech­ni­que (grosse pro­duc­trice d’archi­ves et consom­ma­trice d’infor­ma­tions) ainsi que le pôle « docu­men­ta­tion, tra­duc­tion, veille et infor­ma­tion stra­té­gi­que » sont situés dans cette usine.

Je suis un peu une « femme-orches­tre », je me trouve à tous les bouts de la chaîne archi­vis­ti­que (col­lecte , clas­se­ment , conser­va­tion , com­mu­ni­ca­tion). Bien sûr, il y a des acti­vi­tés que l’on fait plus que d’autres. Je fais beau­coup de ges­tion, dans le sens de ges­tion de pro­jets : démé­na­ge­ments, audits, archi­vage électronique, projet de nou­veau logi­ciel, nou­veau bâti­ment... Je gère également la base docu­men­taire où sont réfé­ren­cées nos archi­ves.
Il y a également une impor­tante acti­vité de for­ma­tion et de conseil, en interne notam­ment, pour les cor­res­pon­dants archi­ves.
Il faut aussi pou­voir, au quo­ti­dien, répon­dre à des deman­des urgen­tes en interne.

5. Quand l’entreprise a-t-elle été fondée ?

Créée en 1905 (société des Moteurs Gnôme), Snecma est une entre­prise assez excep­tion­nelle par son his­toire : ce qui est pas­sion­nant, c’est qu’à tra­vers son fonds d’archi­ves, c’est toute l’his­toire de l’aéro­nau­ti­que, fran­çaise et inter­na­tio­nale, que l’on décou­vre. C’est un fonds très riche. C’est ainsi que j’ai eu l’occa­sion d’écrire un arti­cle, pour le jour­nal de l’entre­prise, sur les pre­miè­res femmes dans l’avia­tion et les pre­miers succès des moteurs rota­tifs Gnôme en 1909.
Nous tâchons d’encou­ra­ger la recher­che his­to­ri­que en accueillant régu­liè­re­ment des his­to­riens, eth­no­lo­gues, jour­na­lis­tes, socio­lo­gues, etc.

6. Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ?

Je ne m’ennuie jamais ! Au quo­ti­dien, c’est une acti­vité très diver­si­fiée : contrai­re­ment à cer­tains cli­chés, ce n’est vrai­ment pas un métier rou­ti­nier. On ren­contre beau­coup de per­son­nes, c’est vrai­ment un métier de com­mu­ni­ca­tion.
Je trouve qu’on a le sen­ti­ment d’être utile, pour des choses très prag­ma­ti­ques : pour que l’entre­prise gagne un procès, pour quelqu’un qui a besoin de solder sa retraite...

7. Quels seront pour vous les principaux enjeux pour la profession d’archiviste à l’avenir ?

Je vous apporte le témoi­gnage d’une archi­viste d’entre­prise, mais je pense que l’on est dans une société où la « judi­cia­ri­sa­tion » est crois­sante : la notion de ges­tion des ris­ques va être de plus en plus impor­tante, et il nous faut être per­for­mants dans ce domaine.

On peut pro­mou­voir la pro­fes­sion grâce à nos pra­ti­ques, et notam­ment celle du records mana­ge­ment, qui s’intè­grent dans une poli­ti­que de ges­tion des ris­ques ainsi que dans une démar­che « Qualité ».

En entre­prise, les archi­vis­tes devront de plus en plus tra­vailler en équipe : nous ne sommes pas « spé­cia­lis­tes en tout » et c’est pour­quoi il nous faut mener des pro­jets en commun avec les infor­ma­ti­ciens, les qua­li­ti­ciens, les ser­vi­ces juri­di­ques, les risk mana­gers... Il faut se posi­tion­ner comme des inter­lo­cu­teurs indis­pen­sa­bles, et valo­ri­ser notre savoir-faire et nos com­pé­ten­ces.

Un autre enjeu est bien sûr la conser­va­tion à long terme des docu­ments électroniques.

Il faut que nous soyons également asso­ciés en amont aux chan­ge­ments au sein des orga­ni­sa­tions : fusions, acqui­si­tions, pri­va­ti­sa­tions...

Il y a un autre chal­lenge, c’est de valo­ri­ser notre métier et de com­mu­ni­quer, de faire connaî­tre et de faire res­pec­ter la loi sur les archi­ves.

Enfin, un enjeu cru­cial est la for­ma­tion des archi­vis­tes : il y a un réel besoin de for­ma­tion inter­mé­diaire. La vali­da­tion des acquis d’expé­rience, pour des archi­vis­tes qui exer­cent depuis long­temps la pro­fes­sion mais ne sont pas reconnus, est aussi essen­tielle.

8. Comment décririez-vous la place de l’archiviste dans l’organisation ?

Nous sommes avant tout des média­teurs, qui doi­vent « maî­tri­ser le passé pour pré­pa­rer l’avenir » : nous devons avoir une bonne connais­sance du passé mais aussi nous pro­je­ter dans l’avenir et ima­gi­ner ce qu’on pourra nous deman­der dans vingt ans, ou trente ans...

Nous devons être perçus comme des pro­fes­sion­nels de l’infor­ma­tion au sens large, comme des « réfé­rents » incontour­na­bles concer­nant l’infor­ma­tion dans l’entre­prise.

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