1. Comment avez-vous voulu devenir archiviste ?
Je crois qu’on peut dire que c’est une vocation. Je suis un peu « tombée dedans quand j’étais petite », puisque mes parents étaient archivistes. J’entendais beaucoup parler de la profession, et j’y suis venue par goût. J’ai longtemps hésité entre cette profession et l’enseignement, mais ma « vocation de toujours » d’archiviste est finalement restée.
Ce qui m’a attirée dans cette profession, c’est le désir de comprendre notre Histoire, notre mémoire, notre héritage, mais aussi le fait de préserver cette mémoire et de pouvoir « lire l’Homme à travers les archives ». Cette mémoire est vivante, elle permet aussi bien de reconstituer la « grande Histoire » que la « petite Histoire » : à travers les archives, c’est l’histoire des hommes, quels qu’ils soient, de leur identité, que l’on préserve et que l’on transmet. Le métier d’archiviste est vraiment enrichissant.
2. Quelle formation avez-vous suivi pour devenir archiviste ?
Après un bac économie, j’ai fait une prépa Chartes à Henri IV. Par la suite, j’ai pris l’option de la formation universitaire. J’ai fait une maîtrise d’histoire générale tout en suivant la licence d’archivistique à l’université d’Angers, et j’ai poursuivi avec le DESS Histoire et métier des archives d’Angers. J’ai fait partie de la première promotion du DESS, en 1994-1995.
3. Quel a été votre parcours professionnel ?
J’ai tout d’abord travaillé à la DATAR (Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale). Ma mission était d’y restaurer les procédures d’archivage, de réorganiser la conservation des archives et de préparer des versements aux Archives nationales.
Par la suite, j’ai été embauchée, comme contractuelle, au Centre de gestion de la fonction publique territoriale de Seine-Maritime : j’étais « archiviste itinérante », je devais répondre aux demandes ponctuelles des communes pour des prestations de classement, d’aide à l’organisation de leur archivage...
J’ai passé le concours externe d’attaché territorial de conservation du patrimoine, j’ai été reçue, puis titularisée. C’est deux ans après le concours que l’occasion s’est présentée pour moi d’une mutation au Conseil général, au sein de l’équipe des Archives départementales de Seine-Maritime, et donc d’un changement d’horizon professionnel.
4. Pouvez-vous nous décrire votre travail au quotidien ?
Actuellement, je m’occupe des archives contemporaines (archives du département constituées depuis le 10 juillet 1940). J’ai été recrutée principalement pour aller au-devant des administrations et des organismes publics du département et mener une action de collecte et de sélection des archives.
Il s’agit de faire prendre conscience en amont de l’importance d’avoir une vraie politique de gestion des archives - autrement dit du patrimoine documentaire - depuis leur création jusqu’à leur sort final (élimination ou conservation). On doit déterminer ce sort selon que ces documents présentent ou non un intérêt pour l’Histoire : intérêt patrimonial ou intérêt juridique de long terme.
La gestion des archives au quotidien présente un intérêt à la fois dans le présent, dans un souci de constituer des preuves, de garantie de « tracabilité », de transparence et d’efficacité du service public, mais aussi, à plus long terme, dans l’idée de rendre compte, pour l’Histoire.
Nous avons un peu une fonction d’enseignant, il nous faut apprendre à maîtriser les outils de communication, et à nous adapter à un public différencié.
La fonction « classement » est également présente, qui vient donner forme à la mémoire engrangée, parfois dans des conditions extrêmes (déménagements et changements dans l’organisation des structures administratives, incidents climatiques...) : réorganisation de fonds restés en vrac ou sommairement décrits, appui et conseils auprès des services dans la préparation et la description de leurs versements... ( ajout par rapport à votre texte initial : afin de ne pas oublier cette facette du métier, même si elle ne m’occupe pas à plein temps comme d’autres collègues )
Pour ce qui est de la conservation, il y a aussi un travail à faire au quotidien, de conseils auprès des services pour mettre en place des réflexes de conservation préventive : de l’organisation des dossiers à la mise en place de locaux de stockage...
Enfin, il y a toute une partie « communication » : ainsi, lorsqu’en salle de lecture il y a une demande d’un étudiant qui concerne un dossier « Social » ou « Travail » - secteurs qui entrent dans mon champ de compétence actuel - je dois être à même de le renseigner, de l’orienter dans les fonds, de l’aider à monter les dossiers de dérogation pour demander l’accès à certaines archives encore non librement communicables à tout demandeur...
Comme nous assumons à tour de rôle la présidence de la salle de lecture, il faut être polyvalent, nous devons accueillir, orienter, aider le public, aussi bien l’étudiant que la personne qui voudra reconstituer l’histoire de sa famille, de sa maison...
5. Qu’est-ce qui vous plaît dans ce métier ?
Nous avons, en tant qu’archiviste, quelque chose à faire passer, dans les différents contacts que nous avons, aussi bien avec les services des départements qu’avec le public que nous rencontrons en salle de lecture : cette dimension de contact me plaît particulièrement, ainsi que les actions de formation et de sensibilisation que je mène.
Il faut savoir répondre aux attentes de nos différents publics, expliquer le pourquoi de telle ou telle action...
Nous sommes en amont de la chaîne archivistique (lors de la collecte des documents), et au bout, lorsque nous communiquons les archives et renseignons le public en salle de lecture. Nous voyons ainsi le sens de notre action, de la collecte et conservation des documents, à leur diffusion auprès du plus grand nombre.
Et puis, tout ce qui touche aux enjeux de mémoire est passionnant.
6. Quels sont pour vous les principaux enjeux pour la profession d’archiviste à l’avenir ?
Pouvoir s’approprier les nouvelles technologies, cela me paraît un enjeu important à tous points de vue : collecte, classement, conservation ou mise en valeur d’archives.
Acquérir une meilleure maîtrise du droit en est un autre. La profession doit être aidée par les juristes, à l’heure où le juridique prend de plus en plus d’importance. En effet, il nous faut savoir combien de temps les informations doivent être gardées ou comment elles doivent être communiquées. Les administrations, les services d’archives à leur niveau, doivent pouvoir rendre compte de leur action, répondre à la demande sociale des citoyens comme aux besoins de la recherche.
Il y a également un enjeu pédagogique important, il faut savoir faire passer des messages, créer des outils de communication efficaces et adaptés à nos publics, notamment dans le cadre de nos relations avec les services de nos organisations.
Selon vous, quel rôle l’archiviste doit-il jouer au sein des organisations ?
L’archiviste a un rôle transversal. Il doit pouvoir traiter avec tous les services. Nous avons un double rôle à jouer qui oscille entre maîtrise de l’information, des procédures d’archivage (fonction organisationnelle) et patrimoine (fonction culturelle). L’aspect patrimonial est important, et il faut valoriser notre dimension culturelle, les expositions, le contact avec les publics scolaires, les supports de valorisation (CD ROMS...) que nous publions.