Archiviste aux Archives départementales de Seine-Maritime

Propos de Marie-Edith Enderlé, chargée des archives contemporaines, recueillis en 2005

Marie-Edith ENDERLE-NAUD   mardi 7 juin 2005
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1. Comment avez-vous voulu devenir archiviste ?

Je crois qu’on peut dire que c’est une voca­tion. Je suis un peu « tombée dedans quand j’étais petite », puis­que mes parents étaient archi­vis­tes. J’enten­dais beau­coup parler de la pro­fes­sion, et j’y suis venue par goût. J’ai long­temps hésité entre cette pro­fes­sion et l’ensei­gne­ment, mais ma « voca­tion de tou­jours » d’archi­viste est fina­le­ment restée.

Ce qui m’a atti­rée dans cette pro­fes­sion, c’est le désir de com­pren­dre notre Histoire, notre mémoire, notre héri­tage, mais aussi le fait de pré­ser­ver cette mémoire et de pou­voir « lire l’Homme à tra­vers les archi­ves ». Cette mémoire est vivante, elle permet aussi bien de recons­ti­tuer la « grande Histoire » que la « petite Histoire » : à tra­vers les archi­ves, c’est l’his­toire des hommes, quels qu’ils soient, de leur iden­tité, que l’on pré­serve et que l’on trans­met. Le métier d’archi­viste est vrai­ment enri­chis­sant.

2. Quelle formation avez-vous suivi pour devenir archiviste ?

Après un bac économie, j’ai fait une prépa Chartes à Henri IV. Par la suite, j’ai pris l’option de la for­ma­tion uni­ver­si­taire. J’ai fait une maî­trise d’his­toire géné­rale tout en sui­vant la licence d’archi­vis­ti­que à l’uni­ver­sité d’Angers, et j’ai pour­suivi avec le DESS Histoire et métier des archi­ves d’Angers. J’ai fait partie de la pre­mière pro­mo­tion du DESS, en 1994-1995.

3. Quel a été votre parcours professionnel ?

J’ai tout d’abord tra­vaillé à la DATAR (Délégation à l’amé­na­ge­ment du ter­ri­toire et à l’action régio­nale). Ma mis­sion était d’y res­tau­rer les pro­cé­du­res d’archi­vage, de réor­ga­ni­ser la conser­va­tion des archi­ves et de pré­pa­rer des ver­se­ments aux Archives natio­na­les.

Par la suite, j’ai été embau­chée, comme contrac­tuelle, au Centre de ges­tion de la fonc­tion publi­que ter­ri­to­riale de Seine-Maritime : j’étais « archi­viste iti­né­rante », je devais répon­dre aux deman­des ponc­tuel­les des com­mu­nes pour des pres­ta­tions de clas­se­ment, d’aide à l’orga­ni­sa­tion de leur archi­vage...

J’ai passé le concours externe d’atta­ché ter­ri­to­rial de conser­va­tion du patri­moine, j’ai été reçue, puis titu­la­ri­sée. C’est deux ans après le concours que l’occa­sion s’est pré­sen­tée pour moi d’une muta­tion au Conseil géné­ral, au sein de l’équipe des Archives dépar­te­men­ta­les de Seine-Maritime, et donc d’un chan­ge­ment d’hori­zon pro­fes­sion­nel.

4. Pouvez-vous nous décrire votre travail au quotidien ?

Actuellement, je m’occupe des archi­ves contem­po­rai­nes (archi­ves du dépar­te­ment cons­ti­tuées depuis le 10 juillet 1940). J’ai été recru­tée prin­ci­pa­le­ment pour aller au-devant des admi­nis­tra­tions et des orga­nis­mes publics du dépar­te­ment et mener une action de col­lecte et de sélec­tion des archi­ves.

Il s’agit de faire pren­dre cons­cience en amont de l’impor­tance d’avoir une vraie poli­ti­que de ges­tion des archi­ves - autre­ment dit du patri­moine docu­men­taire - depuis leur créa­tion jusqu’à leur sort final (élimination ou conser­va­tion). On doit déter­mi­ner ce sort selon que ces docu­ments pré­sen­tent ou non un inté­rêt pour l’Histoire : inté­rêt patri­mo­nial ou inté­rêt juri­di­que de long terme.

La ges­tion des archi­ves au quo­ti­dien pré­sente un inté­rêt à la fois dans le pré­sent, dans un souci de cons­ti­tuer des preu­ves, de garan­tie de « tra­ca­bi­lité », de trans­pa­rence et d’effi­ca­cité du ser­vice public, mais aussi, à plus long terme, dans l’idée de rendre compte, pour l’Histoire.

Nous avons un peu une fonc­tion d’ensei­gnant, il nous faut appren­dre à maî­tri­ser les outils de com­mu­ni­ca­tion, et à nous adap­ter à un public dif­fé­ren­cié.

La fonc­tion « clas­se­ment » est également pré­sente, qui vient donner forme à la mémoire engran­gée, par­fois dans des condi­tions extrê­mes (démé­na­ge­ments et chan­ge­ments dans l’orga­ni­sa­tion des struc­tu­res admi­nis­tra­ti­ves, inci­dents cli­ma­ti­ques...) : réor­ga­ni­sa­tion de fonds restés en vrac ou som­mai­re­ment décrits, appui et conseils auprès des ser­vi­ces dans la pré­pa­ra­tion et la des­crip­tion de leurs ver­se­ments... ( ajout par rap­port à votre texte ini­tial : afin de ne pas oublier cette facette du métier, même si elle ne m’occupe pas à plein temps comme d’autres col­lè­gues )

Pour ce qui est de la conser­va­tion, il y a aussi un tra­vail à faire au quo­ti­dien, de conseils auprès des ser­vi­ces pour mettre en place des réflexes de conser­va­tion pré­ven­tive : de l’orga­ni­sa­tion des dos­siers à la mise en place de locaux de sto­ckage...

Enfin, il y a toute une partie « com­mu­ni­ca­tion » : ainsi, lorsqu’en salle de lec­ture il y a une demande d’un étudiant qui concerne un dos­sier « Social » ou « Travail » - sec­teurs qui entrent dans mon champ de com­pé­tence actuel - je dois être à même de le ren­sei­gner, de l’orien­ter dans les fonds, de l’aider à monter les dos­siers de déro­ga­tion pour deman­der l’accès à cer­tai­nes archi­ves encore non libre­ment com­mu­ni­ca­bles à tout deman­deur...

Comme nous assu­mons à tour de rôle la pré­si­dence de la salle de lec­ture, il faut être poly­va­lent, nous devons accueillir, orien­ter, aider le public, aussi bien l’étudiant que la per­sonne qui voudra recons­ti­tuer l’his­toire de sa famille, de sa maison...

5. Qu’est-ce qui vous plaît dans ce métier ?

Nous avons, en tant qu’archi­viste, quel­que chose à faire passer, dans les dif­fé­rents contacts que nous avons, aussi bien avec les ser­vi­ces des dépar­te­ments qu’avec le public que nous ren­controns en salle de lec­ture : cette dimen­sion de contact me plaît par­ti­cu­liè­re­ment, ainsi que les actions de for­ma­tion et de sen­si­bi­li­sa­tion que je mène.

Il faut savoir répon­dre aux atten­tes de nos dif­fé­rents publics, expli­quer le pour­quoi de telle ou telle action...

Nous sommes en amont de la chaîne archi­vis­ti­que (lors de la col­lecte des docu­ments), et au bout, lors­que nous com­mu­ni­quons les archi­ves et ren­sei­gnons le public en salle de lec­ture. Nous voyons ainsi le sens de notre action, de la col­lecte et conser­va­tion des docu­ments, à leur dif­fu­sion auprès du plus grand nombre.

Et puis, tout ce qui touche aux enjeux de mémoire est pas­sion­nant.

6. Quels sont pour vous les principaux enjeux pour la profession d’archiviste à l’avenir ?

Pouvoir s’appro­prier les nou­vel­les tech­no­lo­gies, cela me paraît un enjeu impor­tant à tous points de vue : col­lecte, clas­se­ment, conser­va­tion ou mise en valeur d’archi­ves.

Acquérir une meilleure maî­trise du droit en est un autre. La pro­fes­sion doit être aidée par les juris­tes, à l’heure où le juri­di­que prend de plus en plus d’impor­tance. En effet, il nous faut savoir com­bien de temps les infor­ma­tions doi­vent être gar­dées ou com­ment elles doi­vent être com­mu­ni­quées. Les admi­nis­tra­tions, les ser­vi­ces d’archi­ves à leur niveau, doi­vent pou­voir rendre compte de leur action, répon­dre à la demande sociale des citoyens comme aux besoins de la recher­che.

Il y a également un enjeu péda­go­gi­que impor­tant, il faut savoir faire passer des mes­sa­ges, créer des outils de com­mu­ni­ca­tion effi­ca­ces et adap­tés à nos publics, notam­ment dans le cadre de nos rela­tions avec les ser­vi­ces de nos orga­ni­sa­tions.

Selon vous, quel rôle l’archiviste doit-il jouer au sein des organisations ?

L’archi­viste a un rôle trans­ver­sal. Il doit pou­voir trai­ter avec tous les ser­vi­ces. Nous avons un double rôle à jouer qui oscille entre maî­trise de l’infor­ma­tion, des pro­cé­du­res d’archi­vage (fonc­tion orga­ni­sa­tion­nelle) et patri­moine (fonc­tion cultu­relle). L’aspect patri­mo­nial est impor­tant, et il faut valo­ri­ser notre dimen­sion cultu­relle, les expo­si­tions, le contact avec les publics sco­lai­res, les sup­ports de valo­ri­sa­tion (CD ROMS...) que nous publions.

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