1. Comment avez-vous voulu devenir archiviste ? Peut-on parler d’une vocation ?
On peut parler d’une vocation. J’aimais beaucoup l’Histoire, et, au collège, en classe de troisième, j’ai gagné le concours « l’Historien de demain », qui était alors organisé par la Direction des archives de France. Avec une amie, nous avons donc été récompensées : nous sommes allées à Paris, visiter le Centre Historique des Archives Nationales, nous avons rencontré le directeur des archives de France de l’époque... C’est de là qu’est venu mon désir de devenir archiviste.
Par la suite, j’ai tout fait pour me préparer au mieux à ma future profession... J’ai fait une prépa Chartes au lycée Pierre de Fermat, à Toulouse, puis j’ai fait l’Ecole des Chartes et l’Institut du Patrimoine. A l’Ecole des Chartes, le côté « recherche historique » me manquait un peu, même s’il était assez présent, par le biais de la thèse que nous avons à faire. J’ai donc décidé, deux ans après le début de ma carrière, de refaire de la recherche à la Casa de Velázquez, à Madrid (grand établissement français à l’étranger, au même titre que l’Ecole Française de Rome, d’Athènes...).
2. Quel a été votre parcours professionnel ?
J’ai fait tout d’abord de longs stages aux Archives départementales de Charente-Maritime, ainsi qu’à la mission des Archives nationales auprès du ministère des DOM-TOM. Ces stages ont constitué une très bonne initiation. Puis j’ai commencé ma carrière comme adjointe du directeur des Archives départementales de la Somme. Je m’occupais des contacts avec les services versants, de projets autour de l’informatisation du service : elle avait déjà été en partie entamée, mais il s’agissait de proposer de nouvelles évolutions, de suivre le fonctionnement du logiciel utilisé, de valider sa nouvelle version. Il fallait s’assurer qu’il était bien utilisé, former les agents du service...
Tous les contacts avec les services du département étaient très enrichissants : on découvre d’autres métiers, on a une vision précise du fonctionnement administratif.
Après mon expérience à la Casa de Velázquez puis dans la suite de mes recherches, je suis redevenue un « usager » des services d’archives... Quand je suis revenue, après mon expérience d’adjointe, vraiment enrichissante, j’avais envie de passer à quelque chose de différent. J’ai eu l’opportunité, en 2000, de trouver un poste comme directeur des Archives municipales de Bordeaux.
3. Comment se passe votre travail au quotidien ?
C’est un métier très complet, avec beaucoup de terrain sur certains dossiers. J’ai des missions d’encadrement - il y a treize personnes dans mon service, de suivi des dossiers généraux, je suis en relation avec les autres institutions culturelles de la ville... Je m’occupe également, pour une large part, de ce qui est lié à l’informatisation du service, à la mise en valeur des archives, à la restauration des documents. Pour ce qui est des fonds privés qui sont conservés par les Archives municipales de Bordeaux, je suis en contact avec les propriétaires. Je m’occupe aussi de l’enrichissement de nos collections, notamment par le biais d’achats de documents.
Je suis de près, également, tous les grands chantiers, avec mes collaborateurs. Depuis 2000, le service a beaucoup changé. A mon arrivée, on m’a demandé de définir des objectifs pour le service, de faire un audit, de faire des propositions pour le faire évoluer. J’ai donc fait un schéma directeur, à moyen et long terme. Par la suite, il a fallu mettre en œuvre ces propositions, réunir les agents du service, programmer des formations...
4. Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ?
Le fait d’être en relation avec l’Histoire me plaît particulièrement bien sûr, mais il y a aussi tout un aspect matériel et concret, qui fait que j’ai l’impression de « laisser ma trace ». Quand on a classé un fonds, quand on a participé à l’informatisation d’un service, on peut voir un résultat concret, et durable, de son travail. Ce que j’ai à faire est très varié, cela va de petites choses pratiques, à régler au quotidien, comme un problème avec les gouttières de mon bâtiment, par exemple, à la définition des grandes missions du service ! L’aspect concret de ce métier me plaît beaucoup, tout comme la possibilité d’avoir des activités plus « intellectuelles ».
Le rapport transversal que nous avons, avec les services de la ville, avec les autres institutions culturelles, avec les particuliers, avec les associations locales, est passionnant. On voit tous les projets qui se montent dans une ville, on peut être amené à y participer.
5. Quels seront pour vous les principaux enjeux pour la profession d’archiviste à l’avenir ?
Je pense qu’il faut que nous conservions les deux aspects de notre mission d’archiviste : notre rôle administratif, ainsi que notre rôle culturel. On voit en effet, que, face à la complexification des structures, il y a des métiers de plus en plus spécialisés. Or, il ne faut pas que l’on se laisse gagner par le tout culturel, ou par le tout administratif.
Un autre enjeu est d’éviter une certaine forme de « communautarisation » des archives, qui seraient morcelées selon un thème, ou un groupe socio-culturel... Cela remettrait en cause l’idée, qui nous est chère, du respect des fonds, l’idée de la diversité des documents. Or, je trouve que la diversité du public, dans nos salles de lecture, est merveilleuse.
Après le temps de la diversification du public dans les bibliothèques, après le temps des musées, il faut que vienne le temps des Archives ! La finalité de notre travail, c’est bien que le public de nos salles de lecture augmente ! C’est pour cela qu’il faut éviter que les fonds ne soient morcelés.
Je trouve toujours extraordinaire que dans notre salle de lecture, il y ait à la fois de futurs architectes, des particuliers qui viennent se renseigner sur l’histoire de leur maison, un chercheur australien qui travaille sur l’abolition de l’esclavage à Bordeaux, une personne venue de l’autre bout de la France pour faire sa généalogie ici... Je me dis qu’il n’y a finalement qu’aux Archives que tous ces gens pouvaient se retrouver !
Un autre enjeu important est de mieux se faire connaître, de mieux faire connaître nos missions.
6. Quel doit être selon vous le rôle de l’archiviste dans une organisation ?
Je crois que ses missions doivent être clairement identifiées au sein de l’organisation. Même si nous sommes rattachés à la Culture, il faut que nos missions administratives soient prises en compte, il faut bien les faire comprendre.