Lancé le 20 septembre 2011 à l’échelle mondiale, l’Open Government Partnership adoptait une déclaration pour un gouvernement ouvert qui soulignait en tout premier lieu l’importance d’une « action publique plus transparente et collaborative ». Au même moment, le gouvernement français travaillait à la mise en application de l’article 225 de la loi Grenelle II du 12 juillet 2010, qui imposait aux entreprises d’être plus transparentes sur leurs engagements en matière de responsabilité sociale et environnementale.
La transparence s’est imposée dans notre société des années 2010 comme un des parangons du progrès social. Impliquant un accès facilité aux informations produites par les personnes physiques ou morales, publiques comme privées, dans le cadre de leurs activités, l’obligation de transparence est directement liée au travail des archivistes. Du secteur privé ou du secteur public, chargés d’archives historiques ou de documents courants, ces derniers sont au cœur de la chaîne de transmission de l’information.
La base du travail de l’archiviste est depuis longtemps de mettre à disposition des informations, d’abord à destination de son employeur, puis du grand public, comme l’a très clairement affirmé à la Révolution la loi du 7 Messidor an II. Depuis lors, l’archiviste a accompagné le désir grandissant de la société d’accéder à une meilleure connaissance d’elle-même. Les archivistes ont été aux premières loges pour constater un renforcement de l’intérêt des individus pour un usage très personnel des archives.
La généalogie en est la traduction la plus ancienne et la plus visible, dont l’attrait ne se dément pas. Mais on voit également des lecteurs qui décident de rechercher plus d’informations sur l’histoire de leur maison ou de leur ville. Cette recherche individuelle peut aussi être motivée par un besoin juridique, souvent impérieux et urgent, de prouver un droit individuel.
Partant de la pratique de mise à disposition des documents en salle de lecture, les archivistes se sont pleinement emparés ces dernières années des progrès technologiques pour améliorer l’accès aux documents qu’ils conservent et s’en faire de véritables médiateurs. Ainsi, le numérique a été un facteur important pour donner aux archives une visibilité inédite, notamment par la mise en ligne d’archives numérisées et l’utilisation des réseaux sociaux.
Un saut qualitatif et quantitatif a été fait en matière d’accès : les archivistes donnent accès à beaucoup de données et documents en ligne et fournissent plus d’explications sur la manière de les retrouver. Les archivistes ont également pris des initiatives visant à démocratiser l’accès aux archives et à faire tomber les barrières socioculturelles qui le limitent (des services éducatifs et de médiation à des initiatives plus originales, comme les jeux sous forme d’enquêtes policières dans les archives).
Mais la transparence promue aujourd’hui n’est pas sans limite. La question se pose de l’équilibre à trouver entre ses bénéfices et la protection de certains secrets, dont l’utilité est reconnue par la loi. Cette frontière délicate à trouver, qu’exprimait déjà l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui »), les archivistes ont conscience de son histoire, qui ne date pas des débats d’aujourd’hui. La première loi française sur les archives depuis la Révolution a précisément émergé au tournant des années 1978 et 1979, accompagnée des législations garantissant l’accès aux documents administratifs et la protection des données à caractère personnel. Agent institutionnel chargé d’appliquer le droit, l’archiviste a été aussi dans ce contexte le gardien du temple, protecteur des secrets.
Cette position a pu mettre les archivistes en porte-à-faux avec le besoin de la société, sans cesse réaffirmé, de disposer – durablement et de plus en plus directement – de sources d’informations riches et complètes, couvrant tous les aspects d’une époque donnée afin de pouvoir rechercher la vérité. Le débat actuel autour de la notion d’archives essentielles et la consultation du ministère de la Culture « Archives pour demain » montrent bien la persistance de ce besoin. La complexité du travail de l’archiviste, de ses contraintes et de ses méthodes, souvent mal connues du grand public, ont pu également renforcer le soupçon qu’il cachait quelque chose.
Aujourd’hui, accéder à l’information, ce n’est plus seulement pouvoir rechercher la vérité, c’est aussi un moyen d’agir efficacement au quotidien. Comme le numérique, encore plus via nos smartphones, nous permet un accès permanent et immédiat à l’information, il a fait naître une soif d’usages quotidiens nous permettant de mieux maîtriser notre environnement. Le mouvement de l’open data en est la manifestation la plus visible, dont l’articulation avec le travail des archivistes reste à concrétiser.
Ce récit succinct du rôle des archivistes dans l’histoire de la transparence soulève déjà des interrogations et mériterait d’être approfondi à de multiples endroits. Mais on perçoit également une évolution même de ce que recouvre la transparence, sous l’effet de la « désintermédiation » prétendument permise par le numérique. L’archiviste, comme d’autres acteurs de la production, de la conservation et de la transmission des sources d’information (dirigeants publics et privés, informaticiens, historiens, sociologues, ethnologues, data scientists, lanceurs d’alerte, journalistes, hommes politiques…), voit son rôle de tiers de confiance remis en cause par des usagers de plus en plus variés.
Même s’il s’agit d’un forum professionnel d’archivistes, il serait particulièrement intéressant que cet événement ne soit pas seulement l’occasion d’une réflexion sur les pratiques professionnelles archivistiques, mais également d’un partage avec les usagers et avec les professions qui participent de la production de l’information dans notre société, afin de croiser les analyses et les expériences.
Pour traiter l’ensemble de ces sujets, le comité scientifique a identifié trois questions, chacune déclinée en trois axes (pour découvrir en détails les problématiques couvertes par chacun des axes, nous vous invitons à consulter le document de réflexion produit par le comité scientifique).
Question n°1 : Quels sont les besoins de la société civile en matière d’archives ?
Axe 1.1 : Rechercher la vérité.
Axe 1.2 : Maîtriser la vie quotidienne.
Axe 1.3 : Mieux se connaître.
Question n°2 : Comment l’archiviste donne-t-il accès aux archives ?
Axe 2.1 : Les efforts des archivistes pour mieux faire connaître leurs fonds et les innovations en ce sens…
Axe 2.2 : … mais la persistance de la méconnaissance de l’« atelier de l’archiviste ».
Axe 2.3 : Le travail des archivistes face aux défis du numérique.
Axe 3.1 : Le droit de l’accès aux archives et de la diffusion des informations.
Axe 3.2 : Les droits limitatifs de l’accès aux archives ou de la diffusion de l’information.
Axe 3.3 : Le droit de la confiance dans la sincérité des moyens du numérique.
Pour candidater, veuillez lire les https://forum.archivistes.org/programme/appel-a-contribution/a-lire-avant-de-candidater/ et proposer une communication ou un atelier grâce aux formulaires.