Vers une nation sans mémoire ?

Communiqué de presse de l’AAF en réaction à la RGPP

mercredi 9 juillet 2008
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VERS UNE NATION SANS MEMOIRE ?

Depuis quel­ques mois est annon­cée la dis­pa­ri­tion de la direc­tion des Archives de France dans le cadre de la RGPP. Cette dis­pa­ri­tion est main­te­nant actée, et le pilo­tage de la fonc­tion archi­ves se trouve fondu, au minis­tère de la Culture et de la Communication, dans une « direc­tion géné­rale des patri­moi­nes de France ».
L’Association des archi­vis­tes fran­çais, qui repré­sente une large majo­rité des res­pon­sa­bles et des col­la­bo­ra­teurs des ser­vi­ces d’archi­ves publics et privés, ne peut s’y résou­dre.

1) Les archi­ves sont l’arse­nal juri­di­que et infor­ma­tion­nel de l’Etat, avant même d’en repré­sen­ter le patri­moine maté­riel et imma­té­riel.
Elles sont aussi un outil majeur pour l’exer­cice de la démo­cra­tie. Elles ne peu­vent être rédui­tes à un ensem­ble patri­mo­nial.

La cons­ti­tu­tion des archi­ves dès leur pro­duc­tion s’ins­crit donc dans le cadre de la défense des inté­rêts de l’Etat et des pou­voirs publics. Un dos­sier se cons­ti­tue et se conserve de façon volon­taire parce qu’il est au ser­vice d’une poli­ti­que ou d’un projet. Mais il est aussi col­lecté et conservé dans les ser­vi­ces d’archi­ves afin que tout un chacun puisse y avoir accès, condi­tion sine qua non d’un Etat de droit.

La col­lecte des archi­ves publi­ques ne sau­rait donc s’assi­mi­ler à la cons­ti­tu­tion des col­lec­tions ou la poli­ti­que d’entrée d’objets dans un musée.

2) Les archi­ves sont la source pre­mière de la recher­che. Ce ne sont pas des infor­ma­tions au même titre que les autres, mais bien des sour­ces ori­gi­na­les, quel que soit leur sup­port et à ce titre tou­jours situées dans un contexte qui permet leur exploi­ta­tion scien­ti­fi­que.

3) La fonc­tion archi­ves doit être pilo­tée par l’Etat. Lui seul peut non seu­le­ment pour­sui­vre ces mis­sions en les moder­ni­sant, mais aussi animer le réseau des archi­ves publi­ques en France, fort d’un mil­lier de ser­vi­ces d’archi­ves cen­tra­les et ter­ri­to­ria­les. Ce réseau mérite et néces­site une tête solide, visi­ble, capa­ble de l’animer, mais aussi de lui four­nir le cadre nor­ma­tif sur lequel il s’appuie. La garan­tie pour les pou­voirs publics, les citoyens et les cher­cheurs de retrou­ver une infor­ma­tion fiable et intè­gre passe par le main­tien de ce réseau.
Le rat­ta­che­ment au minis­tère de la Culture est-il encore per­ti­nent ? Sa nou­velle orga­ni­sa­tion sures­time en effet l’aspect patri­mo­nial au détri­ment de la ges­tion homo­gène de l’infor­ma­tion.

4) La place de la France dans le mou­ve­ment archi­vis­ti­que inter­na­tio­nal, qu’elle a créé il y a 60 ans, est remise en cause, alors que rien ne le jus­ti­fie, ni les nom­breu­ses mani­fes­ta­tions liées à la pré­si­dence fran­çaise de l’Union euro­péenne au second semes­tre 2008, ni la place de pre­mier plan prise par les archi­vis­tes fran­çais dans les struc­tu­res du Conseil inter­na­tio­nal des archi­ves depuis sa créa­tion.

Pour toutes ces rai­sons, il nous paraît indis­pen­sa­ble que l’Etat prenne cons­cience qu’il est en train de détruire un outil dont la perte lui coû­tera plus qu’il n’y gagnera, et qui sans nul doute à terme conduira à des dis­pa­ri­tions mas­si­ves de docu­ments.

Au moment où une nou­velle loi vient de réaf­fir­mer en France le droit de tous à l’accès aux archi­ves, l’AAF ne peut se rési­gner au gâchis de déci­sions hâti­ves et mal infor­mées sur la nature et les enjeux de l’archi­vage et des archi­ves. Nous deman­dons donc que la struc­ture de pilo­tage de la poli­ti­que d’archi­vage en France soit main­te­nue et déve­lop­pée à un haut niveau de l’Etat, avec des mis­sions ren­for­cées de contrôle tant inter­mi­nis­té­riel que natio­nal.

Retrouvez le com­mu­ni­qué en PDF

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