À la suite de l’examen du projet de loi Numérique par la commission des lois du Sénat, l’article 4 alinéa 11 du projet de loi est rédigé de façon à ce que « les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2 ne sont pas tenues de publier les archives publiques issues des opérations de sélection prévues aux articles L. 212-2 et L. 212-3 du code du patrimoine. ». La commission annule ainsi la disposition adoptée en première lecture par les députés selon laquelle toutes les archives disponibles sous forme électronique devaient être publiées en ligne Très loin d’une mesure de fermeture des archives, il s’agit simplement là d’une mesure de bon sens.
Nous rappelons tout d’abord que le procès d’intention fait aux services d’archives sur le manque d’accès aux ressources est nul et non avenu, comme en témoigne le fait que l’État et les collectivités ont mis en ligne depuis plus de 10 ans des dizaines de millions de documents d’archives et des milliers d’instruments de recherche, faisant des services d’archives qui les gèrent les institutions culturelles les plus avancées dans la mise à disposition de ressources en ligne. En dépit du contexte financier de plus en plus contraint qu’elles connaissent, les Archives et leurs tutelles, prenant pleinement en compte la demande des usagers, poursuivent d’ambitieux programmes de numérisation et de mise en ligne à un rythme soutenu (2010 : 181,5 millions de pages en ligne ; 2014 : 346 millions, comme en témoigne les rapports réguliers sur le site www.archivesdefrance.culture.gouv.fr ).
De plus, rappelons que, dans la limite des règles légales de communicabilité et de diffusion (notamment des données à caractère personnel), les archives numérisées ou numériques mais non publiées en ligne sont toujours accessibles au citoyen sur simple demande, en local ou sous forme de copie numérique, conformément aux dispositions du Code des relations entre le public et l’administration.
Pour autant, la suppression du système dérogatoire tel qu’il a été voté à l’Assemblée nationale, qui prévoyait l’obligation de publier en ligne toutes les archives historiques dès lors qu’elles sont sous format numérique, faisait porter notamment aux collectivités une charge aussi bien nouvelle que conséquente sur les plans humain, matériel et financier, afin d’assurer la publication de gros volumes de données, et fragilisait de fait la mission d’accès aux documents et données, que nous considérons comme primordiale.
Ainsi, si l’AAF soutient et soutiendra toute initiative visant à atteindre les objectifs de communication et valorisation des archives, car ce sont les buts ultimes de leur conservation, elle affirme qu’une suppression éventuelle du régime dérogatoire aura l’effet inverse de celui visé, à savoir qu’elle les amènera à ralentir voire interrompre les programmes de numérisation d’archives, faute de pouvoir en assurer la publication immédiate.
L’AAF rappelle en revanche que la numérisation et la mise en ligne des archives supposent qu’elles aient préalablement fait l’objet d’une sélection qualitative et quantitative, d’un classement et de descriptions dont les critères, issus d’une pratique professionnelle pluri-centenaire, sont objectifs, publics et publiés (site des Archives de France, instructions de tri et de classement, etc.).
Ces opérations de classement et d’inventaire représentent un travail considérable qui a permis les résultats spectaculaires que nous connaissons aujourd’hui. Or des masses d’archives, notamment dans les fonds contemporains, ne sont pas encore dotés d’instruments de recherche efficients, en dépit des efforts des professionnels, et restent donc difficilement accessibles au public.
Les moyens humains et financiers disponibles devraient donc prioritairement être portés sur le travail d’inventaire et sur la publication des instruments de recherche, ou encore permettre de systématiser la mise en ligne des répertoires de documents contenant des informations publiques. C’est là que nous semble se situer la première exigence démocratique, car, à notre sens, le vrai défi de notre époque numérique n’est pas de visualiser la source, c’est de savoir qu’elle existe et où elle peut être consultée. L’AAF, qui salue la modification apportée par les Sénateurs de la commission des Lois au texte voté par l’Assemblée nationale, invite donc les parlementaires à conforter l’équilibre existant dans l’intérêt des politiques de numérisation, et donc du public.
A propos de l’AAF :
Fondée en 1904, l’Association des archivistes français regroupe aujourd’hui plus de 1 800 adhérents, professionnels des archives du secteur public comme du secteur privé.
Consciente du défi que représente, dans le monde contemporain, la maîtrise de la production archivistique et de l’information qu’elle renferme, l’AAF se définit comme un organe permanent de réflexions, de formations et d’initiatives mis au service des sources de notre histoire, celles d’hier comme celles de demain. L’association entend en cela défendre les intérêts des professionnels, promouvoir le métier d’archiviste et sensibiliser le grand public à l’importance citoyenne des archives en France mais également à travers le monde.