Réforme de l’état civil : quelles garanties pour le citoyen ?

Paris, le 23 mai 2016 – Le projet de loi pour une justice du XXIe siècle vise à moderniser la gestion de l’état-civil, en dispensant, sous certaines conditions, les communes de la double tenue des registres de l’état civil. L’Association des archivistes français réaffirme le droit de tout citoyen d’exiger la garantie de son identité par des données d’état civil fiables, quel que soit leur support

lundi 23 mai 2016
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Les actes d’état civil sont les écrits par les­quels l’offi­cier d’état civil cons­tate d’une manière authen­ti­que les prin­ci­paux événements dont dépend l’état d’une per­sonne : la nais­sance, la reconnais­sance d’un enfant, le mariage et le décès.
Depuis plu­sieurs siè­cles (ordon­nan­ces de Villers-Cotterêts de 1539 et de Saint-Germain-en-Laye de 1667), l’état civil est établi en deux exem­plai­res iden­ti­ques : les deux exem­plai­res sont signés par les ayants-cause ou leurs repré­sen­tants et leurs témoins, et authen­ti­fiés par l’offi­cier d’état civil. L’un des dou­bles est conservé dans les archi­ves de la com­mune, l’autre au greffe du tri­bu­nal de grande ins­tance. Cette double exi­gence (d’authen­ti­cité des actes et de conser­va­tion des regis­tres en deux lieux dis­tincts) est essen­tielle et indis­pen­sa­ble pour assu­rer vala­ble­ment la fonc­tion de recons­ti­tu­tion assi­gnée au double des regis­tres de l’état civil en cas de des­truc­tion d’un des deux exem­plai­res (vol, incen­die, dégra­da­tions, inon­da­tions, etc.).
Depuis bien­tôt 20 ans (décret n°97-852 du 16 sep­tem­bre 1997), les com­mu­nes sont auto­ri­sées à établir les actes d’état civil au moyen d’un pro­cédé infor­ma­ti­que. Aujourd’hui, de nom­breu­ses com­mu­nes sont équipées de sys­tè­mes infor­ma­ti­ques qui leur per­met­tent d’enre­gis­trer et de sto­cker les actes d’état civil sous format numé­ri­que ; ces sys­tè­mes faci­li­tent par ailleurs la recher­che pour la déli­vrance des copies d’actes d’état civil. Cette infor­ma­ti­sa­tion de l’état civil est notam­ment enca­drée par la norme sim­pli­fiée n°43 de la CNIL qui rap­pelle les règles d’établissement, de déli­vrance et de conser­va­tion des don­nées de l’état civil dans le cadre de la mise en place d’un trai­te­ment auto­ma­tisé.
L’arti­cle 18 de la loi pour une jus­tice du XXIe siècle a pour ambi­tion de moder­ni­ser l’état civil par la reconnais­sance de l’exis­tence des bases de don­nées de l’état civil et des sys­tè­mes d’infor­ma­tion de ges­tion de l’état civil et la pos­si­bi­lité pour les com­mu­nes d’être dis­pen­sées de l’obli­ga­tion de l’établissement des actes et regis­tres en double exem­plaire sous réserve qu’elles rem­plis­sent des garan­ties tech­ni­ques et juri­di­ques pré­vues par décret en conseil d’État.
Pour autant, est-il pré­cisé dans l’étude d’impact qui accom­pa­gne le projet de loi : « ces don­nées ainsi reconnues juri­di­que­ment ne dis­po­se­raient pas de la valeur authen­ti­que atta­chée aux actes de l’état civil établis sous format papier ; En revan­che, confor­mes au contenu des actes de l’état civil, elles peu­vent uti­le­ment servir de base à la déli­vrance des copies ou extraits de ces actes. En outre ces don­nées pour­raient uti­le­ment et faci­le­ment per­met­tre la recons­ti­tu­tion des actes en cas de des­truc­tion du regis­tre papier ».
Le texte résul­tant des déli­bé­ra­tions de l’assem­blée natio­nale – le vote solen­nel aura lieu mardi 24 mai 2016 - ne fait pas réfé­rence au carac­tère authen­ti­que des don­nées électroniques enre­gis­trées dans les sys­tè­mes de ges­tion électronique de l’état civil et ame­nées à rem­pla­cer le second regis­tre de l’état civil.
En l’état, le citoyen est donc en droit de s’inter­ro­ger sur la fia­bi­lité de ces don­nées électroniques. Leur statut de double authen­ti­que n’étant pas confirmé, peu­vent-elles vala­ble­ment jouer leur fonc­tion de recons­ti­tu­tion des actes en cas de dis­pa­ri­tion du regis­tre papier ?
Par ailleurs, les don­nées de l’état civil doi­vent pou­voir être conser­vées au moins pen­dant toute la durée de vie d’une per­sonne puis sans limi­ta­tion de temps dans les archi­ves de la com­mune ou aux archi­ves dépar­te­men­ta­les. Là encore, quel­les condi­tions garan­tis­sent au citoyen l’accès à ses don­nées, dans le temps et la pos­si­bi­lité de les lire ?
Poser un socle commun de normes juri­di­ques et tech­ni­ques de sécu­ri­sa­tion des don­nées de l’état civil est indis­pen­sa­ble mais réduire la ques­tion de la conser­va­tion des don­nées électroniques de l’état civil à des mesu­res de sto­ckage sécu­risé est insuf­fi­sante et dan­ge­reuse, sous peine d’une régres­sion de plu­sieurs cen­tai­nes d’années quant à la conser­va­tion de l’état civil des per­son­nes. Le sys­tème fran­çais a été copié dans de nom­breux pays jus­te­ment pour la sécu­rité qui entoure la pos­si­bi­lité de recons­ti­tuer l’état civil d’un indi­vidu.
Animée par le souci de la défense des droits indi­vi­duels et de la mis­sion de ser­vice public essen­tielle qu’est la tenue de l’état civil, l’AAF demande à ce que les condi­tions d’éligibilité à la dis­pense soient ren­for­cées, en intro­dui­sant notam­ment une double exi­gence d’authen­ti­cité des don­nées électroniques, par réfé­rence l’arti­cle 1316-4 du Code civil, et de péren­nité.

À propos de l’AAF :

Fondée en 1904, l’Association des archivistes français regroupe aujourd’hui plus de 1 800 adhérents, professionnels des archives du secteur public comme du secteur privé.
Consciente du défi que représente, dans le monde contemporain, la maîtrise de la production archivistique et de l’information qu’elle renferme, l’AAF se définit comme un organe permanent de réflexions, de formations et d’initiatives mis au service des sources de notre histoire, celles d’hier comme celles de demain. L’association entend en cela défendre les intérêts des professionnels, promouvoir le métier d’archiviste et sensibiliser le grand public à l’importance citoyenne des archives en France mais également à travers le monde.

Pour plus d’informations : www.archivistes.org



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