Appel « Pas d’instrumentalisation de l’histoire, pas de mépris des professionnels ! »

Laurent Gervereau, président du Réseau des Musées de l’Europe, a lancé un appel pour exposer 3 points particulièrement inquiétants autour du projet de Maison de l’histoire de France.
L’Association des archivistes français soutient cet appel et fait partie des signataires.

vendredi 7 janvier 2011
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L’appel

Pas d’ins­tru­men­ta­li­sa­tion de l’his­toire, pas de mépris des pro­fes­sion­nels !

Le projet de Maison de l’his­toire de France est inquié­tant sur trois points cen­traux, méri­tant d’être cla­ri­fiés et qui mon­trent com­bien ce dos­sier a été mené sans connais­sance véri­ta­ble du ter­rain et sans concer­ta­tion.

 Sur le concept his­to­ri­que : allons-nous refaire le Musée à toutes les gloi­res de la France de Louis-Philippe au châ­teau de Versailles assorti de nou­vel­les tech­no­lo­gies ? Cela n’est ni l’état de la science his­to­ri­que aujourd’hui, ni le reflet de ce qu’est notre pays dont le ter­ri­toire excède le conti­nent euro­péen et à l’his­toire colo­niale forte, ni la néces­sité de repè­res pour nos clas­ses sco­lai­res. Il faut cla­ri­fier en affir­mant la néces­sité de pren­dre des his­toi­res-ter­ri­toi­res dans la longue durée (de la pré­his­toire à nos jours), tou­jours ouver­tes (du local au mon­dial, en pas­sant bien sûr par la dimen­sion natio­nale et conti­nen­tale), et se sou­ciant de com­pré­hen­sions mul­ti­ples (dans le désor­dre et sans aucune exhaus­ti­vité : his­toire des conflits, his­toire des échanges, his­toire économique, his­toire des femmes, his­toire des images, his­toire sociale, his­toire cultu­relle, his­toire dynas­ti­que…).. Une maison d’his­toire se conçoit enfin vers des publics très variés, ce qui induit des niveaux divers de dis­cours et de scé­no­gra­phies : elle pense un tra­vail spec­ta­cu­laire et popu­laire pour atti­rer les famil­les (tout en étant scien­ti­fi­que­ment indis­cu­ta­ble), mais aussi des pré­pa­ra­tions en amont avec tout le réseau péda­go­gi­que. Elle parle aux tou­ris­tes et pro­duit, via Internet, pour au-delà de nos fron­tiè­res.

 Sur la par­ti­ci­pa­tion des scien­ti­fi­ques : pour­quoi ce lieu serait-il seu­le­ment la maison de quel­ques spé­cia­lis­tes renom­més, excluant d’autres tout aussi res­pec­ta­bles ? Une Maison d’his­toire doit être ouverte et réac­tive. Elle doit abri­ter de plein droit toutes les ins­ti­tu­tions pro­dui­sant de la recher­che his­to­ri­que. Elle doit per­met­tre de cons­ti­tuer autant de conseils scien­ti­fi­ques ad hoc que d’opé­ra­tions, asso­ciant des per­son­na­li­tés mais aussi offrant des débou­chés pour les jeunes cher­cheurs. Elle doit pou­voir s’ouvrir à toutes les dis­ci­pli­nes qui ser­vent au tra­vail his­to­ri­que, de l’économie à l’héral­di­que, de l’his­toire de l’art à l’eth­no­lo­gie… Elle doit aider aux échanges et à la pro­duc­tion natio­nale et inter­na­tio­nale.

 Sur le pilo­tage scien­ti­fi­que et cultu­rel : quelle raison y a-t-il pour une mise à l’écart des scien­ti­fi­ques du patri­moine, de tous les patri­moi­nes ? Voilà un aspect très cho­quant passé sous silence. Outre le peu de concer­ta­tion avec les archi­vis­tes (ou d’ailleurs les biblio­thé­cai­res), les conser­va­teurs de musées ont été tenus en dehors de ce tra­vail. Il faut pour­tant des spé­cia­lis­tes de patri­moi­nes variés pour faire vivre une Maison d’his­toire. Dès le pre­mier congrès en 1992 de l’Association inter­na­tio­nale des musées d’his­toire, l’aspect tota­le­ment poly­mor­phe des col­lec­tions dans ce type d’ins­ti­tu­tion fut d’ailleurs sou­li­gné. Et puis, sans conser­va­tisme ou cor­po­ra­tisme mais avec logi­que, pour­quoi les conser­va­teurs —dont c’est le métier et qui ont lon­gue­ment réflé­chi à ces pro­blé­ma­ti­ques— seraient inca­pa­bles de mener un tel tra­vail ? Le Deutsches Historisches Museum de Berlin, cité en exem­ple, a été conçu dans l’indé­pen­dance par deux anciens direc­teurs du Musée de la ville de Munich. Le MOMA à New York ou le Victoria & Albert à Londres sont diri­gés par des pro­fes­sion­nels de musées. La France aurait-elle les pires pro­fes­sion­nels au monde ? Ils se connais­sent pour­tant de longue date, ce qui faci­lite les échanges néces­sai­res. Ils ont établi des réseaux avec toutes les ins­ti­tu­tions en France et à l’étranger. Ils ont fait leurs preu­ves sur des opé­ra­tions concrè­tes. Ils sont des garants d’indé­pen­dance.

Si un jour une ins­ti­tu­tion comme la Maison d’his­toire doit voir le jour dans le contexte bud­gé­taire dif­fi­cile actuel, nous deman­dons des cla­ri­fi­ca­tions publi­ques nettes sur ces 3 points fon­da­men­taux.

Les sou­tiens sont à envoyer à Laurent Gervereau : ger­ve­reaul@g­mail.com

(Laurent Gervereau est Président du Réseau des musées de l’Europe. Il a créé l’Association inter­na­tio­nale des musées d’his­toire, bâti de nom­breux congrès inter­na­tio­naux, fondé et pré­sidé le Conseil des musées d’his­toire en France et co-dirigé notam­ment le Guide des musées et col­lec­tions d’his­toire en France. Il est membre de très nom­breux conseils scien­ti­fi­ques de musées en France et à l’étranger)

Liste des premiers soutiens

(les listes de cet Appel récent sont don­nées dans l’ordre d’arri­vée des sou­tiens et s’aug­men­tent chaque jour ; beau­coup ont aussi exprimé leur adhé­sion cha­leu­reuse, sans vou­loir que leur nom appa­raisse, par obli­ga­tion de réserve ; nous n’avons pas mis les titres des signa­tai­res mais il s’agit géné­ra­le­ment des direc­teurs ou pré­si­dents d’ins­ti­tu­tions, conser­va­teurs, pro­fes­seurs d’uni­ver­sité…)

Organisations :

Ligue de l’Enseignement ; Association géné­rale des conser­va­teurs ; Association des pro­fes­seurs d’his­toire-géo­gra­phie ; Centre Européen de la Culture (Genève) ; OCIM (Office de Coopération et d’Information Muséographiques) ; ESCOM ET AAR (Fondation Maison des Sciences de l’Homme) ; Association des archi­vis­tes fran­çais ; Fédération des écomusées et musées de société…

Professionnels (les 50 pre­miers signa­tai­res) :

Elikia M’Bokolo (Ecole des hautes études en scien­ces socia­les-EHESS) ; Jean-Yves de Lépinay (Forum des Images) ; Christian Zeimert (artiste) ; Marie-Louise von Plessen (com­mis­saire d’expo­si­tions inter­na­tio­na­les, membre de l’équipe fon­da­trice du Deutsches Historisches Museum à Berlin, épouse de Pontus Hulten) ; Eric Favey (Ligue de l’Enseignement) ; Fabienne Xavière Sturm (direc­trice de musée, La Chaux-de-Fond) ; Jacques Portes (Association des pro­fes­seurs d’his­toire-géo­gra­phie) ; Christophe Vital (Association géné­rale des conser­va­teurs) ; Elsa Maillot (artiste) ; Roger Mayou (Musée inter­na­tio­nal de la Croix Rouge à Genève et ancien Président du Conseil de l’Université de Genève) ; Christian Amalvi (Université de Montpellier) ; Alain Ruscio (Université de Montpellier) ; Jean Vigreux (Université de Besançon) ; Véronique Fau-Vincenti (Musée d’his­toire vivante, Montreuil) ; Michèle Riot-Sarcey (Université de Paris VIII) ; Michel Breton (muséo­gra­phe) ; Christine Menzaghi (Ligue de l’Enseignement) ; Sylviane Dupuis (Université de Genève) ; Thierry Sarfis (gra­phiste et ensei­gnant) ; Claire Sécail (CNRS) ; Vincent Chenille (Bibliothèque natio­nale de France) ; Gérard Monnier (Université Paris I) ; Muriel Chemouny (Fondation Maison des Sciences de l’Homme) ; Geneviève Fraisse (phi­lo­so­phe, CNRS) ; Charles Méla (Fondation Bodmer) ; Julie Guiyot-Corteville (Musée d’his­toire de la ville de Saint-Quentin) ; Gérard Paris-Clavel (gra­phiste) ; François Hubert (Musée d’Aquitaine, Bordeaux) ; Jean-Paul Le Maguet (Musée de Bretagne, Rennes) ; Guy Schockaert (Président d’ICOGRADA, gra­phiste et artiste belge) ; Louis-Jean Gachet (Office de Coopération et d’Information Muséographiques-OCIM) ; Elisabeth de Pablo (Fondation Maison des Sciences de l’Homme) ; Aurélie Utzeri (Musée du Vivant, musée inter­na­tio­nal sur l’écologie) ; Michelle Perrot (Université Paris VII) ; Jean-Paul Ameline (Musée natio­nal d’art moderne-Centre Georges Pompidou) ; Philippe Buton (Université de Reims) ; Arnaud Mercier (Université de Metz) ; Jean-Pierre Bertin-Maghit (Université Paris III) ; Laure Barbizet-Namer (direc­trice de média­thè­que) ; Jacques Girault (Université Paris XIII) ; Francis Jolly (Maison du Geste et de l’Image, Paris) ; Barbara de la Motte Saint Pierre (artiste) ; Nancy Berthier (Université Paris IV) ; Christophe Barbotin (Musée du Louvre) ; Christian Delporte (Université Versailles-Saint Quentin, Centre d’his­toire cultu­relle) ; Elisabeth Pénisson (Musée gallo-romain, Périgueux) ; Gérard Sabatier (Université de Grenoble et Centre de recher­ches du châ­teau de Versailles) ; Philippe Kaenel (Université de Lausanne) ; Xavier de la Selle (Archives de Villeurbanne, Association des archi­vis­tes fran­çais), Jean-Louis Cohen (New York University)…

Photo CC Frédérique Panassac

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