Les possibilités de recrutement offertes depuis 2010 tant pour les secrétaires de documentation que pour les chargés d’études documentaires n’ont pas permis de répondre aux besoins de l’ensemble du réseau des archives publiques. Dès lors la gestion de la pénurie oblige le ministère à arbitrer tantôt au détriment des Archives départementales, tantôt au détriment des 3 SCN ou encore au détriment des autres services du réseau des archives. À quand une politique de recrutement à la hauteur des ambitions et des enjeux, qui ne lésera aucun des acteurs du réseau ?
Les lauréats du concours CHED attendus à l’automne (28 sur la liste principale et 56 sur la liste complémentaire pour le réseau des archives) ne suffiront pas à renforcer ni à stabiliser sur le long terme les effectifs. Par exemple les 15 postes prévus pour les SCN sont inférieurs aux 20 postes vacants actuellement. Dans le même temps, les services territoriaux sont régulièrement contraints de voir des postes État disparaître.
À cela s’ajoutent des difficultés générées par l’organisation des concours de la filière de documentation. L’intervalle qui s’écoule entre deux sessions peut aller jusqu’à 6 ou 7 ans. En l’absence de tuilage entre le calendrier des concours de CHED et de SECDOC, l’ascenseur social que ces concours pourraient représenter ne fonctionne pas. Enfin, contrairement aux concours de la filière culturelle territoriale, les options choisies par les candidats (documentation, archives, régie d’œuvre) ne sont pas prises en compte lors des nominations des lauréats sur poste. Les postes d’archivistes sont rarement pourvus par des archivistes de formation qui paradoxalement/malheureusement connaissent peu cette filière de recrutement. Dès lors, il est difficile à moyen terme de retenir dans les services d’archives des agents qui aspirent à exercer dans d’autres institutions patrimoniales. La reconnaissance des archivistes passe aussi par celle des spécificités d’un métier à part entière, ainsi que par l’adéquation entre formation, statut et fonction.
Les Archives nationales en ont fait l’amère expérience lors des derniers concours de la filière documentation. Sur la petite trentaine de nouveaux arrivants (16 CHED, 10 SECDOC) affectés en 2012 à la faveur de l’ouverture du site de Pierrefitte-sur-Seine, seuls 10 sont encore présents 5 ans après.
L’Association des archivistes français a par ailleurs déjà eu l’occasion d’attirer l’attention sur la situation des conservateurs, en particulier de ceux qui sont mis à disposition par l’État en collectivité [1]. Dans les archives, c’est donc l’ensemble des corps scientifiques du ministère de la Culture qui sont aujourd’hui fragilisés.
L’Association des archivistes français réclame une politique ambitieuse de recrutement pour que le ministère de la Culture offre ainsi aux services d’archives les moyens de faire face sereinement à leur avenir et d’exercer pleinement leurs missions. Les archives ont trop longtemps vécu dans un contexte de restriction des effectifs, il est temps de leur donner un second souffle, à la mesure de leur ambition, alors même que de grands enjeux stratégiques, encore récemment identifiés par la Cour des comptes sont devant nous [2].