Vous trouverez ci-dessous et en pièce jointe le communiqué commun ainsi que le courrier AAF-ANAI envoyé au fonctionnaire de la Représentation permanente de l’Italie auprès de l’UE, qui traite le dossier Règlement privacy pour la présidence italienne du Conseil européen.
Le communiqué
Les associations nationales des archivistes français (AAF) et italiens (ANAI) souhaitent que le Conseil, le Parlement et la Commission de l’Union européenne (UE) prennent en considération les inquiétudes des professionnels qui, travaillant dans les archives courantes, intermédiaires et historiques d’organismes publics et privés, traitent des données personnelles auxquelles s’appliquera le Règlement en cours d’élaboration.
Les associations d’archivistes sont entièrement d’accord avec l’initiative de doter l’UE d’un instrument juridique qui mette un frein à l’utilisation abusive des données personnelles par les organisations qui collectent et conservent ces données afin de constituer des « profils » individuels des citoyens, dont l’usage pour le harcèlement commercial n’est pas le seul danger.
Toutefois les archivistes considèrent comme inacceptable la solution d’imposer la destruction systématique des données personnelles ou leur anonymisation, dans un court délai après le traitement appliqué pour la finalité première.
En 2013, les associations d’archivistes de l’Europe ont lancé sur change.org une pétition internationale qui a recueilli plus de 51.000 signatures et, dans leurs pays respectifs, ils ont sollicité à ce sujet les candidats aux élections du 25 mai 2014 au Parlement européen.
On ne doit pas opposer un « droit à l’oubli » de l’individu - qui peut être raisonnable à certaines conditions - au « droit à la mémoire » de la communauté toute entière. Ce sont en effet des principes qui peuvent coexister dans un environnement archivistique et juridique correct.
Juste avant son renouvellement, le Parlement européen a approuvé le 12 mars 2014 une version du Règlement qui, tenant compte de certaines critiques, a introduit des limites à l’obligation de destruction des données. En effet l’article 83 prévoit actuellement que dans les législations nationales, on puisse introduire des dérogations à la règle générale en faveur de la recherche scientifique, statistique et historique.
Les associations d’archivistes demandent que la rédaction finale du Règlement tienne
compte des points suivants :
1) la vie privée des citoyens (y compris un droit relatif à l’oubli, inclus dans la réglementation sur les modes d’accès nominatif aux données via les moteurs de recherche) doit être sauvegardée sans rendre obligatoire la destruction des données personnelles à l’issue du traitement originel. Mais cette sauvegarde devrait être assurée avec des garanties sur une conservation distincte, confiée à des archivistes professionnels et dont l’accès serait rigoureusement réglementé.
2) l’intérêt public de la conservation des données personnelles, et des archives qui les contiennent, devrait être établi dans les grandes lignes au niveau européen, et dans les détails par les législations nationales.
3) déterminer l’intérêt public de la conservation ne devrait pas être exclusivement lié au caractère public de la structure qui produit ou détient les données. Les administrations publiques des archives devraient pouvoir reconnaître l’intérêt de certaines archives privées et pouvoir, dans ce cas, s’entendre avec les producteurs pour se charger de la conservation.
4) ce même intérêt public de la conservation ne doit pas être lié seulement à l’intérêt historique, mais aussi à la défense des droits, à la liberté d’expression et d’information et à des exigences sociales très générales. Ainsi par exemple, les enquêtes menées sur certaines maladies, notamment héréditaires ou à très longue incubation, n’ont pu être réalisées en remontant très loin dans le temps que là ou les archives nominatives avaient été totalement conservées.
Les associations d’archivistes se félicitent que le nouveau projet de directive européenne sur les données personnelles envisage que les données puissent être conservées après le traitement originel, et se tiennent à la disposition des instances européennes pour évoquer ce sujet.
Paris – Rome, le 1er décembre 2014
Katell Auguié, présidente par intérim de l’Association des archivistes français
Marco Carassi, président de l’Associazione Nazionale Archivistica Italiana