Au fil de la lecture de ce rapport apparaît une profession chargée d’une mission noble, mais lourde. Elle nécessite à la fois robustesse (à ce titre la pénibilité du travail –physique- de certaines catégories de personnel n’est pas à minimiser) et engagement de professionnels passionnés et conscients des enjeux de la préservation de la mémoire, mais suspendus à l’incertitude de l’avenir des structures, les trois services à compétence nationale (SCN) Archives nationales (AN), Archives nationales d’Outre-Mer (ANOM) et Archives nationales du Monde du Travail (ANMT) au sein desquelles ils exercent.
L’AAF relève que plusieurs des recommandations de la Cour supposent un renforcement de l’expertise et des moyens humains dédiés par l’État à la conservation de ses archives centrales : il en va ainsi des demandes de mener des études prospectives en vue de la collecte, d’établir un récolement visant à une meilleure connaissance des fonds (on voit qu’il a été abandonné aux ANMT faute de personnel qualifié) et de publier un état annuel des versements, toutes tâches qui supposent des équipes aptes et réactives.
Cette préoccupation rejoint la demande de rédactions de projets scientifiques, culturels et éducatifs (PSCE) qui, elle aussi, nécessitera des équipes et du temps (rédaction puis application).
La Cour promeut une meilleure coordination entre les trois SCN et propose leur fusion ou la création d’un établissement public administratif. Sans avoir à ce stade de position associative en faveur de l’un ou l’autre de ces scénarios, nous insistons sur les questions que l’un ou l’autre ne manquera pas de poser quant à la capacité de la tutelle à jouer pleinement son rôle, tutelle par ailleurs sur la brèche pour suivre les aspects réglementaires, normatifs et prospectifs, ainsi que l’animation et le contrôle d’un réseau qui traverse par ailleurs une phase de réorganisation liée à la réforme territoriale en cours.
Du point de vue de la collecte, la situation du paysage archivistique au niveau central est tendue, comme le rapport le détaille. Entre les réorganisations et déménagements de ministères, dans lesquelles les missions (ou les services archives) ne disposent pas de capacités linéaires à la hauteur des besoins, et le sinistre de Fontainebleau qui a contraint le SCN AN à une diminution drastique des entrées sans marge de manœuvre, il apparaît plus que jamais nécessaire de repenser la place des AN dans la chaîne de la collecte : elles doivent être acteurs et pas simple réceptacle.
En tout état de cause, la question immobilière se révèle aujourd’hui absolument déterminante : la situation de Fontainebleau, qui a perturbé les perspectives tracées jusqu’en 2030-2040, nécessite de gérer un entre-deux qui doit durer le moins longtemps possible. Si l’ouverture du Pierrefitte-sur-Seine en 2013 a apporté un nouveau souffle aux AN et plus largement au réseau, force est de constater que l’incertitude freine aujourd’hui grandement cet élan.
Devant l’ampleur des transferts à venir et les accroissements attendus, mais aussi compte tenu de l’importance des lieux pour la mémoire collective et celle de la profession, la visibilité et l’image de l’institution, l’efficacité des actions culturelles, l’AAF n’est pas favorable à l’abandon du site de Paris, mais à ce que les moyens soient mis pour assurer le rayonnement des Archives nationales dans la capitale : elle rejoint en cela la position des rapporteurs spéciaux de la commission des Finances.
L’AAF relève enfin qu’aujourd’hui, de l’aveu même de la présidente de la 3e chambre de la Cour, Mme Sophie MOATI, lors de sa présentation du rapport aux sénateurs membres de la commission des Finances, l’enjeu budgétaire est faible (31 millions d’euros de budget et 17 millions de masse salariale), alors que les enjeux mémoriels et démocratiques sont immenses…
Au-delà de cette constatation, hélas ancienne, l’AAF, tout en mesurant le chemin parcouru ces dernières années, estime qu’il est grand temps, à un moment stratégique, que l’Etat manifeste tout l’intérêt qu’il porte à l’enjeu citoyen que sont les archives, à commencer par les siennes, afin de lui permettre de relever aujourd’hui ce défi pour demain.
L’Association des archivistes français se tient à la disposition des sénateurs, membres de la commission des Finances, et de ses rapporteurs spéciaux, MM. EBLE et GATTOLIN, pour contribuer à la mise en application des mesures préconisées.