Communiqué de presse du 9 novembre 2016

Le fichier des titres électroniques sécurisés est l’affaire de tous

L’Association des archivistes français, composée de professionnels de la gestion et de la conservation de l’information et des documents émanant de l’administration, réagit à l’instauration par voie réglementaire du fichier des titres électroniques sécurisés (TES) par le Gouvernement, et s’interroge sur les options techniques retenues et réclame l’ouverture d’une concertation pour concilier sécurité et traçabilité de l’action administrative et protection des données personnelles des citoyens.

mercredi 16 novembre 2016
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Par décret du 28 octo­bre 2016, le Gouvernement a auto­risé la créa­tion d’un trai­te­ment de don­nées à carac­tère per­son­nel rela­tif aux pas­se­ports et aux cartes natio­na­les d’iden­tité, dénommé “Titres électroniques sécu­ri­sés (TES)”. La fina­lité de ce fichier, qui ren­ferme des éléments bio­mé­tri­ques, est double : faci­li­ter l’établissement des cartes natio­na­les d’iden­tité et des pas­se­ports ; pré­ve­nir et détec­ter la fal­si­fi­ca­tion et la contre­fa­çon des papiers d’iden­tité.

Ce fichier, par son objet, sa taille et les infor­ma­tions col­lec­tées, sou­lève de nom­breu­ses ques­tions en termes d’éthique mais également de choix tech­ni­ques. Cette méga-base de don­nées va ras­sem­bler les infor­ma­tions sur l’iden­tité, y com­pris des don­nées bio­mé­tri­ques, de près 60 mil­lions de Français, soit la quasi-tota­lité de la popu­la­tion fran­çaise.

Des infor­ma­tions vul­né­ra­bles car trop cen­tra­li­sées
Compte tenu de sa nature, il est à crain­dre que cette base de don­nées soit atta­quée et que les infor­ma­tions qu’elle contient soient uti­li­sées à des fins mal­veillan­tes, par des grou­pes de hackers ou par des pays tiers, comme ont pu nous le révé­ler plu­sieurs affai­res récen­tes.

Le risque Big Brother
La créa­tion d’une telle base de don­nées pré­sup­pose des solu­tions tech­no­lo­gi­ques mais aussi des prin­ci­pes citoyens, éthiques et démo­cra­ti­ques.
Si aujourd’hui la fina­lité de ce fichier est la sécu­ri­sa­tion des titres d’iden­tité des per­son­nes, on ne peut pas passer sous silence le risque d’une uti­li­sa­tion à des fins de contrôle ou d’iden­ti­fi­ca­tion des citoyens.

Le décret auto­ri­sant la créa­tion du fichier TES fixe en effet trop peu d’exi­gen­ces quant à la gou­ver­nance des infor­ma­tions col­lec­tées, aux moda­li­tés du main­tien de leur authen­ti­cité, dans le temps et aux condi­tions de des­truc­tion sécu­ri­sée des don­nées… Autant d’éléments qui deman­dent à être débat­tus, dans une démar­che de Privacy by design (res­pect de la vie privée dès la concep­tion) par exem­ple.

Les archi­vis­tes, en raison de leurs fonc­tions-mêmes, conser­vent déjà dans leurs ser­vi­ces un grand nombre de docu­ments conte­nant des infor­ma­tions per­son­nel­les, qu’il s’agisse de l’état civil, de dos­siers indi­vi­duels d’agents publics, d’affai­res judi­ciai­res, d’aides socia­les, de permis de cons­truire…. Notre pro­fes­sion est donc par­ti­cu­liè­re­ment sen­si­ble et atten­tive aux condi­tions de col­lecte, de conser­va­tion et d’uti­li­sa­tion des infor­ma­tions à carac­tère per­son­nel, dans le res­pect de la vie privée des citoyens.

Une concer­ta­tion indis­pen­sa­ble
On ne peut que regret­ter que le Gouvernement fran­çais ait fait le choix de créer ce fichier en pas­sant par la voix du décret, sans débat par­le­men­taire. La CNIL, dans sa déli­bé­ra­tion du 29 sep­tem­bre, avait pour­tant relevé que “le Parlement devrait être prio­ri­tai­re­ment saisi du projet envi­sagé”. Le Conseil d’État avait par ailleurs ouvert la voie, en indi­quant qu’ : “il était aussi loi­si­ble au Gouvernement d’emprun­ter la voie légis­la­tive, compte tenu de l’ampleur du fichier envi­sagé et de la sen­si­bi­lité des don­nées conte­nues.” On le voit donc, si la néces­sité d’une meilleure sécu­ri­sa­tion des cartes natio­na­les d’iden­ti­tés et pas­se­ports n’est pas remise en cause, le débat doit être large et les choix pris en concer­ta­tion.

La CNIL, comme le Conseil natio­nal du Numérique (CNNum) ont apporté des pro­po­si­tions tech­ni­ques alter­na­ti­ves pour amé­lio­rer la sécu­rité des titres d’iden­tité tout en pro­té­geant mieux les don­nées des citoyens fran­çais. L’ajout des éléments bio­mé­tri­ques dans la carte natio­nale d’iden­tité comme cela est déjà le cas pour les pas­se­ports, peut être une voie à explo­rer. Les infor­ma­tions bio­mé­tri­ques seraient ainsi tou­jours en pos­ses­sion des citoyens, ren­dant leur vol plus dif­fi­cile mais sur­tout non massif.

L’Association des archi­vis­tes fran­çais rejoint la pro­po­si­tion du CNNum qui, dans son com­mu­ni­qué du 7 novem­bre 2016, demande la sus­pen­sion de la mise en œuvre de ce fichier afin de per­met­tre une consul­ta­tion plus large et ainsi per­met­tre l’émergence de solu­tions tech­ni­ques appor­tant de meilleurs garan­ties en termes de pro­tec­tion de l’iden­tité tout en pré­ser­vant au mieux la vie privée et les don­nées per­son­nel­les de tous les citoyens.

Délibération CNIL n° 2016-292 du 29 sep­tem­bre 2016

Communiqué de presse du CNNum

Avis du Conseil d’État du 23 jan­vier 2016

Contacts :
Association des archi­vis­tes fran­çais - Alice Grippon
8 rue Jégo – 75013 Paris
Delegation_gene­ra­le@ar­chi­vis­tes.org ou 01-46-06-40-12

À propos de l’AAF :
Fondée en 1904, l’Association des archivistes français regroupe aujourd’hui plus de 1 800 adhérents, professionnels des archives du secteur public comme du secteur privé.
Consciente du défi que représente, dans le monde contemporain, la maîtrise de la production archivistique et de l’information qu’elle renferme, l’AAF se définit comme un organe permanent de réflexions, de formations et d’initiatives mis au service des sources de notre histoire, celles d’hier comme celles de demain. L’association entend en cela défendre les intérêts des professionnels, promouvoir le métier d’archiviste et sensibiliser le grand public à l’importance citoyenne des archives en France mais également à travers le monde.

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