Communiqué de presse du 6 juin 2015
Pourquoi la France a besoin d’une nouvelle loi sur les archives !
L’Association des Archivistes français dénonce le retrait pur et simple de l’ensemble des dispositions relatives aux archives dans le projet de loi « liberté de création, architecture et patrimoine ».
Ces dispositions sont pourtant indispensables à la France pour accompagner les mutations d’une administration en phase avec son temps et pour maintenir un service public de qualité. A l’heure où les collectivités sont invitées à plus d’économies dans un contexte de réduction des dotations de l’Etat, leur retrait nous paraît tant préjudiciable à la bonne conservation du patrimoine numérique local qu’à la recherche de rationalisation des coûts.
Cette loi devait venir améliorer les dispositifs de mutualisation entre collectivités territoriales, notamment autour de la gestion, la conservation et l’accès aux données électroniques, afin de soutenir l’effort considérable demandé par l’Etat dans la dématérialisation progressive des actes administratifs, et d’améliorer la relation avec les citoyens. Compte tenu des restrictions budgétaires mais également de coopérations territoriales déjà bien engagées dans le domaine, la faculté de mutualiser l’archivage électronique doit être ouverte entre toutes les collectivités quel que soit leur niveau, et sur tout type de document ou de donnée : cette mutualisation ne doit pas concerner uniquement les infrastructures, elle doit aussi être possible pour les services, les moyens humains, matériels et financiers. Par ailleurs, comme le proposait le projet de loi et comme l’appliquent déjà certains services d’archives intercommunaux face à la demande pressante de communes, la gestion des archives communales par un EPCI dans un esprit de mutualisation descendante doit être rendue possible en dehors de toute restriction de date de production des documents. Retarder la reconnaissance de ces initiatives et les décourager en entretenant un flou juridique semble très contradictoire au moment où sont votées plusieurs lois touchant à l’organisation territoriale du pays et incitant au regroupement.
Dans le même temps, les citoyens doivent pouvoir compter sur une politique ambitieuse en matière d’archives afin de garantir que la collecte et la conservation des données et des documents électroniques soient pleinement assurées dans des conditions de sécurité optimales, afin qu’ils puissent non seulement accéder aux données produites par l’administration, mais également à celles qu’ils ont confié aux services publics, comme c’est un droit pleinement acquis depuis la Révolution française. A cette fin, il est plus qu’urgent de compléter la définition légale des archives en y ajoutant la notion de donnée qui symbolise l’évolution de notre société vers le numérique.
Enfin, dans un monde de plus en plus complexe juridiquement, plusieurs articles visant à renforcer et protéger le patrimoine écrit français ont été introduites, en interdisant par exemple le démembrement de fonds privés classés, ou encore réaffirmant la qualité d’archives publiques des documents produits par des entreprises ou structures assurant une mission de service public. Loin d’être anecdotique, la prise en compte de ces enjeux dans une future loi engagerait l’obligation de conserver ces archives, témoins d’une histoire assurément singulière.
Supprimer ces mesures, c’est aller à l’encontre des actions de transparence gouvernementale prises depuis 2012 par la France et défendue au plus haut niveau européen, c’est restreindre la capacité des collectivités locales à proposer des solutions innovantes pour remplir leurs obligations légales en matière d’archives, c’est menacer la relation de réciprocité qui unit le citoyen et les institutions, c’est compromettre le futur d’un pays en dédaignant la protection de son patrimoine passé et présent.