Présentation issue de l’ECHO N°14 (avril 1998)
1. Historique
Les collections de manuscrits de la Bibliothèque de l’Institut de France ont pour noyau initial les « 2 000 manuscrits » rassemblés par le procureur Antoine Moriau pour son usage personnel et légués en 1760 à la Ville de Paris avec le reste de sa bibliothèque. Plutôt que la collection d’un bibliophile, il s’agit d’une bibliothèque de travail : peu de manuscrits médiévaux, peu de littérature, seulement quelques belles reliures, et surtout des textes fondamentaux, où dominent nettement la théologie, le droit et l’histoire de France. Moriau y avait joint la collection des Godefroy père et fils, historiographes de France entre 1632 et 1681, formée de documents originaux et de copies concernant les affaires intérieures et extérieures de la France entre la mi-XVIe et la mi-XVIIe siècle, collection qui forme aujourd’hui un fonds particulier.
A la Révolution, la collection de la Ville de Paris devenue celle du jeune Institut national (la bibliothèque de l’Institut est fondée en 1797) s’enrichit de manuscrits prélevés dans les dépôts littéraires. C’est l’occasion de récupérer quelques éléments provenant des anciennes académies royales, principalement l’Académie des sciences.
Les collections s’accroissent considérablement au cours du XIXe siècle, par des dons et legs de particuliers ainsi que par les dons des différentes académies. En 1907, l’Institut reçoit l’exceptionnelle collection Spoelberch de Lovenjoul, composée d’imprimés et de manuscrits littéraires du XIXe siècle (Balzac, George Sand, Théophile Gautier, Sainte-Beuve...). Elle est abritée aujourd’hui dans les locaux de la Bibliothèque de l’Institut, et possède son propre catalogue.
Ce n’est qu’au XXe siècle que l’on trouve trace d’achats ; encore aujourd’hui, les collections de manuscrits s’enrichissent principalement par des dons, mais la Bibliothèque s’efforce néanmoins, dans la mesure de ses moyens, de procéder à des acquisitions.
2. Le fonds général
Le fonds général compte aujourd’hui près de 8000 cotes. Les manuscrits qu’il contient ont dans leur grande majorité un rapport avec l’Institut, les académies ou les académiciens.
2. 1. Archives en lien avec les académies
Au fil du XIXe siècle, furent déposés à la Bibliothèque des papiers issus des activités des cinq académies. Il s’agit le plus souvent de documents présentés lors des séances de travail, à l’occasion de communications, ou rassemblés au cours d’entreprises de recherche patronnées par l’une des académies (par exemple les manuscrits de Haute-Asie rapportés par la mission Dutreuil de Rheins en 1891-1892). Ainsi s’établit une complémentarité avec les divers fonds d’archives organiques présents à l’Institut : archives de l’Institut stricto sensu, et archives des différentes académies.
2. 2. Papiers d’académiciens
Surtout, dès ses origines, la bibliothèque a recueilli des papiers privés d’académiciens, dans tous les domaines : sciences, histoire, orientalisme, arts, politique, littérature.... Cette tradition s’est maintenue, et se poursuit aujourd’hui, constituant l’axe privilégié de l’enrichissement des collections de manuscrits. Parfois ce sont des fonds composés uniquement de correspondance (comme pour Jérôme Carcopino, pour Gabriel-Auguste Daubrée, ou pour René Zeiller), ou bien de papiers concernant essentiellement des activités scientifiques et professionnelles (fonds Georges Tessier, fonds André Mazon)
Mais dans certains cas, ces papiers constituent de véritables archives personnelles, reflétant toutes les facettes de l’activité des académiciens au cours de leurs carrières : biographie, oeuvre, responsabilités administratives, activités politiques, correspondances... Citons par exemple les fonds Condorcet (secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences), Claude Fauriel (linguiste, critique et érudit), Emile Mâle (historien de l’art médiéval, directeur de l’Ecole française de Rome), Charles Samaran (professeur à l’Ecole des chartes, directeur des Archives nationales), Louis Hautecoeur (secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-arts, historien de l’architecture, secrétaire général des Beaux-arts), Ferdinand Brunot (linguiste, professeur à la Sorbonne, historien de la langue française, maire du XIVe arrondissement), Jacques-Emile Blanche (peintre et littérateur)...
2. 3. Autres documents
Enfin, le fonds général abrite aussi de nombreux documents entrés aux XIXe et XXe siècles qui n’ont pas forcément de lien direct avec l’Institut, mais lui ont été confiés en raison de son prestige ou bien à cause de relations personnelles : fonds Auguste Terrier (histoire coloniale), papiers de Waldeck-Rousseau, correspondances de Stephen Pichon, d’Anna de Noailles...
La complémentarité des collections de manuscrits de la bibliothèque de l’Institut avec les services d’archives se retrouve pour les fonds privés d’académiciens. Ainsi, les correspondances de Ferdinand Fouqué et d’Alfred Lacroix sont-elles réparties entre les archives de l’Académie des sciences et la bibliothèque ; l’essentiel du fonds Paul Morand se trouve aux archives de l’Académie française, alors que la bibliothèque détient ses ouvrages et quelques manuscrits.
Parfois aussi, en fonction des attachements professionnels et institutionnels, des papiers d’académiciens peuvent être remis à d’autres institutions, telles que les archives et bibliothèques du Collège de France, la Fondation nationale des sciences politiques, la bibliothèque du Louvre, ou encore le Muséum d’histoire naturelle. Les archives de Georges Cuvier, par exemple, se répartissent en deux ensembles, une partie scientifique à la bibliothèque centrale du Muséum, une partie politique et administrative à l’Institut. La correspondance botanique de Joseph Decaisne, correspondance passive et recueils d’autographes, trouve son pendant au laboratoire de cryptogamie du Muséum. Les archives familiales et les manuscrits de Henri de Régnier et son beau-père José-Maria de Hérédia sont répartis entre la Bibliothèque de l’Institut, la bibliothèque de l’Arsenal, et le Cabinet des Manuscrits de la Bibliothèque nationale.
Les principaux catalogues et instruments de recherche disponibles sont :
– pour le fonds Lovenjoul. Georges Vicaire, Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Tome LII. Chantilly : Bibliothèque Spoelberch de Lovenjoul, Paris, 1960 ;
– pour la collection Godefroy. François Gébelin, Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Paris. Bibliothèque de l’Institut, collection Godefroy, Paris, 1914 ;
– pour le fonds général. Deux catalogues ont été publiés, pour les cotes 1 à 6200 : celui de M. Bouteron et J. Tremblot, Catalogue général des Manuscrits des bibliothèques publiques de France, Paris, Bibliothèque de l’Institut, Paris, 1928 (cotes 1 à 3800) et celui de J. Tremblot de La Croix, Catalogue général des Manuscrits des bibliothèques publiques de France, Tome LIV : Paris, Bibliothèque de l’Institut de France, Supplément, Paris, 1962 (cotes 3801 à 6200). Il existe de surcroît pour les cotes 1 à 6200 plusieurs dépouillements complémentaires, consultables à la Bibliothèque (index complets de certaines correspondances très volumineuses, recensement de dessins, etc.). Pour les acquisitions postérieures à 1962 (cotes 6201 et suivantes), aucun catalogue n’a encore paru, bien que ces collections soient dûment inventoriées et indexées. Il faut recourir aux instruments de travail disponibles à la Bibliothèque.
3. Les conditions d’accès et les services
La salle de lecture offre 40 places de consultation. Pour être inscrit comme lecteur, il faut justifier d’une recommandation de deux académiciens. Cependant les chercheurs ayant besoin de l’accès aux collections spécifiques de la Bibliothèque (ce qui recouvre, évidemment, toutes les collections manuscrites), peuvent se voir accorder une autorisation d’accès pour le temps nécessaire à leur recherche, sur présentation d’un justificatif.
La Bibliothèque répond en outre aux demandes de renseignement par téléphone, courrier et courrier électronique. Des services de reprographie peuvent être fournis.
1998